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Caroline Janvier
Question N° 36554 au Ministère de l’éducation nationale


Question soumise le 23 février 2021

Mme Caroline Janvier interroge M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports sur l'intégration aux programmes scolaires de la sensibilisation à l'esprit critique et à la capacité d'analyse des élèves. En effet, à l'heure où les réseaux sociaux numériques font partie intégrante du quotidien des Français, la traditionnelle hiérarchie de l'information et la vérification méthodique des faits par les professionnels de cette information sont mises à mal par un partage d'informations horizontal qui, s'il a ses atouts, présente également de vrais dangers. Sur ces plateformes en ligne se diffusent aussi bien les informations vérifiées, issues par exemple des agences de presse, que des rumeurs, des mensonges ou des déformations de la réalité souvent modelées pour correspondre au portrait-robot du buzz et de la polémique. Cette problématique, qui touche à travers le monde parfois jusqu'aux plus hauts représentants de l'État, implique une évolution profonde de la facilité des citoyens à se renseigner de façon factuelle et véridique sur des informations, ainsi qu'un risque accru de céder à des théories complotistes. Face à ce constat, l'école semble être un acteur essentiel à la formation des jeunes à la capacité d'analyse critique de l'information qui leur est proposée au quotidien. Vérifier les faits, analyser la pertinence de l'information, identifier la crédibilité d'une source sont des compétences vitales aux citoyens pour que vive sainement la démocratie. C'est ainsi que, en Finlande, une formation transdisciplinaire sur la sensibilisation à l'information a été mise en place dans le cadre du programme national en 2016, ayant mené le pays au premier rang du media titeracy index 2019 de l'institut Open society, portant sur les - alors - 28 États membres de l'Union européenne et classant la France au 15e rang de cet index. Dans le cadre de cette réflexion, elle l'interroge donc sur les mesures déjà prises et celles prévues par le Gouvernement pour que les jeunes Français ne tombent pas dans le piège de la désinformation.

