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Stéphane Viry
Question N° 39062 au Ministère auprès de la ministre de la transition écologique


Question soumise le 25 mai 2021

M. Stéphane Viry appelle l'attention de Mme la ministre de la transition écologique sur la règlementation environnementale 2020 (RE 2020). En effet, le Gouvernement a envisagé la mise en place d'une évaluation des bâtiments neufs, appelé réglementation environnementale 2020, qui avait pour ambition de tendre à des pratiques de construction plus durables et qui puisse répondre aux enjeux climatiques de l'époque. La construction fait bien partie des enjeux de la transition écologique, et ces réglementations ont pour objectif de réduire les émissions de CO2, l'évaluation environnementale des bâtiments est nécessaire et reconnue à l'échelle internationale, européenne. La méthode mise en place par le Gouvernement est pour autant contestable. « L'analyse de cycle de vie » dynamique (ACV dynamique) calcule l'emprunte carbone des bâtiments neufs en tenant compte uniquement du bénéfice lié aux émissions différées en CO2. Ce processus valorise donc les matériaux qui émettent du CO2 en fin de vie. Elle ne permet pas de diminuer durablement l'impact carbone du bâtiment. Elle ne contribue pas au développement de l'économie circulaire. Elle aura un impact très significatif sur l'offre et le coût du bâtiment neuf. Elle risque d'isoler la France de ses voisins européen. Elle menace des milliers d'emplois. Cela est donc en rupture avec le label environnementale E+C introduit par le Gouvernement en 2016. Cette ACV dynamique est un obstacle à la protection de l'environnement, car elle ne traite pas les émissions de CO2 mais les diffère aux générations futures. Il ajoute que celui-ci augmentera les coûts de construction, le Gouvernement admet même un potentiel surcoût, estimé entre 5 et 8 % entre 2024 et 2030, et cela a été confirmé par le Parlement. La Fédération française du bâtiment a estimé que la RE 2020 pourra entraîner une diminution de 300 000 mises en chantier par an. Dès lors, il lui demande si les objectifs de la loi ELAN seront respectés dans la mise en œuvre de son décret, et si le Gouvernement entend réviser la méthode retenue pour calculer l'empreinte carbone des bâtiments neufs qui, dans sa forme actuelle, paraît inefficace et arbitraire.

