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Frédérique Tuffnell
Question N° 37025 au Ministère de la mer


Question soumise le 9 mars 2021

Mme Frédérique Tuffnell attire l'attention de Mme la ministre de la mer sur les inquiétudes de la filière conchylicole sur la qualification retenue par l'administration concernant les moules sous-taille. Ces moules, qui représentent 30 % de la production mytilicole française, ne peuvent en effet être commercialisées en l'état, en raison de leur taille hors calibre ; elles sont donc rejetées. Ce rejet permet, en outre, la fixation d'une partie de la prédation par les goélands, épargnant ainsi les moules sur les bouchots. Des procédures ont été établies dans des délibérations de comités régionaux conchylicoles, en collaboration avec les services de l'État, afin de limiter les rejets en tas, sources de nuisances visuelles et, durant la période estivale, olfactives, grâce à l'utilisation d'épandeur agricole. La filière conchylicole a par ailleurs, engagé collectivement ou à titre privé des projets pour la valorisation de ces produits : écodigesteur (CRC Bretagne Nord), méthaniseur (Cultimer), digesteur (Mytilimer) et valorisation des sous- taille (Mussela). Toutefois, depuis l'été 2020, plusieurs entreprises ont été verbalisées par les agents de l'Office français de la biodiversité (OFB) pour pollution du milieu marin, sur le fondement des articles L. 211-2 et L. 216-6 du code de l'environnement (jet ou abandon de déchets en nombre important sur plages ou rivages de la mer, déversement de substance nuisible dans les eaux souterraines, superficielles ou de la mer). L'Office français de la biodiversité considère, en effet, ces produits comme des déchets, ce que contestent les professionnels dès lors que ceux-ci peuvent être valorisés. En outre, ces produits venant de la mer, sans avoir subi aucune altération ou modification, sont naturels et restent naturels. Ils ne doivent donc pas être considérés comme des déchets mais comme des produits ou des coproduits de la mer. Enfin, il n'est pas établi que le rejet des moules sous-taille soit susceptible d'entraîner des effets nuisibles sur la santé ou des dommages à la flore ou à la faune. De surcroît, il faut relever que, depuis 2003, plusieurs zones de dépôt de petites moules ont été autorisées sur le domaine public maritime par le biais d’autorisations d'occupation des sols (AOT). Aussi, elle lui demande de clarifier la qualification des produits de la mer non commercialisés et en particulier des moules sous-taille, mais aussi par exemple des coquilles d'huître vides.

Réponse émise le 10 août 2021

Un consensus se dégage entre acteurs (État, profession, collectivités, société civile) pour mettre un terme à cette pratique traditionnelle de rejets systématique des petites moules sur l'estran qui présente différents inconvénients : nuisances olfactives, inefficience au plan de la production mytilicole, mauvaise image pour la profession (qui communique par ailleurs activement sur sa dépendance au bon état du milieu marin). La profession mytilicole s'implique activement dans des projets de valorisation de ces petites moules, sur fonds privés, et soutenus par les acteurs publics (subventionnements, ingénierie administrative). Les solutions en cours de développement sont variées, mais reposent toutes sur une logique d'économie circulaire. Elles nécessitent toutefois un temps de développement incompressible pour valider les solutions aux plans technique et économique. La perspective de résorption des rejets fait donc l'objet d'un suivi annuel, dans le cadre d'un comité associant les services de l'État, la profession et les élus locaux, et qui permet de partager le développement effectif des solutions de valorisation ; Dans l'intervalle, les pratiques traditionnelles d'épandage nécessitent un encadrement pour en maîtriser les externalités négatives. Une difficulté, désormais bien identifiée, concerne l'incertitude afférente au statut réglementaire de ces petites moules (déchets vs. co-produits) et, d'autre part, à l'incidence environnementale potentielle de ces pratiques sur le milieu marin. En synthèse, sur ces deux volets :les petites moules ne sont pas des déchets du point de vue de la réglementation des cultures marines (code rural/pêche) ou du point de vue sanitaire, mais peuvent l'être du point de vue de la définition très extensive posée par le code de l'environnement (art. L541-1-1 : "toute substance ou tout objet, ou plus généralement tout bien meuble, dont le détenteur se défait ou dont il a l'intention ou l'obligation de se défaire") ;l'incidence environnementale des rejets de petites moules reste affectée de nombreuses incertitudes , mais une vigilance particulière mérite d'être portée sur trois compartiments (avis IFREMER - Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer) : le benthos, la qualité des masses d'eau littorales par apports de matière organique, l'avifaune (oiseaux marins qui se nourrissent de ces produits épandus). Cette incertitude réglementaire a limité, jusqu'à présent, l'efficacité des mesures d'encadrement (arrêtés préfectoraux dans certains départements, simples délibérations des chambres régionales des comptes dans d'autres). Pour l'Ille et Vilaine, il est envisagé pour la prochaine saison mytilicole (à partir de mi-juillet 2021) d'encadrer ces pratiques par arrêté préfectoral, assorti d'un suivi environnemental permettant de préciser l'incidence de ces pratiques sur le milieu. Cet encadrement, temporaire, aura vocation à être adapté au cours des prochaines années avec la montée en charge des solutions de valorisation.

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