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Nicolas Dupont-Aignan
Question N° 39788 au Ministère des armées


Question soumise le 29 juin 2021

M. Nicolas Dupont-Aignan appelle l'attention de Mme la ministre des armées sur l'urgence de réinvestir massivement dans l'équipement des forces franaçises dans le contexte actuel de réarmement mondial et de retour des risques de conflits de haute intensité. En effet, en 2020, la Chine a annoncé que ses dépenses de défense atteindraient 1 268 milliards de yuans (178 milliards de dollars), représentant le second budget au monde après celui des États-Unis d'Amérique. Or ce budget de la défense chinois reflète une importante augmentation des dépenses militaires du pays, puisqu'elles ont été multipliées par six depuis 2000, soit un taux de croissance annuel moyen de plus de 10 % - hors inflation ! Pour autant, ces 178 milliards de dollars sont-ils la bonne représentation de la montée en puissance militaire de la Chine ? Beaucoup en doutent ! Selon le Pentagone, qui voit dans la Chine un rival de plus en plus menaçant, l'effort militaire chinois aurait en réalité atteint plus de 200 milliards de dollars en 2019. Le SIPRI considère même cette estimation comme au-dessous de la réalité, puisqu'il évalue de son côté les dépenses totales réelles à 266 milliards de dollars. En effet, en Chine, des activités nombreuses et importantes ne sont pas incluses dans le budget du ministère de la défense. Contrairement aux pays occidentaux ! L'organisation même de l'économie chinoise rend peu lisible la réalité de l'effort militaire. Ce flou s'est accentué depuis 2017 quand le président Xi Jinping a mis en place une politique de « fusion civil militaire » dans la recherche et l'industrie afin de renforcer l'autonomie stratégique de la Chine. Il est donc difficile de déterminer qui fait quoi, pour qui et avec quelles ressources. Enfin, beaucoup de comparaisons internationales sont trompeuses, car elles se basent uniquement sur une conversion des budgets au taux de change du marché. Pour avoir une bonne appréciation, il faut connaître le pouvoir d'achat réel de l'APL. Or les coûts industriels ou la rémunération des militaires sont plus faibles en Chine qu'aux États-Unis d'Amérique ou en Europe de l'ouest. Avec un même budget exprimé en dollars, la Chine peut donc acquérir plus de matériels ou recruter un plus grand nombre de soldats. Il est donc possible de considérer que, en réalité, l'effort militaire chinois représente environ 85 % de l'effort militaire américain en termes de pouvoir d'achat. Ce ratio est bien plus élevé que les 29 % envisagés avec une comparaison des budgets officiels au taux de change du marché. Dès lors, une chose est certaine : aujourd'hui, le réarmement chinois est massif et inquiétant pour la zone indo-pacifique où la France dispose de nombreux territoires ultra-marins. L'accélération du réarmement mondial, notamment, dans la zone-indo-pacifique exige donc que la France revoie rapidement à la hausse son budget militaire et procède dans l'urgence à la commande de nouveaux matériels dont la construction prend du temps. Aussi, compte tenu de ces éléments, il lui demande si la France entend, d'une part, respecter les engagements pris dans la loi de programmation militaire et si, d'autre part, elle compte augmenter significativement le budget consacré à la défense afin de permettre l'acquisition de nouveaux navires de guerre, blindés et avions de chasse dans les plus brefs délais de manière à dissuader tout puissance étrangère de s'en prendre aux intérêts et aux territoires de la France.

