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Didier Martin
Question N° 40512 au Ministère de l’agriculture


Question soumise le 3 août 2021

M. Didier Martin interroge M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur les conséquences de l'augmentation drastique du prix du bois sur la filière bois et le secteur de la construction. Le marché mondial du bois connaît actuellement de fortes tensions. Le prix de cette matière première s'est envolé ces derniers mois, rendant son achat et son usage par les professionnels particulièrement coûteux. Cette hausse spectaculaire du prix du bois brut non transformé s'explique en grande partie par une augmentation importante des exportations de grumes à destination de la Chine et des États-Unis d'Amérique. Les États-Unis d'Amérique connaissent une reprise économique caractérisée par un dynamisme sans précédent du secteur de la construction, les conduisant à intensifier leurs importations. En conflit commercial avec le Canada depuis l'instauration par l'ancien président Donald Trump d'une taxe sur l'importation de bois d'œuvre canadien, ils s'orientent aujourd'hui désormais davantage vers l'Union européenne pour leur approvisionnement. La Chine a, quant à elle, adopté une stratégie similaire pour couvrir ses besoins depuis que la Russie, l'un des plus gros exportateurs de bois vers la Chine, a exprimé le désir de mettre fin à l'exportation de grumes non transformés à compter du 1er janvier 2022. Depuis le mois d'octobre 2020, les exportations françaises de grumes vers la Chine ont ainsi doublé. Cette flambée du prix du bois n'est pas sans conséquence pour les entreprises françaises ayant une activité liée directement à cette matière première, notamment en Côte-d'Or. En effet, elle dégrade fortement la situation de la filière bois française et du secteur du bâtiment et de la construction. Les scieries françaises voient leur activité entravée par un prix trop élevé de la matière première et leur approvisionnement retardé. Le secteur du bâtiment et de la construction connaît une situation comparable. Les entreprises ont désormais difficilement accès à cette matière première, entraînant des retards importants dans les chantiers et un allongement des délais de livraison. Elles rencontrent également des difficultés économiques dans la mesure où elles doivent absorber, à l'aide de leur marge, les écarts observés entre le prix actuel du bois et les prix pratiqués au moment de la signature des devis. Les organismes représentatifs des professionnels du bâtiment estiment que 30% des chantiers seront bloqués d'ici septembre 2021 si la situation perdure. Certains établissements ne pouvant pas faire face à cette montée brutale du coût des matières premières pourraient même disparaître. S'ajoute aux conséquences économiques de grande ampleur l'impact sur l'environnement et la biodiversité. Le bois joue un rôle déterminant dans la stratégie de réduction de l'empreinte écologique et de lutte contre le réchauffement climatique. Cette matière première est de plus en plus appréciée pour sa capacité à piéger le carbone et à permettre la construction de bâtiments plus respectueux de l'environnement. C'est la raison pour laquelle les résultats de l'instauration de nouvelles normes environnementales toujours plus exigeantes reposent en partie sur cette matière première. Pour terminer, les espaces forestiers présentent un intérêt patrimonial et écologique certain et doivent bénéficier, à ce titre, d'une protection renforcée. Le samedi 26 juillet 2021, le Premier ministre Jean Castex a annoncé lors d'un déplacement en Vendée une enveloppe de 100 millions d'euros supplémentaires pour la filière bois. Si cette annonce a été accueillie avec joie et répond en partie aux attentes des professionnels, des interrogations demeurent. Certaines entreprises locales en Côte-d'Or, notamment de charpente et de couverture, rencontrent actuellement des difficultés financières importantes et craignent de devoir cesser leur activité si aucune solution financière spécifique n'est apportée. Il souhaiterait savoir s'il est possible d'envisager un soutien additionnel pour les entreprises ne pouvant pas honorer leurs devis ainsi que d'autres mesures de protection destinées à limiter les exportations de cette matière première particulièrement stratégique.

