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Bruno Questel
Question N° 39376 au Ministère de l’agriculture


Question soumise le 8 juin 2021

M. Bruno Questel appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la baisse des prix du lait de vache conventionnel et la question du surplus de lait et des exports qui conditionnent les revenus des producteurs aux aléas de marchés extérieurs. En effet, en janvier 2021, le prix du lait de vache coûtait 327 euros/1000 litres, soit 9 euros de moins qu'au printemps 2020. Or, après des années de déclin, la consommation de lait en France a connu une augmentation de 5 % en 2020, corrélée à un accroissement de la fabrication de la plupart des produits laitiers, tirés par une demande accrue des ménages en périodes de confinement. Quant aux cours du beurre et de la poudre de lait écrémée, ils auraient également augmenté (plus 800 euros la tonne entre février et mars 2021 pour le beurre). Aujourd'hui, les producteurs déplorent la conjugaison entre la surproduction, le ralentissement des échanges sur fond de crise sanitaire et économique ( moins 3,4 % pour l'agroalimentaire) et la hausse des charges qui se répercute sur la rémunération des producteurs. Le rapport d'évaluation de la loi EGALIM de Serge Papin, remis au ministère de l'agriculture et de l'alimentation le 25 mars 2021, a révélé que, malgré les avancées générées par l'action du Gouvernement en matière de négociations commerciales, certaines dispositions de la loi n'étaient pas encore totalement appliquées, notamment celles relatives aux indicateurs des coûts de production. C'est pourquoi il l'interroge sur la nécessité d'appliquer les recommandations du rapport de Serge Papin préconisant de garantir la fixation du prix dans un cadre pluriannuel, de renforcer les organisations des producteurs, afin de favoriser leur pouvoir de négociations, de développer davantage la logique contractuelle rémunératrice entre l'adhérent et la coopérative et de limiter la portée des opérations de promotion.

Réponse émise le 13 juillet 2021

Les prix payés aux producteurs, ainsi que les relations entre la production agricole, les industriels et les distributeurs sont une préoccupation constante du Gouvernement. Il en va en effet de la souveraineté alimentaire du pays. Issue des états généraux de l'alimentation (EGA), qui avaient fait l'objet d'un consensus rare, la loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi EGALIM, votée en 2018, a constitué une avancée notable pour une meilleure répartition de la valeur le long de la chaîne alimentaire. Elle a notamment permis d'inscrire, dans les pratiques, de nouveaux modes de négociations en inversant la construction du prix. Ce nouveau paradigme a permis une évolution majeure : changer l'état d'esprit des relations existantes le long de la chaîne alimentaire en impulsant une dynamique collective inédite. Cette loi a donné des premiers résultats encourageants, notamment dans la filière laitière. Ainsi, l'ensemble des dispositions de la loi EGALIM a contribué à améliorer les relations commerciales et le niveau du prix du lait payé aux producteurs. Même si la crise sanitaire a impacté les prix en 2020, en 2019, le prix du lait payé aux producteurs est ainsi resté au-dessus du prix de 2018 tout au long de l'année. En particulier, grâce aux dispositions de la loi EGALIM, la baisse saisonnière des prix du lait observée chaque année au printemps lors de la période du pic de production a été très limitée. De manière générale et malgré des différences entre filières, la déflation des prix d'achat en grandes et moyennes surfaces a été stoppée, en particulier sur les produits à forte composante agricole même si la crise sanitaire et économique qui a marqué l'année 2020 a fragilisé la filière alimentaire, notamment par une réduction très forte de certains débouchés (restauration hors domicile notamment). Les marchés laitiers ont été perturbés mais la filière a su répondre à la nécessité de collecter et transformer le lait pour répondre aux besoins des consommateurs. Les marchés internationaux ont également subi les conséquences de la pandémie. Cependant, la baisse moyenne de moins de 1 % du prix du lait enregistrée en 2020 a montré la résilience de la filière dans un contexte difficile. En outre, les interprofessions ont mené un important travail pour élaborer et diffuser des plans de filières incluant des indicateurs de référence, même si ceux-ci sont encore inégalement mobilisés en fonction des filières. Une première évaluation des dispositions expérimentales concernant le seuil de revente à perte et l'encadrement des promotions si elle n'a pas permis d'aboutir à ce stade à des conclusions définitives, montre néanmoins que ces dispositions n'ont pas augmenté les prix aux consommateurs, malgré les craintes initiales des associations de consommateurs. De nouvelles évaluations seront produites en octobre 2021 et octobre 2022. À l'occasion du cycle annuel de négociations commerciales 2021, la ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'industrie et le ministre de l'agriculture et de l'alimentation se sont fortement mobilisés et ont appelé à la responsabilité et à l'engagement des distributeurs. Ainsi, les comités de suivi des relations commerciales ont permis de constater que l'action du Gouvernement avait permis des avancées en matière de négociations commerciales, même si les hausses passées, notamment en matière de produits à forte composante agricole, auraient pu au regard de la forte augmentation des coûts de production, être supérieures. Les contrôles de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ont été intensifiés durant cette période de négociations commerciales. Ils ont démontré que certaines dispositions de la loi n'étaient pas encore totalement appliquées, notamment celles relatives aux indicateurs des coûts de production. Certaines enquêtes sont d'ailleurs toujours en cours pour vérifier notamment la caractérisation de prix anormalement bas, notamment dans le secteur de la viande de porc. Une adresse de signalement (signalement@agriculture.gouv.fr) des prix paraissant très bas au regard des coûts de production ou présentant un étiquetage sur l'origine défectueux a été mise en place sur ce sujet afin de faciliter l'identification de ces cas. Les pratiques commerciales déloyales sont plus que jamais sanctionnées comme en témoignent l'action judiciaire engagée contre une centrale de référencement internationale (amende demandée de 150 millions d'euros) et la sanction administrative de 425 000 euros prononcée contre une grande enseigne pour le non-respect de règles d'encadrement des promotions en valeur. Par ailleurs, le médiateur des relations commerciales agricoles a été largement mobilisé dans le cadre de ces négociations commerciales et son action a permis de débloquer cinq fois plus de dossiers qu'en 2020. Afin de faire vivre l'esprit des EGA et de proposer des recommandations permettant d'améliorer la mise en œuvre de la loi EGALIM, la ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'industrie et le ministre de l'agriculture et de l'alimentation ont confié une mission à M. Serge Papin, ancien co-président de l'atelier 5 des EGA sur la répartition de la valeur et directeur général du groupement système U. Le rapport de mission a été rendu le 25 mars 2021 et vise en particulier à renforcer la marche en avant de la construction du prix, la transparence dans les relations commerciales et le dispositif de médiation. S'appuyant sur ces recommandations mais aussi sur des travaux parlementaires, notamment dans le cadre de la commission de l'assemblée nationale sur la grande distribution, le député Grégory Besson-Moreau a déposé une proposition de loi le 15 avril 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs. Cette proposition met en lumière un certain nombre de principes forts : contractualisation obligatoire et pluriannuelle, traçabilité du prix de la matière première agricole d'un bout à l'autre de la chaîne alimentaire ainsi que sa non-négociabilité au sein des contrats suivants, inclusion des clauses d'indexation ou encore renforcement de la médiation par la création d'un comité des différends comme de l'indication de l'origine. Le Gouvernement soutient le contenu de cette proposition de loi.

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