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Rémi Delatte
Question N° 36517 au Ministère de la justice


Question soumise le 23 février 2021

M. Rémi Delatte attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement, sur les difficultés d'application de l'ordonnance du 30 octobre 2019 relative à l'exécution de travaux d'intérêt collectif en copropriété, en l'absence de ratification législative de celle-ci. Ladite ordonnance dispose en effet, aux termes de son article 8, qu'un copropriétaire ne peut s'opposer à l'exécution de travaux régulièrement votés en assemblée générale, et que le syndicat exerce, pour les travaux d'intérêt collectif sur les parties privatives, la maîtrise d'ouvrage jusqu'à la réception de ces derniers. Pour autant, l'ordonnance en question n'ayant jamais fait l'objet d'un projet de loi portant sa ratification, la valeur seulement réglementaire de cette disposition importante entraîne de fortes réticences des syndicats à l'exercer. Aussi, il la remercie de bien vouloir lui indiquer les pistes qu'elle envisage pour assurer la sécurité et la pérennité juridiques des dispositions de l'ordonnance du 30 octobre 2019.

Réponse émise le 16 novembre 2021

La possibilité de faire réaliser des travaux d'intérêt collectif sur des parties privatives d'une copropriété a été introduite à l'article 9 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis par l'article 12 de la loi n° 85-1470 du 31 décembre 1985. L'article 7 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement a précisé que le syndicat des copropriétaires exerce les pouvoirs du maître de l'ouvrage pour la réalisation des travaux d'économie d'énergie ou de réduction des émissions de gaz à effet de serre d'intérêt collectif réalisés sur les parties privatives, à l'article 25 g de la loi du 10 juillet 1965 précitée. L'article 59 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové a finalement dissocié cette disposition de l'article 25 g pour la faire figurer à l'article 9 de la loi du 10 juillet 1965. Dans un souci de clarification, l'article 8 de l'ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 portant réforme du droit de la copropriété des immeubles bâtis a réécrit l'ensemble du régime des travaux d'intérêt collectif au sein de l'article 9 de la loi du 10 juillet 1965, tout en reprenant ces deux dispositions. S'agissant de la sécurité et de la pérennité juridique de cet article, il y a lieu de rappeler que les ordonnances par lesquelles le Gouvernement prend des mesures relevant du domaine de la loi, sur habilitation du Parlement, « entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si le projet de loi de ratification n'est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d'habilitation  » (art. 38 de la Constitution du 4 octobre 1958). L'ordonnance du 30 octobre 2019 précitée, prise sur le fondement de l'habilitation prévue au II de l'article 215 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, a été publiée au Journal officiel de la République française le 31 octobre 2019. Un projet de loi ratifiant cette ordonnance a été déposé au Parlement le 15 janvier 2020, soit dans le délai imparti qui expirait au 30 janvier 2020. Elle n'est donc pas frappée de caducité et ses dispositions demeurent en vigueur en dépit de l'absence de ratification expresse par le Parlement (Cons. Constit. Décision n° 2020-851/852 QPC du 3 juillet 2020, cons. 10). Par ailleurs, le dernier alinéa de l'article 38 précité de la Constitution dispose qu'après le délai fixé par l'habilitation, « les ordonnances ne peuvent plus être modifiées que par la loi dans les matières qui sont du domaine législatif. » Il en résulte que l'absence de ratification de l'ordonnance par le Parlement n'a pas d'incidence sur les modalités de modification de telles dispositions, qui doivent dès lors être « regardées comme des dispositions législatives » (Cons. Constit., Décision n° 2020-843 QPC du 28 mai 2020, cons. 11).  Or, il est constant que les dispositions de l'article 9 de la loi du 10 juillet 1965 relatives à l'exécution de travaux d'intérêt collectif sur des parties privatives d'un copropriétaire affectent le régime de la propriété des copropriétaires et relèvent à ce titre du domaine de la loi défini à l'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958. Les modifications apportées par l'article 8 de l'ordonnance du 30 octobre 2019 précitée à ces dispositions, qui portent sur la même matière, sont donc intervenues dans le domaine législatif. Ainsi, bien que non ratifié, l'article 8 de l'ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019, qui intervient dans le domaine législatif, n'est pas caduc et ne peut être modifié que par une disposition de nature législative, de sorte que sa sécurité et sa pérennité juridique sont assurées.

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