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Jacques Marilossian
Question N° 40266 au Ministère de l’europe


Question soumise le 20 juillet 2021

M. Jacques Marilossian attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la problématique du « colonialisme vert » dans les pays d'Afrique. Aujourd'hui, de nombreuses institutions internationales comme WWF, l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) ou l'UNESCO soutiennent et financent la création de parcs naturels en Afrique afin de protéger l'environnement et la biodiversité. Cette initiative - qui en premier lieu semble tout à fait louable - comporte toutefois des effets pervers pour les populations africaines. Bien trop souvent, ces parcs sont utilisés à des fins politiques. Ils sont créés dans les territoires sécessionnistes, chez des nomades ou aux frontières de deux pays. Dans les régions du nord de l'Éthiopie ou de la vallée de l'Awash, cela implique l'expulsion ou le déplacement de populations vivant sur les futurs emplacements de parcs. De plus, les écogardes formées pour protéger ces parcs arrêtent, criminalisent et dans certains cas abattent les bergers ou agriculteurs traversant ces territoires. Dans les pays européens, les institutions et les ONG - comme WWF - sont aux côtés des agriculteurs et des bergers. En revanche, elles expulsent ces populations de leurs terres dans les pays d'Afrique. L'historien Guillaume Blanc relie cela à un véritable « colonialisme vert » : sous prétexte du changement climatique, les institutions internationales participent donc indirectement à l'expropriation et la criminalisation de milliers de bergers et d'agriculteurs en Afrique. Il souhaite savoir quelle est la position du Gouvernement au niveau international concernant cette problématique d'un « colonialisme vert ».

Réponse émise le 16 novembre 2021

La France considère les aires protégées, y compris les parcs naturels, comme un instrument majeur pour préserver la biodiversité mondiale. Dans le même temps, elle considère l'inclusion des populations autochtones et des communautés locales vivant sur ces territoires comme fondamentale, eu égard à leurs droits fondamentaux et à leur rôle dans la gestion durable de ces espaces au statut particulier. Les aires protégées occupent une place centrale dans les négociations actuelles sur le renouvellement du cadre stratégique mondial post-2020 pour la biodiversité, actuellement négocié au sein de la Convention internationale sur la diversité biologique. Dans les débats, le rôle des populations autochtones et des communautés locales pour la préservation de la nature est reconnu et encouragé, de même que la nécessité de leur participation active pour garantir l'atteinte des objectifs mondiaux. Dans ce contexte, la France a décidé de promouvoir cet équilibre entre préservation de la biodiversité et respect des droits des peuples autochtones dans le cadre de ses initiatives à l'international. Elle co-préside, aux côtés du Costa Rica, la Coalition de haute ambition pour la nature et les peuples, qui soutient l'adoption d'une cible de protection d'au moins 30% des surfaces terrestres et maritimes de la planète d'ici 2030. Cette coalition défend la place des peuples autochtones et populations locales pour la protection de la biodiversité de leurs territoires, leur entière implication, notamment fondée sur leur consentement préalable, libre et donné en connaissance de cause lors de la création d'aires protégées, ainsi que plus largement le respect strict des droits humains. Un travail approfondi a été engagé par un dialogue régulier et attentif avec le Forum international autochtone sur la biodiversité, qui représente les populations locales au sein de la Convention sur la diversité biologique. Cela permet de s'assurer que leurs préoccupations sont bien prises en compte dans l'établissement de nouvelles zones de protection et en matière d'encadrement des activités économiques, notamment s'agissant des parcs nationaux. Dans son action de solidarité internationale et de protection des biens communs, la France accorde, par ailleurs, une importance toute particulière aux aires protégées. Les interventions de l'Agence française de développement (AFD) cherchent ainsi systématiquement à inscrire ces zones dans un projet territorial, national et régional. Cette approche prône un rôle participatif et une responsabilisation accrue des entités locales en reconnaissant que la sauvegarde des espaces naturels est indissociable du bien-être des personnes qui en dépendent et de leur capacité à utiliser durablement les ressources de ces territoires. Ainsi, les projets financés associent les populations qui en bénéficient directement. Une évaluation externe des projets d'appui aux aires protégées de l'AFD (2000-2017) a, par ailleurs, noté un net basculement des logiques d'intervention orientées vers des objectifs de conservation stricte vers des approches aujourd'hui majoritairement fondées sur le développement socioéconomique des communautés. La France déploie également des actions de formation, par exemple sur les notions de déontologie et de méthodes de concertation avec les populations vivant dans ou à proximité des aires protégées. Un tel dispositif de surveillance est indispensable pour lutter contre la criminalité environnementale qui se développe, en particulier le braconnage, ou les activités extractives illicites et souvent polluantes. En outre, dans le cadre des orientations stratégiques pour lutter contre la dégradation des terres et la désertification (2020-2030), la France s'attache à appliquer les directives pour une gouvernance responsable des régimes fonciers de l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). Les projets de développement mis en œuvre par la France permettent ainsi de préserver les droits des populations locales, y compris dans les aires protégées, tout en permettant aux éleveurs de poursuivre leurs transhumances. Enfin, la France défend le respect des droits humains, quelles que soient les circonstances. Ainsi, lors de l'adoption de la stratégie de l'Union européenne en faveur de la biodiversité à l'horizon 2030 par le Conseil européen du 23 octobre 2020, ce dernier a mentionné "la participation pleine et effective des populations autochtones et des communautés locales".

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