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Mathilde Panot
Question N° 40044 au Ministère de l’agriculture


Question soumise le 13 juillet 2021

Mme Mathilde Panot interroge M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur le contrat État-Office national des forêts 2021-2025. Six mois d'attente par les agents et personnels de l'Office national des forêts pour cela : une réduction drastique des effectifs, avec 500 équivalents temps-plein en moins en 5 ans, alors même que les derniers audits de santé et sécurité ont montré des surcharges de travail situées entre 130 % et 150 %, et qu'un agent de l'ONF a, en moyenne, la charge de 1 700 hectares de forêts contre 800 il y a 20 ans. Une demande croissante de prélèvement de bois au risque de faire pression de manière irréversible sur les écosystèmes, alors que le dernier rapport du Haut Conseil pour le climat alerte sur la baisse de la capacité de stockage en carbone des forêts attribuée notamment à l'augmentation des récoltes de bois. Ce contrat acte le désengagement de l'État au sein de l'Office national des forêts, en reléguant son rôle et son devoir de financement aux collectivités territoriales, décision fortement contestée par la Fédération nationale des communes forestières. Ainsi, ce contrat s'inscrit dans une vision néo-libérale appliquée à l'Office national des forêts depuis des années, dont la loi de simplification de l'action publique votée en octobre 2020 est l'un des jalons. Celle-ci autorisait l'embauche de contractuels plutôt que de fonctionnaires pour des raisons d'austérité budgétaire, y compris pour la réalisation des missions de police et de contrôle. Cette loi a été suivie par le scandale démocratique de la discussion du projet de loi finances 2021 : le Parlement s'est prononcé contre la suppression de 95 ETP à l'Office national des forêts en première lecture du texte, mais le Gouvernement a réintroduit cet amendement en seconde lecture malgré le premier vote. Mme la députée alerte sur le cercle vicieux qu'entraîne la suppression des effectifs et l'embauche de contractuels, combinées à l'exploitation intensive des forêts. Sans agents en nombre suffisant sur le terrain, la régénération naturelle des forêts et leur protection ne sont pas garanties d'autant plus si la consigne appliquée est de prélever toujours plus de bois, au risque d'un épuisement irréversible des sols. Ce phénomène de dégradation des écosystèmes risque de s'amplifier à l'aune des aléas climatiques comme les tempêtes, les agents pathogènes ou les sécheresses qui tendent à se multiplier. Dans ce contexte, Mme la députée souligne l'absurdité de conditionner le financement du service public forestier aux ventes de bois, qui plonge l'Office national des forêts dans l'impasse : en 30 ans, la récolte a augmenté de 30 % mais les recettes de l'Office ont diminué de 30 %. Cette situation conduit également à un profond mal-être ressenti par les agents de l'Office national des forêts, qui alertent depuis des années sur leurs conditions de travail dégradées. Ils font part d'une perte de sens dans leur travail, obligés de délaisser les missions d'intérêt général au profit d'une vision productiviste de la forêt à laquelle ils ne souscrivent pas, en vue d'éponger la dette de l'Office. Pour rappel, il a été recensé au sein du service public forestier une cinquantaine de suicides depuis 2002. Au regard du dérèglement climatique, si les effectifs manquent à l'Office national des forêts, l'État se prive des moyens d'une planification forestière et d'une vision à long-terme. Il convient, au contraire, de doter l'Office de moyens humains et financiers conséquents pour disposer de l'expertise nécessaire pour faire face au dérèglement climatique. Mme la députée souligne également l'urgence de remettre au cœur des missions des agents de l'Office national des forêts celles qui relèvent de l'intérêt général, comme la protection de la biodiversité ou de la ressource en eau. Dans un contexte où l'État a été condamné pour inaction climatique et qu'une décision du Conseil d'État impose de prendre des mesures supplémentaires pour le climat, elle lui demande de cesser la fuite en avant austéritaire en matière forestière, et d'assumer le rôle et la responsabilité de l'État dans le refinancement de l'Office national des forêts, indispensable pour l'intérêt général.

