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André Chassaigne
Question N° 38175 au Ministère de l’agriculture


Question soumise le 13 avril 2021

M. André Chassaigne interroge M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur l'appel à projet en vue de la cession du Domaine de Grignon, engagé par l'État le 16 mars 2020, dont les offres finales ont été déposées le 26 mars 2021. Les revendications des étudiants, auxquels s'allient des personnels de l'école, rejoignent celles des collectivités élues, locales ou régionales, de bon nombre d'associations et d'organisations. Tous demandent un vrai projet pour Grignon, basé sur l'intérêt général et préservant l'unité du domaine. Ils rejettent la perspective d'un allotissement en centaines de logements avec un éclatement de l'unité de ce bien commun. 750 personnes travaillent sur le campus AgroParisTech/INRAE de Grignon, dédié depuis bientôt 200 ans à l'enseignement et à la recherche en agronomie. Plus de 10 000 ingénieurs agronomes vivants y ont été formés. Depuis la fin du XXe siècle, Grignon est devenu l'un des principaux pôles de recherche publique français en agroécologie. Si elle se concrétisait, cette vente acterait l'aliénation de patrimoines naturels exceptionnels. Le parc de 300 hectares abrite en effet des terres agricoles aux substrats très diversifiés, des espaces forestiers en libre-évolution, un arboretum ancien ou encore un site paléontologique mondialement connu. De par ces écosystèmes et agroécosystèmes uniques situés à proximité du plateau de Saclay, Grignon est un atout pour l'Université Paris-Saclay comme support d'enseignements pratiques en sciences du vivant. Alors que l'État défend à l'international et se targue de développer en France des politiques ambitieuses sur le climat, la transition écologique et énergétique, l'agroécologie et la transition alimentaire, la protection de la biodiversité, il abandonne dans le même temps des sites exceptionnels comme le domaine de Grignon, première école historique d'agronomie en France, dont la notoriété n'est pas seulement régionale et nationale mais aussi internationale. La forte contestation de cette vente est amplifiée par la faiblesse de la procédure de vente, son manque d'ambition autre que le revenu financier attendu, sa confidentialité dont l'absence complète de dialogue avec les acteurs collectifs. Ni les collectivités élues, locales ou régionales (commune, intercommunalité, département, région), ni les grands élus, ni les associations n'ont été conviés à participer au processus, voire même informés de la procédure en cours. De plus, la composition du jury et l'absence de pondération des critères confirment la priorité donnée aux critères financiers et de rentabilité économique. Cette vente est tournée quasi exclusivement vers la promotion immobilière, ce qui signifie un morcellement du domaine et des projets qui vont à l'encontre des orientations de la commune et des communes voisines. Les critères environnementaux et patrimoniaux se limitent à une vague note paysagère et environnementale. Le passé scientifique et le potentiel du domaine ne sont absolument pas rappelés et aucun critère de jugement ne permet de mettre en avant des projets valorisant ce potentiel, notamment pour l'Institut AgroParisTech dont la ferme expérimentale toute proche reste rattachée à l'école. Il lui demande si le processus de privatisation du Domaine de Grignon va être interrompu pour que soit élaboré dans la concertation un projet à la hauteur de ce bien commun de l'agroécologie et de la biodiversité.

