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Paul Molac
Question N° 38596 au Ministère des armées


Question soumise le 4 mai 2021

M. Paul Molac interroge Mme la ministre des armées sur les ventes d'armes françaises dans les pays où elles peuvent être utilisées contre des civils. Pour rappel, le 9 mars 2020, le Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI) a publié ses données annuelles sur le commerce mondial des armements classiques. La France y confirme son rang de troisième vendeur d'armes au monde sur la période 2015-2019. Les exportations françaises d'armes « ont atteint leur plus haut niveau sur une période de cinq ans depuis 1990 et représentent 7,9 % des exportations mondiales d'armes en 2015-19, soit une augmentation de 72 % par rapport à 2010-14 », derrière les États-Unis (36%) et la Russie (21%) respectivement premier et second exportateur d'armes au monde sur la même période. Les engagements de la France ne permettent toutefois pas le transfert d'armes dès lors qu'il existe un risque majeur qu'elles puissent servir à commettre ou faciliter des violations graves du droit international. De ce fait, en octobre 2019, en réaction à l'opération militaire lancée contre les Kurdes en Syrie, la France a pris la décision, après l'Allemagne et les Pays-Bas, d'interrompre les exportations d'armes vers la Turquie eu égard au conflit engagé dans le nord de la Syrie. Par contre, la vente d'armes française en direction de la coalition dirigée par l'Arabie Saoudite et engagée dans le conflit mené au Yémen se poursuit. Or plusieurs éléments semblent concourir au fort soupçon de l'usage d'armes françaises par le régime saoudien et ses alliés contre les populations civiles, premières victimes du conflit engagé au Yémen depuis 2015 et qualifié de « pire crise humanitaire du monde» par l'ONU. En octobre 2018, le conflit yéménite a conduit l'Allemagne à geler les exportations d'armes vers l'Arabie-Saoudite, suivie par la Grande-Bretagne en juin 2019, puis l'Italie et les États-Unis en janvier 2021. C'est pourquoi il lui demande si le Gouvernement compte suspendre les transferts d'armes en direction des pays de la coalition dirigée par l'Arabie Saoudite et si l'on va, à la suite de la mission d'information des députés Jacques Maire et Michèle Tabarot, vers davantage de contrôle du Parlement et plus de transparence de la part du Gouvernement sur les transferts d'armes de la France.

Réponse émise le 18 janvier 2022

La délivrance des autorisations préalables d'exportation de matériels de guerre repose sur un ensemble de considérations liées, au premier chef, au respect de nos engagements internationaux, ainsi qu'aux enjeux de stabilité et de sécurité régionale ou internationale, à la lutte contre la prolifération, à la protection de nos forces et de celles de nos alliés. Elle prend en compte, par ailleurs, les enjeux économiques, industriels et de renforcement de notre base industrielle et technologique de défense, qui sont l'une des conditions de notre autonomie stratégique et de notre souveraineté. Le respect de la position commune de l'Union européenne 2008/944/PESC du Conseil du 8 décembre 2008 modifiée par la décision (PESC) 2019/1560 du Conseil du 16 septembre 2019, définissant des règles communes régissant le contrôle des exportations de technologies et d'équipements militaires, et du Traité sur le commerce des armes (TCA) est systématiquement observé dans la mise en œuvre de la réglementation relative aux exportations d'armement. À ce titre, le TCA rappelle dans son préambule, le principe du « respect de l'intérêt légitime reconnu à tout État d'acquérir des armes classiques pour exercer son droit de légitime défense et contribuer à des opérations de maintien de la paix, et de produire, exporter, importer et transférer des armes classiques ». S'agissant de la guerre au Yémen, il est nécessaire de rappeler que l'Arabie saoudite est en droit de défendre son territoire face à des agressions territoriales et contre sa population civile. Ces agressions sont régulièrement condamnées par la communauté internationale. Dans ce contexte, Riyad bénéficie du soutien massif d'autres pays occidentaux. L'Arabie saoudite ne fait d'ailleurs l'objet d'aucune mesure d'embargo sur les armes de la part des organisations internationales. Il apparaît donc tout à fait légitime d'autoriser certaines exportations. La France exerce une vigilance renforcée à l'égard de chaque demande d'exportation à destination des pays engagés dans ce conflit. Cette politique de vigilance a d'ailleurs entraîné une baisse sensible du nombre de licences accordées pour des exportations d'armement à destination de ce pays (comme l'atteste le rapport au Parlement 2020 et 2021 sur les exportations d'armement). Par ailleurs, il convient de préciser que les mesures restrictives annoncées par certains Etats européens concernant les exportations d'armement vers les pays de la Coalition arabe intervenant au Yémen ne se traduisent pas en pratique par une interdiction complète des flux à destination de ces pays, mais par des prohibitions généralement circonscrites dans le temps ainsi qu'en termes de catégories de matériels et de conditions d'emploi. Enfin, la France réitère sa mobilisation pour mettre un terme au conflit au Yémen, qui passe par la cessation des hostilités et la relance des discussions sous l'égide des Nations unies, en vue d'un accord politique global et inclusif. Concernant le rapport de la mission d'information parlementaire présenté par M. Jacques Maire et Mme Michèle Tabarot en décembre 2020, ce document illustre notamment le rôle majeur que jouent les exportations de matériels de guerre (EMG) pour l'équilibre et la pérennité de la base industrielle et technologique de défense française, ainsi que pour le maintien de notre autonomie stratégique en lien avec la politique étrangère de la France. Ce rapport aborde la place jouée par les EMG dans la réponse apportée au besoin légitime de certains États partenaires de renforcer leur sécurité dans un contexte lourd de menaces. Le rapport confirme l'efficacité et la rigueur du processus national d'attribution des licences d'exportations par la commission interministérielle pour l'étude des exportations des matériels de guerre et du contrôle assuré par le comité ministériel de contrôle a posteriori. Il est rappelé que ce processus garantit le strict respect de nos engagements internationaux. Le rapport souligne notamment la nécessité de préserver les équilibres institutionnels, fondés sur la Constitution, entre le pouvoir exécutif compétent en matière de préparation de la défense et de relations internationales et le pouvoir législatif chargé de voter la loi, de contrôler l'action du Gouvernement, et d'évaluer les politiques publiques. Il importe en particulier de ne pas porter atteinte aux conditions de préservation du secret de la défense nationale, du secret des affaires, et de la confidentialité nécessaire aux relations entre la France et ses partenaires stratégiques. Les différentes recommandations du rapport ont été étudiées avec la plus grande attention et ont fait l'objet d'échanges avec le Parlement. Un décret modifiant le code de la défense (décret n° 2021-885 du 2 juillet 2021) a depuis matérialisé la volonté de l'exécutif de renforcer le dialogue avec le Parlement sur ces sujets.

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