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Isabelle Rauch
Question N° 40008 au Ministère de la justice


Question soumise le 6 juillet 2021

Mme Isabelle Rauch appelle l'attention de Mme la ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement, sur le fonds de travaux dont dispose le II de l'article 14-2 de la loi du 10 juillet 1965. Dans le cas d'un démembrement de la propriété d'un lot entre usufruitier et nu-propriétaire et en l'absence de clause de solidarité entre eux, une incertitude juridique demeure sur celui qui est redevable des provisions au titre du fonds de travaux, sans qu'aucune jurisprudence ne soit applicable. En effet, la liste fixée à l'article 44 du décret du 17 mars 1967 comprend aussi bien des grosses réparations incombant au nu-propriétaire ou des dépenses d'entretien à la charge de l'usufruitier. Dans la mesure où ces provisions ne sont pas recouvrables, y compris dans le cas d'une succession, et ne sont par nature pas affectées à l'une ou l'autre des catégories, l'appel de fonds est à la discrétion du gestionnaire. Les moyens de droit dont dispose chacune des parties, aussi bien le recours en fin d'usufruit que les actions récursoires contre l'usufruitier ne sont opérants qu'en cas de dépense desdites provisions, mais ne permettent pas de contester le bien-fondé de l'appel de fonds vers l'un ou vers l'autre. Aussi, elle souhaite savoir si des évolutions réglementaires sont envisagées sur ce point, qui se fonderaient par exemple sur des ratios habituellement constatés entre grosses réparations et dépenses de maintenance dans différentes catégories de copropriétés.

Réponse émise le 2 novembre 2021

La jurisprudence admet la licéité de clauses de solidarité entre nu-propriétaire et usufruitier, insérées dans le règlement de copropriété et prévoyant que le nu-propriétaire et l'usufruitier sont tenus solidairement du paiement des charges de copropriété envers le syndicat des copropriétaires (Civ. 3>ème>, 14 avril 2016, n° 15-12545). Il a été jugé qu'une telle clause de solidarité peut s'étendre à toutes sommes dues au syndicat des copropriétaires, notamment aux cotisations au fonds de travaux prévues par l'article 14-2 de la loi du 10 juillet 1965 (CA Rennes, 4e ch., 20 mai 2021, n° 19/02202). De telles clauses sont assez fréquentes en pratique et permettent donc de régler d'éventuelles contestations en matière de charges voire de cotisation au fonds de travaux, selon leur rédaction. A défaut d'une telle clause, la question de l'imputation de la cotisation annuelle obligatoire au fonds de travaux, au nu-propriétaire ou à l'usufruitier, n'est pas réglée par le statut de la copropriété. Le fonds de travaux constitue une réserve monétaire obligatoire, appelée annuellement, et dont l'affectation future reste indéterminée tant qu'aucuns travaux n'ont été effectivement décidés par l'assemblée générale. Si les dispositions de l'article 10 de la loi du 10 juillet 1965 prévoient son paiement par les copropriétaires selon les mêmes modalités que pour les charges communes générales, c'est-à-dire « proportionnellement aux valeurs relatives des parties privatives comprises dans leurs lots », la loi ne se prononce pas sur leur nature exacte. Dans le silence du statut, il convient donc de se référer au régime de droit commun de l'usufruit. Celui-ci prévoit, d'une part, que l'usufruitier est tenu aux réparations d'entretien tandis que les grosses réparations demeurent à la charge du nu-propriétaire (articles 605 et 606 du code civil). Il prévoit, d'autre part, que « l'usufruitier est tenu, pendant sa jouissance, de toutes les charges annuelles de l'héritage » (article 608 du code civil). S'agissant de la juste répartition du coût final de travaux, elle est soumise à l'interprétation jurisprudentielle des articles 605 et 606 du code civil. Il a ainsi pu être jugé que la nature des travaux décidés par un syndicat des copropriétaires (ravalement des façades rue et cour, zinguerie et les toitures y compris sa vérification totale), pour lesquels des cotisations au fonds de travaux étaient appelées, relevait des réparations d'entretien à la charge de l'usufruitier et non des grosses réparations telles que définis par l'article 606 du code civil (TGI Marseille, 3e ch. civ., 20 nov. 2014, n° 10/03509) quand, dans d'autres cas, la réfection de zingueries s'est avérée d'une importance et d'un coût tels qu'elle relevait en fait des grosses réparations (Civ. 1re, 2 févr. 1955 : Bull. civ. I, no 55). Face à la diversité des situations dans lesquelles les sommes cotisées peuvent être employées, c'est effectivement par le biais d'actions récursoires engagées a posteriori que les litiges peuvent être résolus. S'agissant de la cotisation au fonds de travaux en copropriété, d'une nature distincte des appels de fonds au titre de travaux votés, la jurisprudence ne paraît pas avoir eu l'occasion de se prononcer. Cela étant, la cotisation au fonds de travaux constituant une réserve de fonds dont l'usage peut être divers et dont le versement est une charge annuelle obligatoire, elle pourrait s'analyser comme une charge annuelle incombant à l'usufruitier au sens de l'article 608 du code civil, sans préjudice d'une éventuelle action de ce dernier à l'encontre du nu-propriétaire en cas d'emploi des fonds à des fins de grosses réparations. En outre, compte tenu de la disparité des usages qui peuvent être faits de cette cotisation, il serait extrêmement délicat voire inopérant d'adopter une règle générale de répartition entre usufruitier et nu-propriétaire. Le raisonnement en termes de ratios moyens observés entre travaux d'entretien et grosses réparations en copropriété pourrait s'avérer inadapté à la majorité des situations, compte tenu de la diversité des immeubles, de leurs structures, compositions, états et entretien, la moyenne n'étant pas ici gage de représentativité. En conséquence, il n'est pas envisagé de modifier la législation applicable en la matière, l'appréciation au cas d'espèce par les juridictions saisies permettant d'apporter une réponse adaptée à chaque situation.

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