Réponse émise le 13 juillet 2021

Dans le cadre d'un partenariat entre AgroParisTech, l'institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE), et la caisse des dépôts et consignations, une société de réalisation dénommée Campus Agro SAS a été créée pour conduire le projet de construction d'un futur campus à Palaiseau regroupant à l'horizon 2022 les quatre campus franciliens d'AgroParisTech et les laboratoires associés de l'INRAE. Le plan de financement du projet immobilier d'AgroParisTech repose largement sur le produit des cessions des quatre sites franciliens d'AgroParisTech (Paris-Claude Bernard, Paris-Maine, Massy et Thiverval-Grignon). Dans ce contexte et pour contribuer au financement global du projet, l'État, par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation et le ministère chargé du domaine, a engagé la cession du site domanial de Thiverval-Grignon. La cession du site de Grignon a pris la forme d'un appel à projet ayant pour objet de désigner la personne (société ou groupement de sociétés, personne physique ou morale) qui s'engagera à acquérir le site dans les conditions prévues dans un règlement de consultation. Le processus de consultation, initié le 16 mars 2020 et dont le formalisme est encadré par l'étude notariale Chevreux, se déroule en trois phases successives : - une phase « candidature », où les candidats ont remis un dossier de candidature, à l'issue de laquelle les candidats ayant accès à la deuxième phase ont été sélectionnés. Dix candidats ont déposé une offre et ont été autorisés à déposer une offre ; - une phase « offre initiale », à l'issue de laquelle les candidats retenus avaient la faculté de déposer une offre avec le dossier de présentation et le bilan prévisionnel du projet. Quatre candidats ont déposé une offre et ont été retenus pour la phase finale ; - une phase « offre finale », où les candidats retenus pour cette phase ont remis une offre finale le 26 mars 2021 après des auditions qui se sont tenues début mars. Le site de Grignon demeurera occupé par AgroParisTech jusqu'au 31 décembre 2023 au plus tard, alors que le projet immobilier développé sur Saclay aboutira avec la rentrée universitaire 2022. L'ensemble du campus (mur d'enceinte inclus) est inscrit à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques. Il comprend : - une zone bâtie de 24 ha comprenant des bâtiments d'enseignement, des résidences étudiantes et des laboratoires de recherche, et certains bâtiments désaffectés ; - une zone agricole de 113 ha exploitée en grande partie par une ferme d'AgroParisTech située à proximité ; - une zone boisée de 133 ha soumise au régime forestier au titre de bien propre d'AgroParisTech (il s'agit là d'une erreur car l'État en est le propriétaire ; l'arrêté correspondant est en cours d'abrogation). La procédure de cession du domaine de Grignon prévoit un allotissement qui doit permettre d'élargir l'offre de cession. Deux lots sont ainsi proposés : - lot 1 : un lot « urbanisé » reprenant l'ensemble des bâtiments ; - lot 2 : un lot incluant forêt et terres agricoles. Cet allotissement a permis à l'ensemble des candidats de présenter une offre, qu'ils soient intéressés par le seul secteur urbanisé ou par la totalité du site. La cession du seul lot 2 n'est pas autorisé. L'appel à projet retenu pour vendre le site de Grignon n'interfère pas avec les diverses protections patrimoniales et environnementales dont jouit d'ores et déjà le site et qui perdureront. Il offre un cadre aux standards des cessions des biens de l'État, à même d'assurer l'égalité de traitement entre les candidats et une transparence de la procédure. Il permet en outre, via la fixation d'objectifs, d'identifier le projet le mieux disant, tant en termes de prix que de qualité du projet envisagé. En amont de l'appel à candidatures, le principe de la cession a été porté à l'attention et soumis à l'avis de la commission nationale du patrimoine et de l'architecture (deuxième section), lors de sa séance du 23 janvier 2020. Cette formalité n'a pas conduit à une préconisation d'abandon de la cession. La commission nationale a également formulé à l'unanimité le vœu qu'une étude soit engagée en vue d'une éventuelle protection au titre des monuments historiques des collections mobilières de l'école. Des travaux sont ainsi actuellement menés en lien avec le ministère de la culture. L'appel à projet est construit autour d'un règlement de la consultation et des modalités de présentation des offres. Ce dernier, remis aux candidats retenus à l'issue de la phase de candidature, précise dans la deuxième partie, les prescriptions et grandes orientations auxquelles les projets présentés devront répondre : - le candidat est libre de proposer le projet de son choix dans la mesure où il lui appartiendra de faire évoluer la réglementation pour la réalisation de son projet ; - toutefois, compte tenu de la situation dans un périmètre de protection de monument historique, un traitement architectural de qualité devra donc être mis en œuvre, par les candidats, afin d'optimiser l'intégration dans son environnement ; - une attention particulière sera portée à la dimension environnementale du projet sur laquelle il est attendu de la part des candidats une réflexion approfondie. Compte tenu des contraintes réglementaires et de l'intégration architecturale sensible, la production d'une note architecturale et d'intégration paysagère et environnementale sera appréciée. L'article 6 du même règlement de la consultation précise les critères de choix des candidatures par les membres du jury : - les capacités financières d'investissement et les références financières ; - les capacités techniques à répondre avec pertinence (qualité des références des membres de l'équipe, contenu et qualité des produits développés en adéquation avec les objectifs) ; - l'organisation, les intentions et la motivation du candidat au regard notamment des enjeux urbains, patrimoniaux et économiques. L'article 7 de ce même règlement présente, à l'attention des candidats, les critères de classement et jugement des offres présentées. Il s'agit, entre autres et s'agissant de la qualité du projet : - du contenu et qualité des produits et du programme du candidat ; - du traitement architectural et paysagé du projet ; - de l'intégration des enjeux urbains et environnementaux. Enfin, le dossier fourni aux candidats mentionne toutes les contraintes règlementaires portant sur le site, rappelant notamment l'existence d'une zone naturelle d'intérêt écologique faunistique et floristique (ZNIEFF) et un site d'intérêt géologique et de protection de géotopes. Le jury est présidé par un représentant de la direction de l'immobilier de l'État, au titre de l'État propriétaire. Il est constitué, outre le représentant de la direction de l'immobilier de l'État, d'un représentant du ministère de l'agriculture et de l'alimentation, d'un représentant de l'école, d'un représentant de la direction départementale des finances publiques des Yvelines et d'un représentant de la direction nationale d'interventions domaniales. Les membres du jury sont tenus par une obligation de stricte confidentialité afin de préserver l'équité de traitement des candidats. Les inquiétudes des étudiants quant à l'avenir du site après la cession se sont exprimées en diverses occasions et plus particulièrement avec l'occupation du site durant plusieurs semaines, alors que la procédure de cession touche à sa fin. Ces inquiétudes ont été entendues par le cabinet du ministère de l'agriculture et de l'alimentation lors d'une entrevue le 19 mars et par le directeur de l'immobilier de l'État lors de deux entrevues le 22 mars et le 3 mai. De plus, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a tenu une réunion avec des représentants étudiants le 7 mai 2021. La situation a pu ainsi s'apaiser avec la levée du blocus.

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