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Jean-Luc Mélenchon
Question N° 36091 au Ministère auprès du ministre de l’europe


Question soumise le 9 février 2021

M. Jean-Luc Mélenchon interroge M. le ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur et de l'attractivité, sur au sujet de l'accord UE-Mercosur. Le Gouvernement a récemment multiplié les grandes déclarations et affirmé vouloir jouer un rôle moteur dans la lutte contre le changement climatique et l'érosion de la biodiversité. Le 29 juin 2020, le Président de la République disait aux membres de la Convention citoyenne pour le climat : « J'ai stoppé net les négociations ». En décembre 2020, il ajoute face aux velléités de la Commission européenne qu’« il n'est pas question de déclaration annexe ». Enfin, le 25 janvier 2021, Barbara Pompili, ministre de la transition écologique affirmait : « Pour lutter contre la déforestation importée, la France a refusé de signer un accord de libre-échange avec le Mercosur et a notamment engagé un plan protéines végétales pour réduire nos importations de soja. » Les urgences écologique et climatique exigent de mettre en œuvre une bifurcation écologique d'ampleur. Celle-ci implique la modification en profondeur des façons de produire, de consommer et d'échanger. Or les accords de libre-échange conduisent tout droit dans une impasse. En effet, la Commission européenne vient de publier un rapport de recherche qui démontre que les importations cumulées de douze accords commerciaux en cours de négociation, de ratification ou d'application, dont l'accord UE-Mercosur, ne vont faire qu'aggraver la situation sur tous les plans. D'après ce rapport, l'accord UE-Mercosur aurait une grande part de responsabilité dans la déstabilisation accrue des marchés agricoles. En effet, il occasionnerait « la plus forte importation de produits agricoles » sur des marchés déjà saturés et alors que les agriculteurs peinent déjà à vivre de leur métier. En échange, il prévoit la suppression des droits de douane sur 91 % des biens exportés vers le Mercosur. À quel prix ? Outre l'accroissement des émissions de gaz à effet de serre qu'il provoquerait, un autre rapport d'experts évoque une hausse de 5 % de la déforestation du fait de l'augmentation de la production bovine. Pourtant, il semble que la France agisse à l'inverse de ses grandes ambitions. En réalité, il semblerait qu'elle soit en train de négocier en catimini son ralliement à la Commission européenne et son soutien à l'accord UE-Mercosur. Ce soupçon s'appuie sur un « document de travail » émanant du Ministère du commerce extérieur et adressé à tous les membres du Comité de suivi de la politique commerciale et publié par certains médias. À la lecture de ce document, on comprend que la France s'apprête à faire marche arrière. Premièrement, le Gouvernement accepterait de ne pas rouvrir les négociations sur son contenu. Deuxièmement, elle serait prête à entériner le choix de la Commission européenne consistant à travailler sur une « déclaration des parties annexée à l'accord ». Ainsi, au lieu d'un rejet de l'accord, le Gouvernement formulerait des « exigences additionnelles » portant sur le climat, la lutte contre la déforestation et les normes sanitaires. De fait, vouloir compléter l'accord signifie que le Gouvernement a renoncé à s'y opposer. Le collectif « Stop CETA-Mercosur » a produit une analyse détaillée de ce document. Selon ce collectif, son contenu est problématique à plusieurs endroits. En effet, les « exigences additionnelles » proposées par le Gouvernement font l'impasse sur un grand nombre d'enjeux soulevés par l'accord lui-même : violation des droits humains et sociaux, incluant ceux des populations autochtones, déstabilisation des économies locales, exportation massive de pesticides européens pourtant interdits d'usage en Europe, destruction d'emplois, etc. Surtout, ces « exigences additionnelles » seraient inoffensives et inapplicables. En effet, leur caractère purement déclaratif serait sans force exécutoire sur le contenu même de l'accord. Ces « exigences » apparaissent d'autant plus dérisoires et critiquables que l'accord, dans son état actuel, ne prévoit aucun mécanisme de participation réelle des syndicats, ni sanctions en cas de violation de conventions internationales. Le chapitre relatif au développement durable ne comporte pas non plus de mesures concrètes pour contrôler l'application des normes internationales du travail et de toutes les conventions liées à la sécurité sociale. En clair, si ce document est conforme aux intentions du Gouvernement, il révèle un double discours et un reniement majeur. M. le député s'interroge. Quelle est donc la position réelle de la France ? Par conséquent, il aimerait savoir si le Gouvernement compte œuvrer en faveur de l'abandon définitif de cet accord, conformément à ses engagements, ou s'il persiste à vouloir le sauver.

