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Marie-France Lorho
Question N° 38391 au Ministère de la justice


Question soumise le 20 avril 2021

Mme Marie-France Lorho appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la question du rapatriement des djihadistes. De nombreuses interpellations d'administrés font état d'inquiétudes concernant l'évocation de plus en plus pressante d'un retour en France des djihadistes détenus au Proche-Orient. Ces personnes qui ont absolument tout renié du pays qui leur a tout donné et qui plus encore ont agi collectivement pour œuvrer à sa destruction doivent en assumer les conséquences. Les Français, pour qui le souvenir des attentats subis ces dernières années est encore douloureux, ne comprennent pas les velléités de rapatriement de ces personnes. La position du précédent garde des sceaux, Nicole Belloubet, était à cet égard quelque peu ambiguë. Il s'agit d'une question de bon sens qui pourtant ne semble pas faire l'unanimité tant se multiplient les officines plaidant pour un retour, sur le territoire français, de ces terroristes. La situation sécuritaire et pénitentiaire du pays ne peut souffrir encore plus d'aggravations. On parle pourtant d'environ 150 à 200 adultes potentiellement rapatriables en France. Jusqu'à aujourd'hui, les autorités françaises ont refusé de voir rapatrier les adultes, hommes et femmes, complices de l'État islamique, afin qu'ils soient jugés sur place. Elle lui demande si le Gouvernement compte rester inflexible sur cette position malgré les récentes campagnes idéologiques en faveur d'un retour de ces personnes.

Réponse émise le 11 mai 2021

Le ministère de la Justice est particulièrement attentif à la situation des ressortissants français partis combattre dans les rangs des organisations terroristes et arrêtés en Irak ou retenus en Syrie. A cet égard, la sécurité des Français est la priorité du Gouvernement. Elle suppose d'assurer la lutte contre l'impunité des crimes commis par les combattants de Daech qui doivent être jugés au plus près des lieux où ils ont été perpétrés. C'est à la fois une question de sécurité et un devoir de justice à l'égard des victimes. Les procédures doivent néanmoins se dérouler dans le respect des droits fondamentaux défendus par la France et reconnus par la communauté internationale. Le Gouvernement français a fait le choix de ne pas mener de politique active de rapatriement, étant précisé que, dans tous les cas, le sort des ressortissants français reste dépendant de l'action et des intentions des gouvernements ou groupes qui les détiennent. En revanche, les conditions de traitement appliquées aux ressortissants français, se trouvant entre les mains de groupes armés présents en Irak et en zone syrienne, doivent se conformer au respect du droit international humanitaire et des droits fondamentaux défendus par la France et reconnus par la communauté internationale. Par ailleurs, il convient de souligner que le retour des ressortissants français partis combattre sur zone, qu'il soit volontaire ou résulte d'une expulsion décidée par les autorités étrangères, donne lieu à judiciarisation systématique par le parquet national antiterroriste. Celle-ci permet, dès le retour en France de ces individus, leur placement en garde-à-vue ou leur présentation devant un magistrat instructeur. Cette politique pénale est applicable à l'ensemble des « revenants » ou « returnees », qu'ils soient hommes ou femmes. Ainsi, à la date du 6 avril 2021, avaient été condamnés, à l'issue d'un séjour en zone irako-syrienne : - 21 individus par la cour d'assises spécialement composée de Paris, - 4 individus (2 majeurs et 2 mineurs) par la cour d'assises des mineurs de Paris, - 113 individus par le tribunal correctionnel de Paris, - 5 mineurs par le tribunal pour enfants de Paris. En outre, conformément à la politique pénale développée par le parquet national antiterroriste, plusieurs Français ou ressortissants français partis combattre en zone irako-syrienne et présumés morts (les conditions de guerre dans ces pays ne permettant pas de s'assurer de la réalité des décès rapportés), ont été jugés par le tribunal correctionnel de Paris ou la cour d'assises de Paris, spécialement composée en matière terroriste, afin de garantir l'existence d'un cadre judiciaire permettant leur appréhension en cas de retour sur le territoire national, les effets des mandats d'arrêt délivrés à leur encontre continuant à produire leurs effets à l'issue de la condamnation. Le Gouvernement français est par ailleurs particulièrement sensible au sort des enfants et notamment des plus jeunes qui, contrairement à leurs parents, n'ont pas fait le choix de partir. Ceux-ci doivent être rapatriés lorsque c'est possible, en particulier les plus vulnérables d'entre eux. Le consentement de leurs mères est néanmoins toujours nécessaire. Nous procédons à des retours à chaque fois que les circonstances le permettent mais ces opérations se déroulent dans des conditions difficiles et parfois dangereuses. Nous avons ainsi rapatrié 35 mineurs français du nord-est syrien outre ceux qui sont rentrés avec leur mère via la Turquie. Les concernant, les services du ministère de la justice sont fortement mobilisés pour apporter les réponses appropriées dès leur arrivée sur le territoire national. Ces enfants ont souvent été exposés dès leur plus jeune âge à des scènes de violence extrême et à une altération de la perception du fonctionnement social. Ils présentent souvent un niveau de traumatisme élevé et une fragilité psychologique évidente à leur retour sur le territoire national. Leur situation mérite ainsi une attention particulière, tant dans l'évaluation qui en est faite à leur arrivée que dans le suivi ultérieur de leur évolution. C'est dans cette optique que le Premier Ministre a diffusé, le 23 mars 2017, une instruction relative à la prise en charge des mineurs à leur retour de zone irako-syrienne et que le ministre de la Justice a diffusé, le 24 mars 2017, une circulaire relative aux dispositions en assistance éducative de la loi n° 2017-258 du 28 février 2017 et au suivi des mineurs de retour de zone irako-syrienne. L'instruction interministérielle a fait l'objet d'une actualisation le 23 février 2018 et une nouvelle circulaire a été diffusée par le ministère de la Justice le 8 juin 2018. Ces circulaires, ainsi que la circulaire de politique pénale en matière de lutte contre le terrorisme du 17 février 2020, présentent le dispositif de prise en charge et préconisent l'ouverture de procédures en assistance éducative pour tous les mineurs de retour de zone irako-syrienne. La réponse des autorités françaises parait ainsi, au total, à la fois ferme, juste, complète, et particulièrement cohérente.

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