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Jean-Paul Dufrègne
Question N° 36471 au Ministère de l’économie


Question soumise le 23 février 2021

M. Jean-Paul Dufrègne alerte M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur les conséquences de la restructuration annoncée de la Banque de France, notamment en termes de suppression d'emplois et d'externalisation de certaines de ses missions. Le 20 janvier 2021, la Banque de France a annoncé une restructuration de son réseau fiduciaire. D'ici 2022, 14 caisses de tri de billets, sur les 37 qui jalonnent le territoire, seront fermées. D'ici 2024, ce chiffre pourrait monter à 27 caisses fermées si la stratégie actuelle est poursuivie. Du fait de la fermeture de ces caisses, ce sont au moins 134 salariés qui devraient perdre leur emploi à horizon 2022, et le chiffre pourrait monter à 600 d'ici 2024. Au-delà de cette situation alarmante pour les salariés, c'est aussi le transfert d'une partie des compétences régaliennes de la Banque de France à des structures privées qui alerte M. le député. Et pour cause : les 14 caisses de tri de billets qui vont fermer seront remplacées par des stockages auxiliaires de billets dont la gestion va être confiée à des sociétés de transports de fonds privées, le tout rémunéré par les fonds publics de la Banque de France. Comment peut-on justifier une telle externalisation ? Il paraît en effet très surprenant que l'on donne les clefs de cette véritable mission de service public à un organisme privé qui ne bénéficiera pas du même niveau de contrôle et cela, sous prétexte de vouloir faire des économies. Au contraire, ne vaudrait-il pas mieux renforcer les activités de la Banque de France et favoriser la mobilité en interne ? La privatisation de certaines missions du réseau fiduciaire de la Banque de France paraît incompatible avec la nature même de ce dernier. Évidemment, la baisse du nombre de billets en circulation entraîne une baisse d'activité, mais si les postes supprimés sont remplacés par de l'externalisation privée, cet argument tombe à l'eau. Alors pourquoi, si ce n'est pour privatiser ? Il lui demande ce qu'il pense de cette situation alarmante au regard des nombreuses suppressions d'emplois envisagées et l'interroge plus particulièrement sur la légitimité du transfert d'une partie des compétences régaliennes de la Banque de France au privé.

Réponse émise le 29 juin 2021

Le Gouvernement porte une attention particulière aux réorganisations territoriales de la Banque de France. Comme toute grande institution publique, la Banque de France continue de s'adapter aux mutations de son environnement. En matière fiduciaire, la Banque de France a pour mission, en vertu de l'article L. 141-5 du code monétaire et financier "d'assurer l'entretien de la monnaie fiduciaire et de gérer la bonne qualité de sa circulation sur l'ensemble du territoire". Les succursales (art. L. 142-10) "concourent à l'entretien de la monnaie fiduciaire". En pratique, les agents de la Banque de France assurent la délivrance et l'encaissement des espèces, trient les espèces déposées afin de détecter les billets usagés et contrefaits, et procèdent à toutes les manipulations de valeurs exigées par la sécurité. L'activité d'entretien des espèces est assurée au sein des caisses institutionnelles de la Banque de France réparties sur l'ensemble du territoire. Ainsi, garante de cet entretien et de la qualité de circulation de la monnaie fiduciaire, la Banque de France n'a cependant pas le monopole du tri des espèces. C'est ainsi que les acteurs privés de la filière fiduciaire (transporteurs de fonds et établissements de crédit) ont développé depuis plusieurs années une activité de recyclage de la monnaie, sous le contrôle et la supervision de la Banque de France dans le cadre de sa mission de « garante de la qualité », telle que prévue par le code monétaire et financier. La Banque de France dispose actuellement d'un réseau de 36 caisses, qui conserve pour fonction d'assurer la distribution d'espèces aux établissements bancaires par l'intermédiaire des transporteurs de fonds. Or notamment sous l'effet de la dématérialisation des moyens de paiement et du développement de l'activité de recyclage de billets directement par les transporteurs de fonds et les établissements de crédit, la distribution d'espèces, déjà en baisse depuis plusieurs années (-14 % pour les billets entre 2014 et 2019), devrait continuer à se réduire très sensiblement (estimé à -30 % supplémentaires pour les billets d'ici 2025). Face à ces phénomènes, le réseau actuel est surdimensionné et peine à demeurer compétitif face aux transporteurs de fonds et établissements de crédits. Certaines caisses sont déjà en situation de sous-emploi malgré la fermeture d'une vingtaine de petites caisses départementales entre 2013 et 2018. Pour autant, ces fermetures n'ont en rien affecté les conditions dans lesquelles la banque remplit sa mission de garante de la qualité de la circulation de la monnaie fiduciaire ainsi que, plus globalement, de la bonne alimentation en espèces de l'économie. Ces fermetures ont été réalisées dans le cadre du plan de modernisation de la Banque de France, Ambitions 2020, récemment achevé, et qui a permis à la Banque de France de se transformer en profondeur pour s'adapter aux mutations en cours. Afin de prendre en compte ces évolutions, une décision a été prise dans le cadre du nouveau plan stratégique, afin de rationaliser le réseau de caisses fiduciaires. Cette mesure nécessaire induit pour les transporteurs de fonds un allongement des temps indispensables pour s'approvisionner auprès des caisses de la Banque de France. Elle s'accompagne cependant de réflexions pour en parer les effets, notamment en fluidifiant la circulation des billets. Plusieurs pistes sont ainsi actuellement à l'étude, comme la création d'espaces dédiés aux stocks auxiliaires de billets (SAB) plus connu sous l'acronyme NHTO (notes-held-to-holder en anglais) qui se situeraient au sein des centres forts des transporteurs de fonds. Cette solution permettrait à la Banque de France de disposer de dépôts avancés, et de relever le plafond de recyclage de stockage des billets autorisés. Il convient de souligner que la restructuration précitée s'appuie principalement sur le non-remplacement des agents partant en retraite (indemnisation ou accompagnement renforcé) et sur d'importantes mesures d'accompagnement social (par exemple de mobilité fonctionnelle -promotion interne- avec une mobilité géographique aussi limitée que possible). Cette réforme permettra à la Banque de France d'exercer avec une efficacité accrue toutes ses missions, en s'appuyant sur des implantations rénovées et dynamiques de son réseau qui demeure le plus dense du système européen de banques centrales.

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