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Sandrine Josso
Question N° 38336 au Ministère des solidarités


Question soumise le 20 avril 2021

Mme Sandrine Josso interroge M. le ministre des solidarités et de la santé sur la généralisation de la prescription de psychostimulants remboursés par la sécurité sociale. Entre 2012 et 2020, le nombre de prescriptions de psychostimulants remboursés par la sécurité sociale est passé de 503 956 boîtes à 1 227 013 boîtes, soit une augmentation de 143 %. Le fait pour un enfant d'être dépisté comme « enfant à risque » augmente la probabilité de se voir prescrire des psychotropes comme le méthylphenidate, plus connu sous le nom de ritaline. Bien que la prescription de ce dérivé de l'amphétamine soit réservée aux médecins hospitaliers, pédiatres, psychiatres et neurologues, 30 % des primo-prescriptions sont établies en toute illégalité par des médecins libéraux, spécialistes ou généralistes. En 2019, la ministre de la santé et des solidarités « consciente des inquiétudes qui persistent sur la santé des enfants traités à long terme et du recours croissant à ce traitement » avait annoncé avoir « sollicité l'ANSM pour disposer d'un état des lieux actualisé et des actions mises en œuvre ». Elle lui demande l'état de l'avancée des travaux de l'ANSM sur la question.

