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Stella Dupont
Question N° 38200 au Ministère de l’intérieur


Question soumise le 20 avril 2021

Mme Stella Dupont interroge M. le ministre de l'intérieur sur la base légale de la verbalisation de salariés d'une association de défense des droits humains et de soutien aux plus démunis présente sur le terrain pendant le confinement de l'hiver 2020-2021 avec une attestation et un justificatif de l'employeur. La crise de la covid-19 a mené à une augmentation des problématiques liées à l'accueil des étrangers. Par le biais d'une instruction du 27 mars 2020 (NOR : INTK2000179J), le Gouvernement adressait aux préfets des recommandations relatives à la prise en charge et au soutien des populations précaires durant cette épidémie. Cette dernière indiquait que, en cas de contrôle, tout salarié devait présenter un justificatif de déplacement professionnel dont la durée de validité serait indiquée. Dans la même logique, une nouvelle instruction a été prise le 3 novembre 2020. Mme la députée constate cependant que des contrôles effectués par les forces de l'ordre ont abouti à des verbalisations à l'encontre de salariés d'associations agissant dans le cadre de leur action de lutte contre la précarité, au détriment de cette instruction, d'autant plus que les justificatifs de sortie prévus au moment des faits prévoyaient « l'assistance aux personnes vulnérables » comme motif dérogatoire. Les associations présentes sur les lieux agissaient conformément à leurs droits, au nom de la solidarité. Compte tenu de ces éléments, elle souhaiterait connaître la base légale de ces verbalisations.

Réponse émise le 19 avril 2022

De mars 2020 à mars 2021, en application des mesures induites par l'état d'urgence sanitaire, 75 verbalisations pour non-respect du confinement ou du couvre-feu ont été dressées à l'encontre de membres d'associations dans le ressort de la circonscription de sécurité publique de Calais. Les personnes verbalisées sont des membres d'associations (L'Auberge des Migrants, Human Rights Observers, Utopia 56…). Si les contrevenants étaient, la plupart du temps, détenteurs d'une attestation de déplacement dérogatoire et d'un document justificatif fourni par leur association, il est arrivé cependant que le motif de déplacement, à savoir « l'assistance aux personnes vulnérables et précaires » (cf. article 4 du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire), soit manifestement détourné. Tel fut le cas lors d'opérations de démantèlement de campements illicites au cours desquelles des membres d'associations n'exerçaient aucune action humanitaire mais se posaient en revanche en « censeurs » d'opérations de police, pourtant menées en application et dans le respect de la loi. Le même procédé a été utilisé lorsque des bénévoles déclaraient, pour légitimer leur présence, participer à des maraudes alors que n'était dans les faits dispensée aucune aide humanitaire aux migrants clandestins. Il doit pourtant être souligné que lors des opérations de démantèlement de campements illicites, les forces de l'ordre prenaient systématiquement contact dans un premier temps avec les associations présentes pour les inviter à quitter les lieux. La verbalisation pour attestation non-conforme n'intervenait que dans un second temps, lorsque les militants persistaient à tenter de franchir les périmètres de sécurité. Au-delà de cette situation spécifique, il est important de rappeler que face à l'épidémie de covid-19, les forces de l'ordre se sont mobilisées pour faire respecter les règles du confinement décidé par le Président de la République et les mesures induites par l'état d'urgence sanitaire avec un seul objectif : la protection des Français. Les policiers comme les gendarmes ont accompli en la matière un travail remarquable, qui n'était pas simple. Si le strict respect des règles était indispensable, il était tout aussi important que les forces de l'ordre procèdent aux contrôles avec discernement et en privilégiant la pédagogie. Le contrôle devait donc être réalisé dans le dialogue et l'échange, expressément prônés dans les instructions adressées aux forces de l'ordre. Des erreurs d'appréciation ont pu être commises, notamment - au cours du premier confinement - dans l'interprétation de règles nouvelles pour la mise en œuvre desquelles le personnel ne disposait pas du recul nécessaire. Pour préciser ces points, des instructions, régulièrement mises à jour, furent données sur la manière dont ces règles devaient être interprétées et mises en œuvre. Dans l'ensemble, les Français ont très largement respecté les règles et les contrôles exercés n'ont pas soulevé de difficultés particulières. La France étant un Etat de droit, quiconque peut contester une infraction relevée à son encontre. Il en était ainsi des verbalisations qui ont pu être établies pour violation des mesures destinées à prévenir et limiter les conséquences des menaces sanitaires graves sur la santé de la population (décret n° 2020-264 du 17 mars 2020). Les particuliers qui estimaient leur verbalisation infondée ou qui jugeaient discutable la légalité matérielle des conditions des contrôles pouvaient ainsi contester la contravention dont ils avaient fait l'objet (requête en exonération ou réclamation auprès de l'officier du ministère public). Les difficultés d'interprétation étaient naturelles et c'est précisément pour tenir compte de cet état de fait que le délai de recours avait été porté de 45 à 90 jours pendant la durée de l'état d'urgence. Il doit être souligné que le nombre de verbalisations problématiques a été modéré, même si la dynamique des réseaux sociaux et des médias a tendu à en amplifier la perception et l'écho. Après vérification, la plupart des contrôles polémiques allégués sur les réseaux sociaux n'ont d'ailleurs pas été confirmés. En 2020, sur les 5 420 signalements enregistrés par la plate-forme de signalement de l'inspection générale de la police nationale, 10 % étaient en lien direct avec la gestion de la pandémie. La situation sanitaire a donné lieu à une importante hausse des signalements liés à la contestation des verbalisations, toutes infractions confondues, avec 509 signalements pour l'année 2020 contre 298 pour l'année 2019. Les signalements concernant la contestation des verbalisations ont été orientés vers l'officier du ministère public, seul compétent pour les traiter, tandis que les signalements portant sur le comportement des agents, leur courtoisie ou le degré de contrainte exercée, ont été orientés vers les directions actives de police, chargées d'exercer le contrôle interne sur la mise en application des mesures de police liées au confinement et sur les conditions générales des contrôles et des verbalisations. Par ailleurs, et comme c'est le cas tout au long de l'année dans un Etat de droit, les usages de la force ressentis comme illégitimes, ainsi que les contrôles qui auraient pu revêtir un caractère discriminatoire, pouvaient être dénoncés dans les conditions de droit commun. Tout usager pouvait ainsi déposer plainte auprès d'un service de police ou de gendarmerie ou directement auprès du procureur de la République. Les réclamants pouvaient aussi signaler les faits auprès de l'inspection générale de la police nationale par l'intermédiaire de sa plate-forme de signalement en ligne, ou auprès de l'inspection générale de la gendarmerie nationale.

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