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Pierre Dharréville
Question N° 37465 au Ministère de la justice


Question soumise le 23 mars 2021

M. Pierre Dharréville attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les agents publics, qui n'ont pas accès au juge prudhommal. Ils sont pourtant recevables à saisir le juge administratif pour des actes qui portent atteinte à leurs droits et aux prérogatives attachées à leurs fonctions. En ce sens, ils sont recevables à saisir le juge administratif en référé-suspension, selon l'article L. 521-1 du code de justice administrative, mais lorsque l'urgence le justifie au vu des intérêts de l'agent. Mais ce critère d'urgence est interprété très strictement, et très souvent la requête de l'agent sera rejetée pour défaut d'urgence, alors qu'il aura gain de cause au fond, mais deux ans après. Lorsque l'agent fait l'objet d'une décision défavorable, il lui sera difficile d'obtenir une suspension en référé. C'est notamment le cas des sanctions déguisées, se traduisant par une mobilité forcée. De plus, l'agent va parfois devoir recourir à une aide à l'exécution de la décision de justice. Enfin, le préjudice moral consécutif pourra être ensuite réparé. Mais on sera alors à cinq ans des faits initiaux, sans compter les recours en appel même s'ils ne sont pas suspensifs, et les pourvois en cassation de l'administration. Cette situation n'est pas satisfaisante pour les fonctionnaires, et a fortiori pour les contractuels, dont le nombre devrait croître singulièrement, et qui subissent des situations défavorables. Il lui demande quelles dispositions il envisage pour faciliter la recevabilité du critère d'urgence.

Réponse émise le 20 juillet 2021

Les agents publics sont soumis aux statuts de la fonction publique et non au code du travail, les litiges qui les concernent relevant donc de la compétence des juridictions administratives. Ils bénéficient à ce titre de plusieurs voies de recours, dont les procédures d'urgence en référé. La loi n° 2000-597 du 30 juin 2000 relative au référé devant les juridictions administratives a en effet créé des procédures où le juge statue en urgence. Dans ce cadre, le juge n'est pas saisi du litige au principal, statue en principe seul, par des mesures présentant un caractère provisoire. Au regard des brefs délais de jugement, le juge des référés est le juge de l'évidence. L'intervention du juge dans ces conditions se justifie précisément par l'urgence à statuer, qui doit donc en principe être démontrée par le requérant. Le juge contrôlera ainsi si la « décision administrative contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ». Il apprécie l'urgence « concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant » (CE Sect. 19 janvier 2001, Confédération nationales des radios libres, n° 228815).  Il est vrai que dans certaines matières, le juge fait jouer une présomption réfragable d'urgence à suspendre en raison de la nature de la mesure en cause. Il n'en va néanmoins ainsi que dans des hypothèses peu nombreuses, dégagées par la jurisprudence, à propos de décisions qui soit mettent directement en cause les conditions de vie des intéressés, comme le refus de renouvellement de titre de séjour (CE, Section, 14 mars 2001, Ministre de l'intérieur c/ Mme Ameur, n° 229773), soit créent une situation de fait irréversible, comme un permis de construire (CE, 27 juillet 2001, Commune de Meudon, n° 231991).  Si ces présomptions ne concernent pas spécifiquement les agents publics, l'appréciation in concreto de l'urgence portée par le juge administratif suffit à considérer cette condition comme satisfaite dans bien des cas sans que le Gouvernement n'ait à modifier le droit en vigueur sur ce point (ex : en cas de privation pour un fonctionnaire pendant plusieurs mois du traitement auquel il a droit - CE, ord. 22 juin 2001, n° 234434, B). S'agissant enfin du délai de jugement du fond des litiges, nous rappelons que, sensible à la question de l'efficacité de la justice, notamment dans le cadre des litiges en matière de fonction publique, le Gouvernement a mis en place, par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, l'expérimentation – dans certaines circonscriptions départementales – d'un dispositif de médiation préalable obligatoire applicable aux recours intentés par des agents des fonctions publiques d'Etat et des collectivités territoriales à l'encontre de certains actes relatifs à leur situation personnelle. Cette expérimentation a été prolongée jusqu'au 31 décembre 2021 par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 et le Gouvernement est en train d'en tirer un premier bilan. Ce dispositif, qui constitue un des modes alternatifs de règlement des différends, apparaît comme un instrument efficace pour prévenir la judiciarisation de certains litiges et en accélérer la résolution.

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