Réponse émise le 22 mars 2022

L'attention du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports a été appelée sur l'intégration aux programmes scolaires de la sensibilisation à l'esprit critique et à la capacité d'analyse des élèves face à l'information. Éduquer les élèves aux médias et à l'information pour leur permettre d'exercer leur citoyenneté dans une société de l'information et de la communication, en étant des « cybercitoyens » actifs, éclairés et responsables, fait partie des préoccupations ministérielles et constitue d'ores et déjà un des enjeux des programmes depuis le cycle 2 jusqu'au lycée. Le code de l'éducation détaille les missions de l'École, dont celle de « développer les connaissances, les compétences et la culture nécessaires à l'exercice de la citoyenneté dans la société contemporaine de l'information et de la communication » [Art. L. 111-2] et de former tous les élèves « aux droits et aux devoirs liés à l'usage de l'Internet et des réseaux » [Art. L. 312-9]. Le socle commun de connaissance, de compétences et de culture précise que les compétences à développer pour une éducation aux médias et à l'information se déclinent dans tous les domaines. Ainsi, l'élève : - "apprend à utiliser de façon réfléchie différents outils de recherche et à confronter les sources pour ensuite valider un contenu" ; - "identifie les différents médias, en connaît leur nature, en comprend les enjeux et le fonctionnement général afin d'acquérir une distance critique et une autonomie suffisantes dans leur usage" ; - "apprend à utiliser avec discernement les outils numériques de communication et d'information en respectant les règles sociales de leur usage et toutes leurs potentialités pour apprendre et travailler" ; - "sait traiter les informations qu'il a collectées et les organiser pour en faire des objets de connaissance". L'éducation aux médias et à l'information figure également dans les programmes des cycles 2, 3 et 4 : S'il constitue un enseignement spécifique au cycle 4, le CSP a formulé des orientations pour l'enseignement aux médias et à l'information (EMI) aux cycles 2 et 3. Les « Orientations pour l'EMI aux cycles 2 et 3 », publiées sur le site éduscol en janvier 2018, permettent de guider le travail des équipes pédagogiques, en cohérence avec le programme de cycle 4. L'EMI est ainsi présente dans tous les champs du savoir transmis aux élèves, prise en charge par tous les enseignements et représente un enjeu de continuité et de régularité dans le cursus de l'élève. La présentation des spécificités du cycle 2 mentionne l'EMI, qui permet « de préparer l'exercice du jugement et de développer l'esprit critique » et « de confronter leurs idées dans des discussions collectives, développer le goût de l'explication, de l'argumentation et leur jugement critique, de prendre confiance en leur propre intelligence capable d'explorer le monde ». Au cycle 3, les élèves se familiarisent avec différentes sources documentaires, apprennent à rechercher des informations et à interroger leur origine et leur pertinence dans l'univers du numérique. Ils travaillent ces compétences à travers plusieurs disciplines. Un enseignement spécifique est dédié à l'EMI pour le cycle 4 (arrêté du 9-11-2015). Il y est précisé que tous les enseignants, dont le professeur documentaliste, veillent collectivement à ce que les enseignements assurent à chaque élève : - "une première connaissance critique de l'environnement informationnel et documentaire du XXIe siècle" ; - "une maîtrise progressive de sa démarche d'information, de documentation" ; - "un accès à un usage sûr, légal et éthique des possibilités de publication et de diffusion". Les 4 compétences travaillées au cours du cycle sont : - utiliser les médias et l'information de manière autonome ; - exploiter l'information de manière raisonnée ; - utiliser les médias de manière responsable ; - produire, communiquer, partager des informations. La page dédiée à l'EMI proposée sur le site éduscol a pour ambition de proposer un véritable « parcours de découverte » à l'enseignant, et plus largement à toute personne de la communauté éducative, allant du contexte de l'EMI aux éléments de formation et d'accompagnement (textes réglementaires, mise en œuvre et formation). Le développement de l'esprit critique est également au cœur des finalités de l'histoire-géographie aux cycles 3 et 4, autour de la compétence « Raisonner, justifier une démarche et les choix effectués » à construire tout au long de la scolarité, comme le souligne la ressource consacrée à cette compétence sur éduscol : « Les professeurs entraînent leurs élèves à raisonner et à justifier lorsqu'ils les amènent à questionner des faits historiques ou géographiques, le rôle et les intentions des acteurs individuels et collectifs, à proposer des analyses qui s'appuient sur des faits, à saisir le vrai et à justifier leurs démarches, mais également à rechercher et identifier la diversité des interprétations possibles de faits historiques et géographiques. Cet exercice intellectuel est la garantie même de l'acquisition progressive d'un esprit critique et rejoint donc les finalités citoyennes de ces disciplines ». Par ailleurs, l'épreuve de baccalauréat de tronc commun en histoire-géographie comporte une analyse critique de documents, tout comme le sujet de spécialité histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques. Cette spécialité place la question de l'esprit critique et de l'information au cœur de ses préoccupations, par sa façon de travailler, mais aussi par certains de ses thèmes : en première, le thème 4 « S'informer, un regard critique sur les sources et modes de communication » y est totalement consacré, par une réflexion sur la définition et les moyens de l'information, puis par des développements sur les enjeux technologiques et politiques de cette question, avant un objet conclusif portant sur l'information à l'heure d'internet, et un objet sur « les théories du complot : comment trouvent-elles une nouvelle jeunesse sur internet ? » En outre, le développement de l'esprit critique des élèves est un enjeu majeur des programmes d'enseignement moral et civique. Parmi les quatre cultures à travailler des cycles 2 à 4 pour développer la culture civique des élèves, la culture du jugement a pour vocation de « développer l'esprit critique des élèves, et en particulier de leur apprendre à s'informer de manière éclairée ». Cet apprentissage prend