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Chantal Jourdan
Question N° 41774 au Ministère de l’agriculture


Question soumise le 12 octobre 2021

Mme Chantal Jourdan attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la situation de surproduction de lait biologique qui fragilise la filière depuis le début d'année 2021. En France, les agriculteurs désireux de se tourner vers un modèle biologique ne cessent d'augmenter. Les volumes de lait bio produits sont en hausse constante ; ils ont encore progressé de 11 % au premier semestre 2021. En parallèle, la consommation de produits bio progressait à un rythme de 15 % à 20 % par an. Or en 2021 elle s'est stabilisée. C'est ainsi qu'un trop-plein de lait bio a déséquilibré le marché. Les éleveurs se retrouvent dans des situations difficiles où l'ensemble de leur production ne peut être valorisée. C'est notamment ce dont témoigne la coopérative Biolait qui collecte le lait d'agriculteurs bio sur tout le territoire. Face à la difficulté d'écouler les volumes, le surplus doit être déclassé et vendu comme un lait conventionnel. Cela entraîne une baisse des prix d'achat de lait bio aux agriculteurs, alors même que sa production implique des coûts plus élevés que celle du lait conventionnel. Cette situation est alarmante. En effet, le mouvement de conversion des agriculteurs vers le biologique est une dynamique positive qu'il faut continuer à encourager. Néanmoins, cela ne peut se faire au détriment des agriculteurs qui se sont déjà engagés pleinement dans des pratiques vertueuses et qui démontrent au quotidien qu'un autre modèle, plus respectueux de l'environnement et de la santé humaine, est possible. Pourtant, les orientations données au futur plan national stratégique pour la PAC ne vont pas dans ce sens. Si les aides à la conversion vers le bio sont en augmentation, ce n'est pas le cas de celles au maintien. Pourtant, ces dernières sont essentielles comme en témoigne la situation du lait bio. Par ailleurs, la mise sur le même plan et donc en concurrence de l'agriculture bio et d'autres pratiques moins vertueuses qui ne demandent pas le même engagement financier et humain n'est pas viable. C'est notamment le cas de la certification agriculture à haute valeur environnementale (HVE) qui ne devait valider qu'une étape de transition vers le bio. Celle-ci autorise l'utilisation de pesticides de synthèse et son évaluation par l'OFB a conclu qu'elle ne présentait souvent aucun bénéfice environnemental. C'est face à ces constats que Mme la députée demande à M. le ministre quelles sont ses propositions afin de maintenir des prix rémunérateurs pour les producteurs de lait bio tout en ne cassant pas le mouvement de conversion vers le biologique. Elle lui demande si le plan stratégique national tiendra compte de ce besoin absolu d'accompagner et de soutenir les agriculteurs qui ont fait le choix du bio, autant que ceux qui s'y dirigent.