Réponse émise le 4 janvier 2022

La demande nationale comme internationale en produits transformés à base de chêne est actuellement -et probablement durablement- bien orientée, soutenue par les plans de relance mis en œuvre au niveau national, européen ainsi qu'aux États-Unis, lesquels favorisent en particulier la reprise dans le secteur de la construction et de l'aménagement, constituant le principal débouché de la filière forêt-bois. À cet égard, le nombre de mises en chantier en France bondit : + 7,6 % par rapport aux trois mois précédents et + 5,7 % au cours des douze derniers mois. En même temps que les entreprises de la filière forêt-bois s'organisent pour répondre à cette demande haussière, le niveau des exportations de grumes de chêne français est reparti à la hausse, après une année 2020 marquée par la crise covid-19. Une hausse de + 16 % est observée sur les quatre premiers mois de l'année 2021, notamment à destination de la Chine (+ 29 %), pour in fine dépasser le volume moyen de grumes de chêne exporté de janvier à avril sur les dix dernières années, et dépasser le niveau exceptionnel d'export de grumes de chêne observée sur la période 2015-2019. Cette situation confirme donc le renforcement de ce mouvement de « fuite » de grumes de chêne qui s'est engagé depuis 2014. Ce flux important de la ressource nationale vers les pays tiers a appelé rapidement le Gouvernement à la vigilance et à mettre à l'étude les actions qu'il était possible d'entreprendre. Plusieurs réunions se sont tenues ces derniers mois, à l'initiative du ministère de l'agriculture et de l'alimentation ou au sein de l'interprofession, avec les représentants professionnels de la filière forêt-bois. Ces réunions ont permis de partager le diagnostic, de conforter le besoin de solidarité au sein de la filière et d'identifier les actions que chaque organisation professionnelle de l'amont pouvait conduire à son niveau pour répondre aux besoins exprimés par les entreprises de première transformation de bois. Ainsi, à l'issue d'une réunion en date du 21 juin 2021, un plan d'actions a pu être consolidé, sur la base des propositions des organisations professionnelles et des actions que l'État peut légalement entreprendre : - les initiatives favorisant la transformation industrielle du bois d'œuvre sur le territoire de l'Union européenne (UE) afin d'optimiser le bénéfice de son stockage de carbone continueront à être encouragées conformément à l'article 54 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. Dans ce contexte, le principe du label UE des ventes de bois, qui donne la priorité aux acheteurs s'engageant à transformer ou faire transformer les bois dans l'UE, est plus que jamais nécessaire et va naturellement se poursuivre pour le chêne en forêts publiques. De leur côté, les organisations professionnelles de la forêt privée se sont engagées à expliquer cette modalité de vente aux propriétaires privés, et les experts forestiers de France ont organisé leur première vente nationale sous label UE le 13 juillet, opération qui a rencontré un franc succès et qui devrait être renouvelée dans les mois qui viennent ; - l'État a demandé à son opérateur, l'office national des forêts (ONF), d'amplifier ses efforts en matière de contractualisation, notamment du bois d'œuvre de chêne, sur la durée du contrat État-ONF 2021-2025 validé le 2 juillet par le conseil d'administration de l'ONF et d'augmenter, dans le respect des documents d'aménagement, le volume de bois mobilisé lorsque des difficultés d'approvisionnement sont identifiées ; - une mission vient également d'être confiée au conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux pour appuyer la filière dans un véritable développement de la contractualisation, qui apparaît comme le levier majeur, à termes pour sécuriser l'approvisionnement de ce secteur industriel ; - la Commission européenne a été saisie par les autorités françaises pour l'informer de la situation, dont il résulte une anomalie économique, patrimoniale et écologique, et l'inviter à étudier et prendre les mesures les plus appropriées au regard du droit européen, y compris en termes de restriction à l'exportation de grumes de chêne. Des mesures de sauvegarde au titre de sa compétence commerciale, devraient être étudier rapidement de façon à éviter une fuite non contrôlée des ressources forestières ; - les parlementaires ont introduit dans le projet de loi climat et résilience une disposition visant à encadrer la profession d'exploitant forestier exportateur. Les services du ministère de l'agriculture et de l'alimentation ont engagé sans attendre l'élaboration du projet de décret qui contiendra les modalités de mise en œuvre de cette nouvelle disposition ; - enfin, l'interprofession forêt-bois se doit de consolider son observatoire du marché du bois pour gagner en compréhension et en réactivité face à des situations de crise comme celle actuellement. Des indicateurs plus réactifs ou portant sur l'état de stock dans les entreprises vont notamment être mis en place. La mise en œuvre de ce plan d'action va faire l'objet d'un suivi régulier notamment à l'approche des ventes d'automne, qui sont les ventes plus importantes de l'année pour le chêne. Par ailleurs, afin de répondre aux enjeux de souveraineté qui se posent au niveau de la filière forêt-bois, notamment dans le contexte climatique, le Gouvernement a décidé de tenir cet automne des assises de la forêt et du bois, qui seront organisées sous l'égide des ministères de l'agriculture, de l'industrie et de la transition écologique. Ces travaux devront aboutir à des propositions opérationnelles et engager toutes les parties. Son soutien aux efforts consentis par les professionnels de la filière va également être renforcé, à la condition qu'ils contribuent à décloisonner l'amont et l'aval de la filière. Ainsi 100 millions d'euros (M€) supplémentaires seront déployés dans le cadre de France Relance, en complément des 200 M€ d'euros déjà en place. Enfin, la filière forêt-bois bois sera concerné par le futur plan d'investissement « Pour bâtir la France de 2030 » annoncé par le Président de la République.

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