Réponse émise le 6 juillet 2021

En août 2019, en marge du sommet du G7 à Biarritz, le Président de la République a indiqué que la France ne pouvait pas soutenir l'accord UE-Mercosur en l'état, compte tenu de l'orientation prise par les politiques publiques de ces pays, qui allaient clairement à l'encontre des objectifs collectifs de l'Accord de Paris et de leurs engagements individuels pris dans ce cadre. Ces actes se manifestent en particulier par l'aggravation depuis plusieurs années de la déforestation dans cette région, et en particulier en Amazonie. Ils sont à la fois contraires à la lettre et à l'esprit du projet d'accord d'association UE-Mercosur, dont le volet commercial et le volet politique engagent explicitement au respect et à la mise en œuvre effective de l'Accord de Paris. C'est dans ce contexte que le Gouvernement a mandaté, à l'été 2019, une commission d'experts indépendants. Cette commission était notamment chargée d'analyser l'ensemble des dispositions du projet d'accord pouvant avoir un impact sur le développement durable, d'évaluer l'effet de l'accord sur les émissions de gaz à effet de serre, la déforestation, la biodiversité, la diffusion des technologies propres et la transition écologique des modes de production. Le rapport, remis le 18 septembre 2020 au Gouvernement, a conforté la France dans sa position de s'opposer au projet d'accord d'association en l'état, et dans sa volonté d'utiliser le levier offert par la perspective de l'accord pour rehausser les engagements de nos partenaires en matière de protection de l'environnement et de la biodiversité. Le Gouvernement a posé les trois exigences suivantes : l'accord d'association avec le Mercosur ne doit en aucun cas entraîner une augmentation de la déforestation importée au sein de l'Union européenne, les politiques publiques des Etats du Mercosur devront être pleinement conformes avec leurs engagements au titre de l'Accord de Paris, qui font partie intégrante de l'accord d'association, les produits agroalimentaires importés bénéficiant d'un accès préférentiel au marché de l'Union européenne devront respecter, de droit et de fait, les normes sanitaires et environnementales de l'Union européenne et faire l'objet d'un suivi. La satisfaction de ces exigences devra être contraignante, objectivable et vérifiable. Ces considérations font actuellement l'objet d'un travail de concertation technique entre les Etats membres et la Commission européenne. Par ailleurs, la Commission européenne présentera dans les prochains mois de nouveaux projets de réglementation en matière de lutte contre la déforestation importée et de gouvernance durable des entreprises. Ces réglementations auront un impact sur les relations commerciales de l'Union européenne avec les Etats tiers, et auront vocation à s'appliquer à l'ensemble des partenaires commerciaux de l'Union européenne, y compris les pays du Mercosur. Enfin, concernant l'étude de la Commission européenne que vous mentionnez, qui porte sur douze accords ou projets d'accord commerciaux de l'UE (Canada, Japon, Vietnam, Mercosur, Mexique, Australie, Nouvelle-Zélande, Chili, Indonésie, Malaisie, Thaïlande, Philippines), dont certains sont déjà entrés en vigueur, celle-ci souligne la sensibilité de certaines filières agricoles par exemple pour des produits comme la viande bovine, ovine et de volaille, le riz et le sucre. L'étude conclut d'ailleurs qu'il est pertinent pour les produits agricoles sensibles de définir des contingents tarifaires limités plutôt qu'une libéralisation complète et rejoint ainsi certaines des demandes de la France concernant la protection ciblée des produits agricoles sensibles dans le cadre des accords commerciaux de l'UE. Néanmoins, cette étude, qui actualise une analyse de 2016, indique également que l'impact agrégé de ces accords sur les filières agricoles et agroalimentaires serait positif pour la balance commerciale et la valeur ajoutée des secteurs agricoles et agroalimentaires européens, et que les exportations agroalimentaires de l'UE vers ces 12 partenaires devraient augmenter. Nous devons donc continuer à nous assurer que nos entreprises et agriculteurs puissent se saisir des opportunités des accords commerciaux, offrant un meilleur accès au marché et de nouveaux débouchés, tout en restant vigilants à la protection des produits agricoles sensibles. Le Gouvernement est convaincu du potentiel de développement à l'international que représentent pour l'agriculture et l'agroalimentaire français les échanges internationaux et les accords de commerce équilibrés. C'est pourquoi, pour les accords encore en cours de négociation, le Gouvernement sera extrêmement vigilant à la protection adéquate des filières sensibles françaises et au bon dimensionnement des contingents tarifaires. Pour les accords qui entreront en vigueur, le Gouvernement suivra les effets des importations et des exportations au sein du comité de suivi des filières sensibles mis en place suite à l'entrée en vigueur du CETA, qui n'a, à ce stade, révélé aucune déstabilisation des marchés agricoles français du fait du CETA.

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