Réponse émise le 21 septembre 2021

L'actualisation stratégique, publiée en janvier 2021, confirme à la fois les tendances déjà identifiées par la Revue stratégique de défense et de sécurité nationale de 2017 et souligne combien, dans un contexte géopolitique plus volatile que par le passé, il importe que les Européens prennent conscience du risque de déclassement stratégique face à l'augmentation des budgets de défense de la Chine et des États-Unis. La Chine a doublé son budget de défense depuis 2012, se hissant au deuxième rang mondial, augmenté son arsenal nucléaire et développé de nouveaux systèmes. Le déploiement d'un groupe aéronaval au-delà de la mer de Chine méridionale a illustré ses ambitions nouvelles en matière de projection de puissance. En réponse, les États-Unis, dont le budget militaire s'était stabilisé en-dessous de 700 milliards de dollars entre 2012 et 2017, l'ont depuis porté à 720 milliards et ont fait de la compétition entre grandes puissances le déterminant principal de leur politique de défense. Face à cela, les Européens – dont la France– ont commencé à redresser leurs budgets de défense. Fortement touchés par les années de crises entre 2008 et 2012, ces budgets viennent seulement de retrouver leur niveau de 2008. Les efforts consentis doivent être prolongés afin de sauvegarder les appareils militaires les plus fragiles comme la capacité d'action nationale et collective. C'est pourquoi la France mène une double action. D'une part, au niveau européen, son action a contribué à la création en 2017 du Fonds européen de défense, doté actuellement de 7 milliards d'euros, au lancement de projets liés à la mobilité militaire (1,5 milliard d'euros), et à la mise en place de structures dédiées à l'autonomie stratégique européenne (Direction générale DEFIS au sein de la commission européenne, coopération structurée permanente, etc). La mise en œuvre de l'Initiative européenne d'intervention est une expression concrète de ce volontarisme français, par la réunion d'États capables et volontaires. D'autre part, au niveau national, la LPM 2019-2025 a programmé un effort inédit de 295 milliards d'euros sur la période au profit de la mission Défense. Cette ambition forte a jusqu'à présent été tenue avec une hausse annuelle du budget de la mission Défense de 1,7 milliard d'euros depuis 2018. La hausse programmée prévue en 2023 est portée à 3 milliards d'euros par rapport à 2022. Cet effort historique vise à régénérer et moderniser notre outil de Défense et initier les conditions de l'atteinte de l'ambition opérationnelle 2030. L'enjeu est de conserver une capacité d'intervention nationale de premier ordre et de bâtir un modèle d'armée complet, équilibré et capable d'agir dans les champs matériels comme immatériels. L'effort est notamment consacré au renouvellement des deux composantes de la dissuasion nucléaire et à la modernisation des capacités conventionnelles des milieux terrestre, maritime et aérien. Dans le domaine terrestre, elle est centrée sur le segment médian, avec la mise en service des premiers véhicules Griffon, Jaguar et Serval, et le combat collaboratif via le programme Scorpion. Pour le milieu maritime, elle se traduit notamment par la livraison des premiers sous-marins nucléaire d'attaque du programme Barracuda, par celle de nouvelles frégates de premier rang et de patrouilleurs outre-mer, indispensables pour préserver les intérêts de la France dans sa zone économique exclusive. Enfin, pour les forces aériennes, elle se traduit par exemple par l'utilisation opérationnelle des premiers MRTT Phénix, la livraison des premiers avions légers de surveillance et de reconnaissance, l'armement des drones MALE Reaper ou encore le lancement du standard F4 du Rafale. De plus, cette modernisation s'accompagne d'investissements soutenus en matière de renseignement, de capacités cyber et dans le domaine spatial. Elle s'appuie plus que jamais sur l'innovation et la coopération. Enfin, le ministère œuvre en faveur de la base industrielle et technologique de défense (BITD), secteur clé de l'économie nationale représentant 10 % de l'industrie, plus de 20 % de la recherche et développement et environ 11 % des exportations de biens de la France en 2019. Cette BITD, préservée des vastes mouvements de délocalisation des trente dernières années, constitue un véritable maillage territorial. Les investissements dans la défense ont donc un effet d'entraînement direct sur les nombreux territoires où elle reste solidement implantée et plus généralement sur toute l'économie. La LPM 2019-2025 constitue ainsi un plan de relance en elle-même. Ces ressources budgétaires programmées et votées à un niveau historiquement élevé reflètent l'ambition forte du Président de la République de redoter la France d'armées modernes, robustes, entraînées, aptes à garantir notre autonomie d'appréciation, de décision et d'action pour défendre durablement nos intérêts et préserver efficacement notre souveraineté dans l'ensemble des champs de confrontation, face à des menaces croissantes, multiples et hybrides ainsi que face à des puissances aux ambitions désinhibées.

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