Réponse émise le 25 mai 2021

Le trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité (TDAH) est une pathologie qui débute dans l'enfance. Les symptômes d'hyperactivité motrice deviennent ensuite moins marqués à partir de l'adolescence. L'agitation, l'inattention et l'impulsivité peuvent néanmoins persister à l'âge adulte. Actuellement, le diagnostic est réalisé selon les critères de l'association psychiatrique américaine (DSM-V) ou selon la classification internationale des maladies de l'Organisation mondiale de la santé (ICD-10). Les spécialités commercialisées en France et indiquées dans le cadre d'une prise en charge globale du TDAH chez l'enfant de plus de 6 ans et plus, lorsque les mesures correctives seules s'avèrent insuffisantes, à savoir Ritaline, Concerta LP, Quasim LP, Medikinet et Méthylphénidate Mylan Pharma, dont le principe actif est le méthylphénidate, ont été mises sur le marché à partir de 1996 pour la Ritaline et dans les années 2000 pour les autres spécialités. En cas de traitement prolongé, il est recommandé d'interrompre régulièrement le traitement (au moins une fois par an) pour en réévaluer l'utilité ; il peut s'avérer approprier de poursuivre ce traitement à l'âge adulte en cas de persistance des symptômes et de bénéfice avéré. Dans ce contexte, l'instauration d'un traitement par méthylphénidate doit s'inscrire dans une véritable stratégie thérapeutique globale de prise en charge psychothérapeutique et éducative du patient. Le traitement relève d'une prescription initiale hospitalière annuelle réservée aux spécialistes et/ou aux services spécialisés en neurologie, en psychiatrie ou en pédiatrie. Il doit être initié sous contrôle d'un spécialiste des troubles du comportement de l'enfant et/ou de l'adolescent ; en cas d'absence d'amélioration après un mois, il doit être interrompu. En raison des effets indésirables potentiels du méthylphénidate, de la population pédiatrique à laquelle les médicaments en question s'adressent et du risque de mésusage, l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), en lien avec l'agence européenne des médicaments, a mis en place une surveillance renforcée à laquelle s'ajoute des mesures de réduction des risques. Le méthylphénidate fait ainsi l'objet d'un plan de gestion des risques (PGR) européen et d'un suivi national renforcé de pharmacovigilance et d'addictovigilance. En ce sens, l'ANSM a rendu public en mai 2017 un rapport faisant un état des lieux sur l'utilisation du méthylphénidate et sa sécurité d'emploi en France, disponible sur son site internet (https://ansm.sante.fr/actualites/methylphenidate-donnees-dutilisation-et-de-securite-demploi-en-france), ainsi qu'une mise à jour de la brochure informative à destination des patients et de leur entourage intitulée « Vous et le traitement du trouble déficit de l'attention / hyperactivité par méthylphénidate » visant à rappeler les risques liés au méthylphénidate, les modalités de surveillance et les règles de bon usage. Dans le cadre du PGR européen, des documents d'aide à la prescription rappelant les éléments de bon usage, de sécurité et de surveillance sont mis à disposition des psychiatres, neurologues pédiatres et médecins généralistes. Ils sont téléchargeables à partir du site http://methylphenidate-guide.eu/fr. Un suivi des données d'utilisation est également mis en place au niveau national à partir des données du Système national des données de santé (SNDS) portant sur le remboursement (Open Medic). Les données issues des dépenses de médicaments interrégimes sur la période 2014-2018 mettent en évidence une poursuite de l'augmentation de l'utilisation du méthylphénidate en France au même rythme que précédemment, soit de l'ordre de 10% par an, pour atteindre 87 079 patients traités en 2018 contre 62 057 en 2014. Sur cette période, la répartition par tranche d'âge est la suivante : 83% âgés de moins de 20 ans, 16% âgés de 20 à 59 ans et 1% âgés de 60 ans ou plus. Néanmoins, entre 2016 et 2018, l'utilisation en France reste faible en comparaison de celle d'autres pays européens tels que la Suède, la Norvège, le Danemark, l'Espagne, l'Allemagne et le Royaume-Uni. En extrapolant les estimations de la prévalence du TDAH, comprise entre 2% et 5% des enfants d'âge scolaire, à la population des enfants âgés de 6 à 17 ans, le nombre d'enfants souffrant de TDAH en France métropolitaine en 2019 serait compris entre environ 191 000 et 480 000. Le nombre de patients traités en France, autour de 90 000, reste donc limité au regard de la prévalence estimée de la maladie. Ainsi, malgré une augmentation modérée et régulière de l'utilisation du méthylphénidate observée depuis le début des années 2000, celle-ci reste globalement faible en France, tant en comparaison des autres pays européens qu'au regard du nombre d'enfants atteints. Ce constat pourrait potentiellement refléter un problème de sous-diagnostic et/ou d'utilisation sous-optimale de ce traitement. Sur cet aspect, la Haute autorité de santé a publié en 2014 un rapport intitulé « Conduite à tenir en médecine de premier recours devant un enfant ou un adolescent susceptible d'avoir un trouble déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité ». L'objectif de cette recommandation est d'aider les médecins assurant les soins de premier recours à repérer le trouble et à orienter le patient et sa famille dans le système de soins notamment vers un médecin spécialiste du trouble, et à participer conjointement au suivi. L'ANSM poursuit le suivi national de pharmacovigilance et d'addictovigilance qu'elle a mis en place. La revue des données de sécurité effectuée par le Comité technique de pharmacovigilance le 16 octobre 2018, dont le compte rendu des travaux est disponible sur le site internet de l'agence, n'a pas mis en évidence de nouveaux risques. En 2019, l'évaluation européenne annuelle des rapports périodiques actualisés de sécurité pour les produits contenant du méthylphénidate a en outre confirmé que le rapport bénéfice/risque restait inchangé dans les indications approuvées, à savoir que le rapport entre les effets thérapeutiques positifs du médicament au regard des risques pour la santé du patient ou la santé publique liés à sa qualité, à sa sécurité ou à son efficacité demeure favorable. Une étude de suivi de la sécurité à long terme de l'utilisation du méthylphénidate chez l'adulte est également en cours au niveau européen, suite à l'autorisation de mise sur le marché du méthylphénidate dans cette population dans un certain nombre d'Etats membres. Le rapport final de cette étude est attendu pour fin 2022. Enfin, une actualisation des données d'utilisation sur la période 2018-2020 devrait être prochainement réalisée par le Groupement d'intérêt scientifique EPI-PHARE. Constitué fin 2018 entre l'ANSM et la Caisse nationale de l'assurance maladie, EPI-PHARE a pour missions de réaliser et de coordonner des études de pharmaco-épidémiologie pour éclairer les pouvoirs publics dans la prise de décision, ainsi que de répondre à la demande croissante d'études basées sur les données du Système national des données de santé.

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