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Jean-Luc Lagleize
Question N° 36695 au Ministère de l’europe


Question soumise le 23 février 2021

M. Jean-Luc Lagleize attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la nécessité de reconstruire une stratégie française forte en Antarctique, notamment à l'occasion de la présidence française de la réunion consultative du traité sur l'Antarctique (RCTA). En cette année 2021 seront célébrés deux anniversaires d'événements majeurs ayant contribué à une meilleure connaissance scientifique du pôle Sud de la planète : le 60e anniversaire de l'entrée en vigueur du traité sur l'Antarctique et le 30e anniversaire de la signature du protocole de Madrid, dont la France est co-initiatrice avec l'Australie et qui définit un nouveau cadre juridique en faveur de la protection de l'environnement du grand continent blanc en définissant l'Antarctique comme « réserve naturelle consacrée à la paix et à la science ». L'année 2021 est d'autant plus l'occasion de construire une ambition nationale renouvelée pour les recherches conduites en Antarctique que la France présidera à Paris du 14 au 24 juin 2021 les deux conférences annuelles de négociations internationales adossées à ces événements géopolitiques : la 43e réunion consultative du traité sur l'Antarctique (RCTA XLIII) et la 23e réunion du comité pour la protection de l'environnement (CPE XXIII) mis en place par le protocole de Madrid. La présidence française de cette réunion annuelle des 54 États parties du traité sur l'Antarctique est historique puisque, depuis la signature du Traité en 1959, la France l'a présidé à seulement deux reprises, en 1968 et en 1989, et que la prochaine présidence française se tiendra en 2050. Or, alors que la France est sur le point d'accueillir les 54 États membres signataires du traité sur l'Antarctique, la communauté scientifique française s'inquiète du manque d'ambition de la présence française en Antarctique, et notamment du manque cruel de moyens octroyés à l'Institut polaire français Paul-Émile-Victor (IPEV). Cette agence nationale de moyens et de compétences est chargée d'implémenter les recherches polaires françaises depuis 1992 en organisant les expéditions et en assurant la maintenance et le développement des infrastructures dédiées. Mais l'IPEV dispose aujourd'hui de beaucoup moins de moyens que les autres nations comme par exemple la Corée du Sud, l'Australie, l'Allemagne ou encore le Royaume-Uni en matière d'investissements en Antarctique au service de la recherche. Ces dernières investissent annuellement trois fois plus que la France pour remplir les mêmes missions logistiques et opérationnelles dans les milieux polaires. Même l'Italie, qui a débuté son investissement en Antarctique seulement en 1984, soit 40 ans après la France, octroie plus de moyens à son opérateur polaire que la France. Plus grave, par manque de moyens et de volonté politique, l'IPEV est contraint de réduire ses ressources humaines depuis au moins 15 ans, alors même que la pression scientifique s'accroît. Les enjeux scientifiques, logistiques et opérationnels sont pourtant bien présents, car la France dispose de deux stations de recherche en Antarctique (Dumont d'Urville sur la côte et Concordia au cœur du continent), qui nécessitent urgemment un plan de rénovation et de modernisation. La première a en effet vu ses derniers investissements matérialisés au cours des décennies 1960 et 1970 et la deuxième, construite en 2005 pour une durée de vie de 30 ans, parvient à demi-vie. À ce jour, la France est considérée comme une nation polaire majeure. Si sa voix est particulièrement écoutée dans le cadre du système du traité sur l'Antarctique, cela tient en priorité à l'excellence et à la visibilité de sa recherche scientifique en Antarctique, reconnue au meilleur niveau international dans des domaines aussi variés que la glaciologie, la géophysique, l'écologie ou la biologie. La compétitivité de la science française en Antarctique et plus largement la puissance polaire française dépendent plus que jamais des orientations politiques et budgétaires qui seront prises dans les tous prochains mois. Parmi les pistes de réflexion pour affirmer une politique ambitieuse de la France en Antarctique figurent la modernisation des deux stations françaises, la fixation d'un objectif « zéro carbone » pour celles-ci à l'horizon de 2050, l'octroi à l'IPEV de moyens suffisants pour conduire des campagnes océanographiques récurrentes dans l'océan circumantarctique, soit en adaptant son navire brise-glace ravitailleur L'Astrolabe, soit en se dotant d'un navire de façade de petite capacité, permettant en particulier d'étudier de manière plus approfondie la zone maritime que la France souhaite inscrire dans le réseau de nouvelles aires marines protégées (AMP). À l'aune de ces enjeux éminemment stratégiques, il l'interroge donc sur les intentions du Gouvernement pour poursuivre une stratégie française forte en Antarctique, notamment à l'occasion de la présidence française de la réunion consultative du traité sur l'Antarctique (RCTA).

