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Jacques Marilossian
Question N° 35912 au Ministère de l’économie


Question soumise le 2 février 2021

M. Jacques Marilossian interroge M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur le renforcement du contrôle des transferts internationaux d'argent par le biais des agences comme Western Union. L'agence Tracfin, rattachée au ministère de l'économie, des finances et de la relance, est chargée de la lutte contre les circuits financiers clandestins, en particulier dans la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT). Dans sa décision du 10 janvier 2019, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) a sanctionné d'un blâme et d'une amende d'un million d'euros la filiale européenne de l'américain Western Union dans l'application des dispositions légales françaises du dispositif LCB-FT. Western Union a manqué de vigilance alors que la France doit combattre le terrorisme dans la bande sahélo-saharienne et subit encore des attaques sur son sol. Ces sanctions semblent aussi très faibles au regard des objectifs menés contre le financement de la violence terroriste. Le contrôle actuel en France du transfert international d'argent par Tracfin est-il suffisant ? Ne faut-il pas renforcer ce contrôle au niveau européen ? Il souhaite ainsi connaître le bilan du contrôle du transfert international d'argent par Tracfin et les pistes examinées par le Gouvernement pour renforcer ce contrôle.

Réponse émise le 18 mai 2021

La transmission de fonds constitue une activité particulièrement exposée aux risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme dans la mesure où elle peut permettre aux criminels de transférer instantanément leurs gains d'origine illicite en dehors du territoire national, ou de financer des groupes terroristes actifs sur le territoire européen ou des zones de conflit en dehors de l'Union européenne. Ces risques ont bien été identifiés par les autorités dans le cadre de l'analyse nationale des risques de 2019, réalisée sous la conduite du Conseil d'orientation de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT) dont le Trésor assure le secrétariat. L'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) identifie également, dans son analyse sectorielle des risques, la transmission de fonds comme une activité à risque élevé du point de vue de la LCB-FT. Pour tenir compte de ces vulnérabilités, des dispositifs juridiques spécifiques à la transmission de fonds ont d'ores et déjà été introduits au sein du code monétaire et financier. Tout d'abord, il sera rappelé que les établissements de crédit, les établissements de paiement et les établissements de monnaie électronique, qui sont les principaux transmetteurs de fonds, figurent bien dans le champ des entités assujetties aux obligations de LCB-FT. Celles-ci ont d'ailleurs été notablement renforcées à l'occasion de l'adoption de l'ordonnance du 4 novembre 2020 sur le gel des avoirs qui impose dorénavant à tout acteur financier exerçant en France, même sans y être établi (ce qui inclut les acteurs exerçant des activités de transmission de fonds sous le régime de la libre prestation de services), de veiller à ne pas mettre à la disposition d'acteurs visés par des mesures de gels, des fonds ou des ressources économiques. Par ailleurs, il s'avère que les obligations de vigilance client auxquels sont soumis les acteurs exerçant ces activités de transmission sont particulièrement strictes, puisqu'ils doivent identifier leurs clients et vérifier leur identité quel que soit le montant des transmissions réalisées. Cette exigence française est plus stricte que les dispositions du droit européen qui laisse la possibilité aux entités assujetties de ne pas procéder à ces mesures d'identification lorsque le transfert de fonds est inférieur à 1000 euros. Enfin, les opérations de transmissions de fonds effectuées à partir d'un versement en espèces ou au moyen de monnaie électronique doivent faire l'objet d'un signalement systématique (aussi appelé COSI) à Tracfin lorsque leur montant dépasse 1000 euros par opération, ou 2000 euros cumulés par client sur un mois civil. Ainsi, en 2019, ce sont près de 16.700 déclarations de soupçon qui ont été reçues par Tracfin en provenance des opérateurs de transmission de fonds, nombre en hausse constante. De la même manière, le nombre de COSI portant sur la transmission de fonds a augmenté de 15% par rapport à 2018 pour atteindre 3,9 millions d'opérations représentant près de 7 milliards d'euros. Ces informations n'impliquent pas, toutefois, que l'ensemble de ces opérations ou sommes soient suspectes dans la mesure où la transmission est automatique dès que le seuil est franchi. L'ensemble de ces opérations, déclarations de soupçon et COSI, est traité par Tracfin pour détecter d'éventuels soupçons d'infractions pénales, des fraudes ou des opérations de financement du terrorisme ou pour enrichir d'autres investigations. Enfin, il est rappelé que depuis la transposition de la 5ème directive anti-blanchiment (Ordonnance n° 2020-115 du 12 février 2020), Tracfin peut désormais initier des enquêtes à partir de simples COSI, ce qui permet de démultiplier les analyses croisées des différentes informations reçues par le Service, et le cas échéant d'initier des enquêtes en l'absence de déclarations de soupçons relatives aux personnes et/ou aux faits concernés. Ces COSI permettent donc au Service d'avoir une certaine visibilité sur les flux non-bancarisés qui sont ceux qui échappent d'ordinaire le plus facilement aux mécanismes de contrôle. Il est toutefois exact que ces activités pourraient faire l'objet d'une supervision efficace au niveau européen, notamment au regard de la nature transfrontière des opérations réalisées par les principaux prestataires de services. Une supervision directe des activités de transmission de fond par une autorité européenne de supervision en matière de LCB-FT pourrait être à cet égard envisagée, et permettrait de résoudre certaines difficultés en matière de coopération entre superviseurs européens nationaux lorsque sont en cause des acteurs exerçant sous le régime de la libre prestation de service. Les négociations européennes qui s'ouvriront au second trimestre 2021 sur la réforme du cadre européen de LCB-FT permettront d'évoquer ce sujet.

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