Réponse émise le 1er février 2022

Le Gouvernement est attaché à la pérennité de l'office national des forêts (ONF) et entend conserver l'unité de gestion des forêts publiques, domaniales et communales, par l'ONF. Pour mener une politique forestière ambitieuse et développer les usages du bois, l'État a besoin d'un ONF fort et performant, au regard des défis que rencontre la forêt face au changement climatique et du potentiel qu'elle représente par la valorisation des matériaux bois dans l'atténuation du changement climatique. Il s'agit de maintenir les différents services que les forêts publiques rendent, que ce soit les services économiques, environnementaux, climatiques ou sociétaux. La gestion durable et multifonctionnelle est au cœur du modèle de l'ONF et doit le rester. Ce principe est un élément central du nouveau contrat d'objectif entre l'État et l'ONF pour la période 2021-2025. Pour autant, l'ONF connaît depuis plusieurs années une situation financière en déséquilibre, aggravée récemment par la crise des scolytes dans l'Est de la France, la crise économique et l'impact du changement climatique. Cette situation appelle donc des réponses conjoncturelles mais aussi structurelles, notamment sur son modèle de financement. L'endettement de l'ONF atteint aujourd'hui 350 millions d'euros (M€) et menace la pérennité de l'établissement. Dans ce contexte, le Gouvernement a décidé de renouveler, dans le cadre du contrat État-ONF 2021-2025, sa confiance en l'ONF, garant de la gestion durable et multifonctionnelle des forêts publiques, tout en engageant des mesures importantes visant à lui redonner des perspectives soutenables. L'État maintient le statut de l'établissement public à caractère industriel et commercial de l'ONF et réaffirme qu'il n'existe aucun projet de privatisation. Ce contrat conforte les missions d'intérêt général (MIG) portées par l'ONF, et consacre la notion de prise en charge à coût complet de ces missions, quel qu'en soit le commanditaire. De son côté l'État s'engage sur un financement complet des MIG qu'il confie à l'ONF. La revalorisation des financements accordés au titre des MIG, à périmètre constant, sur la biodiversité et en outre-mer va permettre de rétablir cet équilibre, et représente 12 M€ depuis 2021 et atteindra 22 M€ en 2024. Les MIG confiées par l'État à l'ONF représenteront ainsi 55 M€ par an. En complément, le Gouvernement décide de mobiliser 60 M€ supplémentaires répartis entre 2021 et 2023 (30 M€ en 2021, 20 M€ en 2022 et 10 M€ en 2023) pour soutenir son établissement en renforçant la subvention d'équilibre. Ceci vient en complément des 140 M€ de versement compensateur annuel. Enfin, dans le cadre du volet forestier du plan France Relance, une dotation de 30 M€ a été allouée pour 2021 à l'ONF pour financer la reconstitution des forêts domaniales atteintes par les crises sanitaires, parmi lesquelles notamment celle des scolytes, ainsi que 1 M€ pour mettre en place de nouveaux vergers à graines de l'État sur des essences d'avenir en lien avec le changement climatique. En contrepartie de ces engagements de l'État, il est demandé à l'établissement un effort de réduction de ses charges à hauteur de 5 % à l'horizon de cinq ans afin d'atteindre l'équilibre financier de l'établissement en 2025. Il est ainsi attendu de l'ONF la poursuite de la mise en œuvre de son schéma d'emplois (- 95 ETP par an) sur la durée du prochain contrat État-ONF et une modération de ses dépenses de fonctionnement à hauteur de 4 M€ dès 2022. Ceci représente une baisse inférieure à 5 % du montant des charges annuelles sur la durée du contrat. Dans le cadre de cet effort, l'État demande à l'établissement de préserver le maillage territorial pour garantir le niveau de services auprès des communes. En parallèle, le Gouvernement a souhaité maintenir l'association étroite des communes forestières à la gouvernance de l'ONF. L'ONF et la FNCOFOR vont s'engager dans une convention arrêtant leurs engagements réciproques sur 2021-2025. Par ailleurs, sur la base d'une comptabilité analytique réformée, l'ONF va assurer une transparence économique et financière renforcée vis-à-vis de l'État, des communes forestières et de ses administrateurs. Initialement envisagé après un réexamen à compter de 2023, le Président de la République a annoncé qu'aucun soutien complémentaire des communes propriétaires de forêts au budget de l'ONF ne sera sollicité. Cette décision doit permettre de s'engager ensemble avec les communes forestières au développement de la filière, en particulier en développant la contractualisation de la vente de bois. En synthèse, le Gouvernement entend ici, avec ses engagements forts et ses orientations précises, donner à l'ONF de la visibilité et des perspectives soutenables, assurer un retour progressif à l'équilibre financier en associant toutes les parties prenantes et lui donner des outils pour mieux maîtriser à l'avenir son modèle économique. L'importance accordée à l'ONF par le Gouvernement reflète l'ambition portée pour la filière forêt-bois et la volonté de placer cette filière au cœur de sa stratégie dé-carbonation. En effet, la filière permet de compenser environ 20 % des émissions françaises de CO2. Elle joue aussi un rôle majeur en matière d'atténuation du changement climatique. Ce rôle repose sur la résilience des forêts, et notamment sur leur capacité à s'adapter à ce changement climatique. Or les sécheresses des années 2003, 2018 et 2019, ainsi que les attaques de scolytes des forêts d'épicéas de l'Est de la France ont été des alertes fortes sur la résilience des forêts. Pour répondre à ce défi, le Gouvernement a décidé, dès juillet 2020, d'investir 200 M€ dans la filière forêt et bois. Dès juillet dernier, le Premier ministre a renforcé ces moyens à hauteur de 100 M€, portant ainsi l'effort à 300 M€ dans le cadre du plan France Relance. Dans le cadre du plan France 2030 annoncé par le Président de la République le 12 octobre dernier, 500 M€ sont dédiés pour les forêts françaises et la filière bois. Les assises de la forêt et du bois sont l'occasion de partager les enjeux et de construire des solutions opérationnelles permettant de déployer au mieux ces moyens. Conscients de l'impact de la crise des scolytes, le Gouvernement français a instauré dès 2018 des aides à l'exploitation et à la commercialisation des bois colonisés par ces insectes et les a prolongés systématiquement. Au regard des impacts sur les finances des communes propriétaires de forêt, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation et la ministre chargée de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales ont décidé un mécanisme de soutien exceptionnel en faveur des communes forestières particulièrement touchées par la crise des scolytes, et qui entraîne une dégradation importante de leur situation financière. Par ailleurs, les modalités de constitution d'un fonds d'amorçage pour les communes forestières font actuellement l'objet de discussions avec la Banque des Territoires. De même, des échanges avec les représentant de Régions de France et de la fédération nationale des communes forestières doivent être menés prochainement afin de déterminer l'architecture optimale du dispositif. L'ensemble de ces efforts illustre la détermination du Gouvernement à répondre aux enjeux de la filière forêt et bois.

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