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Pierre Morel-À-L'Huissier
Question N° 40629 au Ministère de la justice


Question soumise le 3 août 2021

M. Pierre Morel-À-L'Huissier attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la possibilité pour le préfet, depuis le 1er janvier 2019, après le contrôle d'un conducteur présentant une alcoolémie supérieure à 0,8g/l de sang et inférieure à 1,8g/l de sang, de l'obliger à ne conduire que des véhicules équipés d'un éthylotest anti-démarrage (EAD médico administratif) et ce pour une durée pouvant aller jusqu'à 1 an. L'article 224-9 du code de la route pose le principe que quelle que soit sa durée, la suspension du permis de conduire ou l'interdiction de sa délivrance ordonnée par le préfet cesse d'avoir effet lorsqu’est exécutoire une décision judiciaire prononçant une mesure restrictive du droit de conduire. En d'autres termes, la durée de la suspension administrative qui a été préalablement effectuée par le justiciable vient en déduction de celle prononcée par le juge pénal. Or il ressort depuis la mise en place des EAD médico administratifs des pratiques disparates selon les tribunaux. Dans le cas où le justiciable a préalablement fait l'objet d'un EAD médico administratif et que le juge judiciaire a prononcé une simple suspension de son permis de conduire (sans EAD), certains tribunaux acceptent en application des dispositions précitées de déduire de la peine prononcée par le juge pénal la période de suspension sous EAD médico administratif alors que d'autres tribunaux estiment que la suspension sous EAD médico administratif ne peut se déduire d'une suspension judiciaire (non soumise à l'installation d'un EAD). Ces tribunaux, à l'opposé d'autres, estiment qu'il ne s'agit pas de peines de même nature pour justifier l'inapplicabilité de l'article 224-9 du code de la route. Les justiciables sont alors obligés d'effectuer en sus de la période de conduite sous EAD médico administratif une nouvelle période de suspension prononcée par le juge. Il en ressort un traitement différent de l'application des peines des justiciables selon les ressorts juridictionnels. Aussi, il lui demande de bien vouloir lui préciser les mesures qu'il entend prendre pour harmoniser l'application des dispositions précitées.

Réponse émise le 18 janvier 2022

La mesure administrative de restriction du permis à la conduite de véhicules équipés d'un éthylotest anti-démarrage (EAD) prévue à l'article R.224-6 du code de la route, se distingue de la mesure administrative de suspension de son usage prévue à l'article L.224-2 du même code. Elles sont de nature différente : la première autorise encore la conduite sous cette restriction quand la seconde l'interdit. En cas de non-respect de la mesure, la première est réprimée d'une contravention de cinquième classe par l'article R.224-6 du code de la route, quand la seconde est constitutive d'un délit prévu par l'article L.224 16 du même code. Une distinction est également à opérer entre la mesure judiciaire d'interdiction de conduire un véhicule non équipé d'un EAD et la suspension judiciaire du permis de conduire. Toutes deux constituent des peines complémentaires distinctes selon l'article L.234-2 du code de la route. La question s'est posée de l'articulation de ces mesures administratives avec celles prononcées ultérieurement par l'autorité judiciaire au regard de l'article L.224-9 du code de la route. Avant même l'entrée en vigueur des dispositions relatives à l'EAD administratif, le ministère de la justice a précisé aux juridictions le sens de ces dispositions. En effet, la dépêche du 16 novembre 2018 concernant la mise en œuvre des dispositions de l'article R.224-6 du code de la route relatif à la restriction administrative du droit de conduire aux seuls véhicules équipés d'un éthylotest antidémarrage, est venue consacrer le principe de subsidiarité de la décision administrative de restriction de conduire par rapport à la décision judiciaire. En application de l'article L.224 9 alinéa 3 du code de la route, qui dispose que « la durée des mesures administratives s'impute, le cas échéant, sur celle des mesures du même ordre prononcées par le tribunal », la durée de la restriction administrative de conduire aux seuls véhicules équipés d'un EAD s'impute sur celle de la mesure judiciaire d'EAD prononcée par la juridiction. En revanche, il n'y a pas lieu à imputation de la durée d'une mesure administrative d'EAD sur la durée d'une suspension judiciaire du permis de conduire, ces deux mesures n'étant pas du même ordre. Le principe de subsidiarité de la décision administrative par rapport à la décision judiciaire est repris à l'article 4 des arrêtés préfectoraux de restriction de conduire aux seuls véhicules équipés d'un EAD. Ainsi, en cas d'ordonnance de non-lieu, de jugement de relaxe ou si la juridiction ne prononce pas de mesure restrictive du droit de conduire, la mesure préfectorale restreignant le droit de conduire aux seuls véhicules équipés d'EAD sera considérée comme non avenue. La décision préfectorale cessera également d'avoir effet lorsque sera exécutoire une décision judiciaire prononçant pour la même infraction une mesure restrictive du droit de conduire. Dès lors, même si la durée de la décision administrative de restriction est supérieure à celle de la décision judiciaire de restriction, la sanction administrative cessera de produire effet. La dépêche précitée et la note adressée aux préfets par le délégué à la sécurité routière le 17 octobre 2018 invitent les parquets et les autorités préfectorales à se rapprocher pour coordonner leurs réponses en matière de recours à ce type de mesures, afin d'en assurer un déploiement cohérent pour le justiciable et suffisamment long pour faire porter des fruits à ces outils de prévention de la récidive. Des mesures ont donc déjà été prises pour harmoniser l'application de ces dispositions.

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