Réponse émise le 22 juin 2021

Cette année, la France a la responsabilité d'organiser les travaux de la 43ème Réunion consultative du Traité sur l'Antarctique (RCTA). La RCTA implique également le ministère de la transition écologique (MTE), le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation (MESRI), ainsi que les Terres australes et antarctiques françaises. La présidence française de la RCTA permettra notamment de réaffirmer, avec l'ensemble des Parties, les grands principes du Protocole de Madrid, relatif à la protection de l'environnement antarctique. Elle sera également l'occasion de mettre en valeur les travaux scientifiques français dans le domaine polaire et de rappeler auprès du grand public, à travers l'organisation de débats d'idées et d'événements en marge de la conférence, le rôle de premier plan joué par l'expertise française dans le domaine polaire. Celle-ci est reconnue par la communauté scientifique internationale et la France souhaite conserver un rôle moteur sur ces questions, notamment pour relever les défis considérables liés au réchauffement climatique. Elle s'appuie notamment sur l'Institut polaire français Paul-Émile Victor (IPEV). Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE) dispose d'un droit de vote au sein de son conseil d'administration et lui verse une subvention, qui s'intègre à un budget annuel de 18 millions d'euros, essentiellement pourvu par le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation (MESRI). L'IPEV contribue au rayonnement international de la France à travers ses accords-cadres avec l'Italie, l'Allemagne et l'Australie et nos deux stations de recherche en Antarctique : la base Dumont d'Urville et la station Concordia, cette dernière en partenariat avec l'Italie. Notre pays dispose d'un important outil scientifique avec Concordia, l'une des stations permanentes au cœur du continent Antarctique, qui est aujourd'hui labellisée "Très grande infrastructure de recherche" (TGIR) par le MESRI. La continuité de notre engagement dans ces infrastructures et dans les projets de recherche en Antarctique est primordiale, dans la mesure où ceux-ci participent à la légitimité de notre présence au sein des instances polaires (à l'instar de la RCTA), alors que de nombreux États (les États-Unis, la Russie, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, mais également la Chine) réinvestissent et renforcent leurs moyens scientifiques et logistiques dans la région. Dans ce contexte très compétitif, le conseil d'administration de l'Institut polaire a souhaité créer un groupe de travail (GT-IPEV), composé de représentants du MESRI, de l'Institut national des sciences de l'Univers du CNRS (CNRS-INSU), de l'Ifremer et du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), dont l'objectif principal sera d'instruire, d'examiner et de prioriser, dans les meilleurs délais, des scénarios d'évolution de l'Institut et de ses missions, afin de lui permettre d'accroître son rayonnement et ses capacités d'intervention, en tenant compte du contexte budgétaire et des objectifs scientifiques poursuivis. L'ambassadeur des pôles et des enjeux maritimes est associé aux consultations menées par le groupe de travail et a rappelé la nécessité de maintenir la présence française en Antarctique, en raison de notre participation aux instances créées dans le cadre du système du Traité de l'Antarctique, mais aussi pour répondre aux difficultés d'accès au terrain pour les chercheurs français. Dans le cadre de l'élaboration d'une stratégie nationale polaire, les besoins nécessaires, y compris nouveaux, pour notre action en Antarctique comme en Arctique, seront objectivés.

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