Réponse émise le 10 août 2021

Le choix de l'approche d'analyse du cycle de vie (ACV) dite « dynamique », s'est fait à la suite d'une large concertation initiée en 2019. Un groupe d'expertise a proposé l'approche dynamique qui constituait la première piste du rapport qu'il a rendu début mars 2019. En novembre 2019, le comité technique de l'expérimentation E+C- a présenté des re-calculs de l'observatoire E+C- selon les méthodes statiques et dynamiques. Ceux-ci ont été rendus publics sur le site de l'expérimentation E+C. Tout d'abord, il convient de noter que l'analyse en cycle de vie dynamique, comme l'analyse statique, prend bien compte l'ensemble du cycle de vie du matériau. L'avantage de la méthode dynamique est de prendre en compte le moment des émissions de gaz à effet de serre, ce que ne permet pas la méthode d'ACV dite « statique ». En effet, une tonne de CO2 émise aujourd'hui commence à réchauffer le climat dès aujourd'hui alors que la même tonne émise dans 25 ans ne commencera à produire ses effets que dans 25 ans. Les gaz à effet de serre restent des dizaines, voire des centaines ou des milliers d'années dans l'atmosphère, c'est la raison pour laquelle une molécule de CO2 émise aujourd'hui réchauffera l'atmosphère non seulement aujourd'hui mais aussi demain et tous les jours jusqu'à ce qu'elle soit finalement captée par les océans, les forêts, etc. et disparaisse de l'atmosphère. On peut alors mesurer l'effet cumulé d'une émission de gaz à effet de serre sur le climat, ce que l'on appelle le forçage radiatif cumulé. Ainsi les dynamiques physiques induisent un réchauffement climatique qui varie selon qu'on l'évalue à un horizon de 20 ans, de 100 ans ou de 500 ans. C'est ce qu'on appelle « l'horizon temporel ». Le choix de l'horizon temporel est donc directement lié à l'horizon des stratégies de lutte contre le changement climatique que l'on peut souhaiter mettre en place puisque c'est à l'aune de cet horizon temporel que l'impact du réchauffement climatique est ainsi évalué. L'urgence de la crise climatique actuelle, qui nous pousse à agir au plus vite, pourrait justifier une évaluation de l'impact des politiques publiques sur le réchauffement climatique à un horizon temporel très proche, à 10 ou 20 ans. Néanmoins un tel choix présenterait le risque de privilégier des solutions court-termistes, qui pourraient se révéler négatives pour le climat à plus long-terme. C'est pour cela que le Gouvernement a choisi un horizon temporel plus lointain, de 100 ans, qui est cohérent avec l'engagement pris lors de l'Accord de Paris de limiter au maximum le réchauffement climatique en 2100. Ce choix est aussi cohérent avec les travaux du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) qui étudient différents scénarii climatiques à l'horizon 2100. Cet horizon temporel est d'ailleurs utilisé dans un grand nombre d'études scientifiques et est notamment privilégié dans le calcul de l'unité de mesure conventionnelle des émissions de gaz à effet de serre, le kilogramme « équivalent » CO2 (kgCO2eq). Le choix du Gouvernement de retenir la méthode dynamique est cohérent avec la volonté du législateur et l'article L. 111-9 du code de la construction qui indique qu'« un décret en Conseil d'Etat détermine […] à partir de 2020, pour les constructions nouvelles, en fonction des différentes catégories de bâtiments, le niveau d'empreinte carbone à respecter, évalué sur l'ensemble du cycle de vie du bâtiment, en intégrant la capacité de stockage du carbone dans les matériaux […] ». Dans son chapeau, ce même article indique : « Les performances énergétiques, environnementales et sanitaires des bâtiments et parties de bâtiments neufs s'inscrivent dans une exigence de lutte contre le changement climatique, de sobriété de la consommation des ressources et de préservation de la qualité de l'air intérieur. Elles répondent à des objectifs d'économies d'énergie, de limitation de l'empreinte carbone par le stockage du carbone de l'atmosphère durant la vie du bâtiment, de recours à des matériaux issus de ressources renouvelables, d'incorporation de matériaux issus du recyclage, de recours aux énergies renouvelables, de confort thermique et d'amélioration de la qualité de l'air intérieur. » De plus, le stockage temporaire de carbone est considéré comme un levier central de la Stratégie nationale bas carbone, et le stockage temporaire de carbone dans les produits bois est pris en compte dans les inventaires officiels de GES rapportés à la CCNUCC (Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques). L'intérêt du stockage de carbone dans les bâtiments ne fait donc pas de doute. En conséquence, la méthode dynamique permet de satisfaire les souhaits du législateur et d'être conforme à la loi ELAN. Stocker du carbone dans les constructions neuves permet d'accroître le stock de carbone national, ce qui contribue donc à réduire le changement climatique pour les générations futures. Par ailleurs, une telle stratégie ne génère pas de pic d'émissions futures. Il s'agit en effet de stocker du carbone dans les bâtiments construits chaque année, et ainsi lorsqu'arrivera le temps de déconstruire les premiers bâtiments et d'éventuellement émettre le carbone qui y était stocké (il existe des solutions de recyclage, de réemploi, de valorisation énergétique qui évitent des émissions fossiles, …), ces émissions seront compensées par le stockage que constitueront les constructions neuves annuelles. Il en résultera donc une stabilisation du stock de carbone qui aura été constitué dans le parc de bâtiment. L'impact sur les coûts de construction sera très limité, en effet entre 5 et 8 % entre 2024 et 2030, en comparaison des baisses d'émissions de CO2 engendrées par cette réglementation. Le calendrier progressif de déploiement de la réglementation permettra de lisser ces coûts, qui seront marginaux dans le coût total du bâtiment. En complément, il convient de noter qu'il n'existe pas à ce jour de consensus international sur les normes d'analyse en cycle de vie car plusieurs méthodes coexistent. Bien que les normes actuelles relatives à l'ACV dans le domaine du bâtiment ne prennent pas en compte le stockage temporaire du carbone, certaines laissent la possibilité d'ajouter une information à ce sujet. La RE2020 différera en partie de la norme européenne relative à l'ACV des bâtiments (EN15978), comme c'était le cas pour E+C- sur d'autres points ou, par exemple, pour la réglementation environnementale néerlandaise, autre pays pionnier en la matière. Compte-tenu des débats liés à la méthode d'ACV dynamique mise en place dans la cadre de la RE2020 et sur les hypothèses qu'elle considère, le Gouvernement portera avec l'ensemble des parties prenantes un travail de normalisation de l'approche d'ACV dynamique à l'échelle française et européenne. La méthode pourra être ajustée lors d'étapes ultérieures de la réglementation si cela apparaissait nécessaire.

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