Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Isabelle Rauch
Question N° 36389 au Ministère de la cohésion des territoires


Question soumise le 16 février 2021

Mme Isabelle Rauch appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur un phénomène de demi-sédentarisation des gens du voyage observé en plusieurs lieux du territoire. Le principe en est le suivant : des terrains privés non constructibles sont dûment achetés, puis servent à installer une ou plusieurs caravanes abritant une ou plusieurs familles. Les communes concernées sont, de la sorte, mises devant le fait accompli et doivent gérer à la fois le risque et les nuisances. Risque, puisque ces terrains ne sont pas viabilisés et peuvent présenter des risques d'inondation, d'instabilité ou de pollution. Nuisances, car l'absence de raccordement au réseau d'assainissement entraîne de mauvaises conditions d'hygiène et des relations difficiles avec les propriétaires des parcelles voisines. Cette situation est d'autant plus problématique que la nécessaire protection des enfants et des familles conduit Enedis à effectuer des raccordements électriques provisoires, lesquels officialisent en quelque sorte l'usage d'habitation sur des parcelles qui n'y sont pas destinées. Les pouvoirs de police du maire sont très limités pour faire face à ces situations, alors que sa responsabilité pénale est entière en cas de mise en danger de la vie d'autrui. Aussi, elle souhaite savoir si des évolutions réglementaires sont envisagées pour renforcer lesdits pouvoirs, voire pour agir en amont pour renforcer l'information ou la contrainte dans le cas de mutations sur du foncier non constructible.

Réponse émise le 21 septembre 2021

D'une manière générale, il n'est pas possible d'installer une caravane, même à titre provisoire, sur un terrain classé inconstructible par un document d'urbanisme. S'agissant particulièrement des résidences mobiles qui constituent un habitat permanent des gens du voyage, leur installation relève des dispositions particulières de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage. Le Conseil constitutionnel a jugé que ces dispositions ne permettaient pas de s'opposer au stationnement de gens du voyage sur un terrain dont ils sont propriétaires (Conseil Constitutionnel, décision n° 2019-805 DC). Pour autant, l'installation de caravanes sur un terrain, pour des personnes dont c'est l'habitat principal, qu'elles en soient ou non propriétaires, est soumise au droit de l'urbanisme et à différentes formalités préalables : une déclaration préalable à la mairie en cas d'installation de plus de trois mois (article R.421-23 du code de l'urbanisme) et un permis d'aménager en cas d'installation de plus de deux caravanes (article R.421-19 du même code). Ces installations peuvent donc être refusées par l'autorité compétente, si elles ne sont pas compatibles avec le règlement d'urbanisme. En cas de non-respect de ces formalités, il s'agit d'une infraction pénale au code de l'urbanisme, qui doit être constatée et poursuivie, dans le cadre des pouvoirs de police du maire en matière d'urbanisme dont les conditions sont prévues aux articles L. 480-1 et suivants du code de l'urbanisme, notamment par les agents territoriaux commissionnés par le maire à cet effet et assermentés. Ainsi, le maire agit en sa qualité d'officier de police judiciaire pour constater et faire cesser ces infractions. Il lui appartient également de demander au juge des référés l'enlèvement des caravanes en application de l'article 809 du code de procédure civile. La Cour de cassation a estimé qu'une commune est fondée à demander l'enlèvement des caravanes implantées en infraction aux règles d'urbanisme dès lors que les intéressés ne peuvent justifier de liens avec les lieux suffisamment étroits et continus pour qu'ils soient considérés comme étant leur domicile (Cour de cassation, chambre civile 3, 7 avril 2016, n° 15-15011). Par ailleurs, la loi du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique a mis en place un nouveau mécanisme administratif de traitement des infractions d'urbanisme. Une fois le procès-verbal d'infraction au code de l'urbanisme dressé, le maire peut mettre en demeure l'auteur de l'infraction et lui demander de procéder aux travaux nécessaires à la mise en conformité ou procéder à une demande de régularisation. Cette décision peut être assortie d'une astreinte de 500 euros par jour. Ce nouveau pouvoir, prévu à l'article L. 481-1 du code de l'urbanisme, permet une action plus rapide du maire pour traiter les infractions en matière d'urbanisme. En ce qui concerne les raccordements aux réseaux d'eau, d'électricité, de gaz ou de téléphone, les dispositions de l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme permettent au maire de s'opposer au branchement définitif aux différents réseaux d'une caravane installée en méconnaissance des règles d'urbanisme. Ainsi, le Conseil d'État (CE, 15 décembre 2010, n° 323250) reconnaît la possibilité pour le maire d'intervenir en refusant un raccordement aux réseaux d'électricité, d'eau, de gaz ou de téléphone d'une construction à usage d'habitation irrégulièrement implantée car il considère, à l'instar de la Cour de cassation, que le respect des règles d'urbanisme et de sécurité ainsi que la protection de l'environnement peuvent constituer un objectif légitime justifiant son intervention. Le Conseil d'État rappelle néanmoins qu'une telle mesure doit être proportionnée au but légitime poursuivi par le maire. En outre, il est permis de considérer que le maire pourrait s'opposer à un raccordement provisoire au titre de ses pouvoirs de police générale si le terrain expose ses occupants à un risque d'une particulière gravité pour leur vie ou pour leur intégrité physique, étant précisé que dans ce cas la décision du maire prise sur le fondement du 5° de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales devra être proportionnée aux risques encourus. Le maire dispose donc d'un certain nombre de moyens permettant de lutter contre le stationnement de caravanes en zones non constructibles ou sans déclaration préalable dans le cadre de ses pouvoirs de police en matière d'urbanisme et de ses pouvoirs de police générale.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.