Réponse émise le 12 avril 2022

Le secteur biologique connaît une croissance soutenue depuis plus de quinze ans, principalement depuis 2015, tant au niveau des surfaces cultivées qu'au niveau de la consommation des produits biologiques. Ainsi, selon les chiffres de l'Agence Bio, les surfaces cultivées en bio ont doublé en cinq ans pour atteindre 2,55 millions d'hectares en 2020 [9,5 % de la surface agricole utile (SAU) en bio] tout comme la consommation de produits biologiques qui a atteint 13,2 milliards d'euros en 2020. L'agriculture biologique est désormais une tendance de fond qui stimule le marché alimentaire français. On ne peut que se féliciter de l'engouement que suscite le mode de production biologique auprès des agriculteurs. Cet engagement contribue à la transition agricole et agroalimentaire en répondant aux enjeux climatiques et environnementaux et en prenant en compte les attentes des consommateurs. Les moyens dédiés à l'agriculture biologique ont été largement renforcés dans le plan stratégique national (PSN) 2023-2027 par rapport à la programmation actuelle. Le PSN de la politique agricole commune (PAC) contribuera à l'atteinte d'une cible fixée à 18 % minimum de la SAU française en agriculture biologique en 2027, soit près de 4,8 millions d'hectares de terres agricoles, avec l'ambition d'atteindre les 25 % visés au niveau européen d'ici 2030. Pour accompagner ce doublement des surfaces en agriculture biologique d'ici 2027, 340 millions d'euros (M€) par an en moyenne seront consacrés à la seule aide à la conversion à l'agriculture biologique, ce qui correspond à un renforcement inédit de 90 M€ par an par rapport au montant de 250 M€ par an payé en 2019 et 2020 et qui couvrait non seulement l'aide à la conversion (220 M€) mais aussi l'aide au maintien (30 M€), et représente ainsi une augmentation de 40 %. Le niveau et la dynamique de conversion à l'agriculture biologique dans les différentes filières sont hétérogènes. Face à ce constat, et compte tenu de l'importance de la sole en grandes cultures d'une part, et d'une conversion qui représente un défi plus important compte tenu de la réalité des marchés et des surcoûts spécifiques liés à la conduite en agriculture biologique de ces cultures, il a été considéré nécessaire, pour remplir l'objectif, d'envoyer un signal d'encouragement renforcé à la conversion en direction des grandes cultures, en augmentant le montant par hectare (ha) pour ces cultures, qui passe de 300 €/ha aujourd'hui à 350 €/ha à partir de 2023. La France a fait le choix de maintenir son soutien aux bénéficiaires en conversion sur une durée de cinq ans, ce qui représente un soutien prolongé par rapport à la période technique de conversion qui varie entre deux et trois ans en fonction des productions. Cette augmentation substantielle de l'effort public d'accompagnement des conversions est rendue possible à la fois par la mobilisation de crédits du fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) supplémentaires et par la décision d'augmenter encore les contreparties nationales de l'État pour couvrir un besoin croissant. Les aides à la bio, largement focalisées sur la conversion, représentent ainsi 10 % du FEADER total, contre 7 % sur 2014-2020 pour l'ensemble des aides à la conversion et au maintien. En dehors du PSN, on peut souligner un effort substantiel de France Relance pour l'accompagnement à la structuration des filières bio, notamment en faveur des protéines végétales, avec 17 M€ supplémentaires déployés sur 2021 et 2022 (+ 10 M€ pour le fonds Avenir bio et 7 M€ issu du « plan de structuration des filières protéines » pour des projets spécifiques bio), soit un doublement sur deux ans de l'effort d'investissement dédié qui avait atteint en 2020 et qui représentait un total de 8 M€. À partir de 2023, les producteurs et filières continueront d'être accompagnés dans leurs investissements, notamment dans le PSN qui s'attachera à poursuivre les efforts via les programmes sectoriels et la mobilisation par les régions des aides à l'investissement au titre du FEADER. Par ailleurs, le Gouvernement et le Parlement ont décidé, dans le cadre de la loi de finances pour 2022, de relever le montant du crédit d'impôt accordé aux producteurs en agriculture biologique, qui passera de 3 500 euros (€) par an à 4 500 € par an à partir du 1er janvier 2023. Ainsi, les agriculteurs bio vont bénéficier de crédits publics supplémentaires de 1 000 € par cette voie, une somme qui, en particulier pour les producteurs détenant de petites surfaces, s'avère loin d'être négligeable. En outre, avec l'arrêt de l'aide au maintien et le relèvement du plafond de cumul avec les aides bio de la PAC à 5 000 €, le crédit d'impôt devrait pouvoir bénéficier à davantage d'agriculteurs qui ne pouvaient cumuler les aides au maintien et à la conversion et ce crédit d'impôt au-delà de 4 000 € jusqu'à présent. Ce dispositif est donc renforcé, et rendu accessible à un plus grand nombre d'agriculteurs à partir du moment où ils tirent au moins 40 % de leurs recettes de l'agriculture biologique. À titre de comparaison, en 2019, ce sont 19 000 exploitants qui avaient bénéficié de ce crédit d'impôt, alors que l'aide au maintien du deuxième pilier de la PAC avait bénéficié à 13 000 exploitations la même année, et à 9 000 en 2020. Enfin, le Gouvernement est particulièrement attentif à l'équilibre entre offre et demande du secteur biologique. Il existe plusieurs leviers et outils définis par le législateur, favorables au développement de la consommation de produits biologiques. Ainsi, la loi dite « EGALIM 1 » du 30 octobre 2018 et la loi climat et résilience de 2021 ont fixé des objectifs ambitieux en matière d'introduction de produits biologiques en restauration collective publique (20 % en 2022) et privée (20 % en 2024). Les acteurs du secteur biologique doivent se mobiliser pour répondre à ces marchés qui permettront de mobiliser des volumes de production importants. D'autre part, la loi dite « EGALIM 2 » du 18 octobre 2021 introduit de nouveaux dispositifs de régulation et de transparence des marchés (obligation de contractualisation, prise en compte des coûts de production agricole dans la formation des prix d'achat…), au profit d'une meilleure rémunération des agriculteurs français. Le secteur biologique doit bénéficier et s'emparer de ces outils. Le Gouvernement sera en tout état de cause attentif dans les mois qui viennent à l'évolution des conditions du marché de l'agriculture biologique afin d'apporter les réponses plus adaptées. À très court terme, dans un contexte de ralentissement de la consommation, et pour redynamiser la consommation à domicile en matière d'agriculture biologique, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a octroyé une dotation exceptionnelle de 500 000 € à l'Agence Bio afin d'organiser une campagne de communication spécifique sur les produits biologiques, en partenariat avec l'ensemble des filières, lors du Printemps de la Bio 2022.

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