également appui sur l'éducation aux médias et à l'information et sur la discussion réglée. « Construire l'esprit critique » et « apprendre à s'informer » sont étudiés du cycle 2 au cycle 4 dans la finalité « construire une culture civique » de façon progressive. Les professeurs sont libres de développer cet apprentissage autour de ces thématiques, par exemple comme support d'analyse de la liberté d'expression ou sur la notion de responsabilité. Cette réflexion est poursuivie au lycée, où la nécessité de contribuer à forger le sens critique des élèves est mise en avant dès le préambule des programmes. Dans le cadre du programme de première générale et technologique, le premier axe portant sur les « fondements et fragilités du lien social », le professeur peut mener l'étude à partir de « La défiance vis-à-vis de l'information et de la science (de la critique des journalistes et des experts à la diffusion de fausses nouvelles et à la construction de prétendues « vérités » alternatives) », à travers notamment la réflexion sur « les réseaux sociaux et la fabrique de l'information : biais de confirmation, bulles de filtre ; surinformation et tri ; fiabilité et validation ; les phénomènes et mécanismes de contre-vérités : le complotisme et le révisionnisme, les fake news. En terminale, la réflexion sur les enjeux de la démocratie amène à réfléchir sur ces questions : en terminale générale et technologique, l'axe 2 « repenser et faire vivre la démocratie » permet d'étudier « les conditions du débat démocratique : médias, réseaux sociaux, information, éducation, éthique de vérité ». La révolution numérique est un des objets mis en avant pour traiter des enjeux de la démocratie en terminale professionnelle. Le thème « analyser les dynamiques des puissances internationales » comporte une réflexion sur les nouvelles technologies et la puissance des GAFAM, qui peut nourrir la réflexion sur la façon dont leur action influence les sociétés. Au lycée professionnel, dès la rentrée scolaire 2021-2022, en terminale, le thème annuel : « s'engager et débattre en démocratie autour des défis de société », en questionnant la démocratie à l'heure du numérique, les évolutions du travail dans une société numérique ou les moyens dont disposent les citoyens pour bien s'informer pour prendre part aux débats, permet également le développement de l'esprit critique des élèves vis-à-vis des médias et différents canaux d'information. Enfin, dans le cadre du parcours citoyen l'EMI vise à former des citoyens éclairés et responsables dans une société de l'information et de la communication (cf. code de l'éducation). Dès le cycle 2 et jusqu'au lycée, les compétences développées dans le cadre de l'EMI trouvent aussi une continuité dans les enseignements scientifiques. Le domaine « questionner le monde du vivant, de la matière et des objets » au cycle 2 incite les élèves à réfléchir sur les objets techniques (« qu'est-ce que c'est ? à quels besoins répondent-ils ? comment fonctionnent-ils ?). Au cycle 3, le domaine 2 du socle commun précise qu'« en sciences en particulier, les élèves se familiarisent avec différentes sources documentaires, apprennent à chercher des informations et à interroger l'origine et la pertinence de ces informations dans l'univers du numérique », tandis qu'« en mathématiques, ils apprennent à utiliser des logiciels de calculs et d'initiation à la programmation ». Enfin, en sciences et technologie, le sous-domaine Matériaux et objets techniques amène les élèves à « repérer et comprendre la communication et la gestion de l'information ». Au cycle 4, l'enseignement de technologie (l'informatique et la programmation) conduit les élèves à « écrire, mettre au point et exécuter un programme ». Au lycée général et technologique, en seconde, le programme de sciences numériques et technologie est inscrit dans les enseignements communs et traite des thématiques suivantes : internet, le web, les réseaux sociaux, les données structurées et leur traitement, localisation, cartographie et mobilité, informatique embarquée et objets connectés, la photographie numérique. Depuis la rentrée scolaire 2019, les élèves du lycée général et technologique bénéficient tous, en classe de première et de terminale d'un nouvel enseignement scientifique. Cet enseignement donne à tous les lycéens les connaissances indispensables pour comprendre et agir dans le monde contemporain, mobilisant et renforçant les compétences déjà acquises dans le cadre de l'EMI. Il existe également en première et terminale générale et technologique, un enseignement de spécialité intitulé « numérique et sciences informatiques », dont la thématique société et développements technologiques amène à mesurer « l'impact sociétal des objets et des systèmes techniques sur la société et l'environnement ». Le groupe de travail n° 8 du Conseil scientifique de l'éducation nationale a publié en mai 2021 son premier rapport, sous la direction d'Elena Pasquinelli et Gérald Bronner : Eduquer à l'esprit critique. Bases théoriques et indications pratiques pour l'enseignement et la formation. Ce rapport, fruit d'un travail collectif mené depuis fin 2019 avec des enseignants, des formateurs, des inspecteurs de l'éducation nationale et des chercheurs, dans le but de donner à la fois des bases théoriques sur la notion d'esprit critique ainsi que des conseils pratiques pour l'enseignement et la formation. L'ensemble des nombreuses entrées de programmes dédiés au développement des compétences d'analyse des élèves et à l'apprentissage de leur sens critique témoignent d'une approche progressive et transversale tout au long de la scolarité. L'objectif commun est de former des citoyens éclairés, avertis et capables de discernement, autant de conditions au développement de leur autonomie et de leur liberté. Il est à noter que, de manière complémentaire aux programmes scolaires, l'EMI se nourrit et se développe également dans le cadre d'actions éducatives, telles que la "semaine des médias" et de "la presse à l'Ecole" pilotée par le CLEMI ou de nombreux dispositifs portés par des associations soutenues par le ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Ces actions éducatives permettent aux élèves de mettre en œuvre de manière active des compétences médiatiques (création de journaux, vidéos, podcasts, etc.) et de rencontrer des professionnels des médias et de l'information.

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