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Grégory Labille
Question N° 42501 au Ministère de l’agriculture


Question soumise le 16 novembre 2021

M. Grégory Labille alerte M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la flambée actuelle du prix des engrais azotés. Les agriculteurs se demandent s'ils pourront fertiliser leurs champs au printemps 2022. Les prix des engrais azotés, liés au cours du gaz, ne cessent de s'envoler et ont été multiplié par 4 en quelques mois. La Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles de la Somme lance l'alerte. Très dépendante du gaz russe, dont le prix ne cesse d'augmenter, l'Europe et ses fabricants d'engrais se trouvent en première ligne. Pour réduire leurs coûts de production, ils fabriquent moins, ce qui fait craindre une pénurie. Alimentées en majeure partie par le renchérissement du gaz naturel, ces hausses des coûts de production sont insoutenables pour une profession déjà sujette à de graves problèmes de financement. Aussi, il souhaite prendre connaissance des mesures de soutien aux différentes filières agricoles prévues par le Gouvernement afin de pallier cette situation. Il lui demande également de détailler les actions prévues aux niveaux national et européen pour combattre cette inflation.

Réponse émise le 8 février 2022

La fin des mesures sanitaires restrictives de la crise du covid-19 dans la plupart des pays a entraîné une reprise économique mondiale, qui se traduit par une forte demande et une hausse des prix mondiaux de l'ensemble des matières premières et notamment de l'énergie. Les prix des engrais azotés ont augmenté dès le premier semestre 2021, et cette hausse s'est fortement accélérée à partir de l'été, près d'un facteur trois entre janvier et novembre 2021. Cette hausse s'explique notamment par une très forte demande en engrais en Chine et en Inde, mais aussi chez tous les autres grands producteurs agricoles en Europe ou en Amérique. L'accélération de la hausse à l'été 2021 est liée à la flambée des prix du gaz naturel à cette époque. Le coût de production des engrais azotés minéraux est directement lié au coût du gaz : le prix du méthane représente environ 70 % du prix de ces engrais. La France est importatrice d'engrais azotés : les besoins nationaux en engrais azotés d'origine minérale sont couverts à hauteur de 33 % par la production française et de 29 % par des pays de l'Union européenne (UE) (Belgique, Pays Bas, Roumanie, Pologne). Les 38 % restant proviennent de pays tiers, principalement la Russie, les États-Unis, l'Égypte, l'Algérie et Trinité-et-Tobago, surtout sous forme d'urée et de solutions azotées. Avec la disparition de plusieurs usines en France depuis 2007, la dépendance aux importations des pays tiers a plus que doublé en quinze ans. Tous les fabricants d'engrais européens dépendent des importations de gaz, dont l'UE est très tributaire. Face à la hausse des prix du gaz et au ralentissement de la demande dû aux niveaux de prix élevés, ces fabricants ont ralenti leur production, certaines usines ont même été arrêtées dans des certains pays voisins, contribuant à la diminution de l'offre et à la hausse des prix. La hausse des prix entraîne une position d'attente de la part de certains agriculteurs sur leurs achats d'engrais d'automne. Les besoins pour les apports d'engrais à réaliser au premier semestre 2022 sont ainsi moins bien couverts qu'habituellement à cette époque de l'année. Le risque de pénurie n'est pas avéré actuellement mais la situation du marché pourrait se tendre à l'approche des période d'épandages. En effet, le marché des engrais azotés fonctionne en flux tendu avec des stocks faibles du fait de la dangerosité de ces produits.  La forte hausse du prix des engrais a des conséquences directes sur les coûts de production des agriculteurs et plus particulièrement les producteurs des cultures fortement consommatrices d'engrais azotés comme les céréales ou le colza. Toutefois, la hausse générale du prix des matières premières et de la demande alimentaire mondiale se traduit aussi par une hausse des prix de céréales et des oléagineux qui ont atteint des records historiques. Cette hausse permet d'amoindrir l'effet négatif de l'augmentation des charges en engrais, mais ne permet pas aux producteurs de grandes cultures de profiter de l'embellie des prix des produits agricoles après plusieurs années de cours relativement bas. Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation est fortement mobilisé pour trouver des solutions en concertation avec les organisations professionnelles agricoles et celles du secteur des engrais. Plusieurs réunions avec l'ensemble de ces organisations ont été organisées dès le mois de novembre pour étudier les leviers mobilisables. Les moyens d'action sur le prix du gaz, fixés par la conjoncture mondiale et certains facteurs géopolitiques, sont quasi inexistants. Les importations d'engrais azotés dans l'UE sont frappées de droits de douanes ad valorem à hauteur de 6,5 % et, depuis 2019. La suspension temporaire de ces droits pourrait détendre partiellement le marché et favoriser l'approvisionnement des agriculteurs. Aussi le ministère de l'agriculture et de l'alimentation, avec d'autres ministres européens, a porté une demande auprès de la Commission européenne, lors du conseil agricole du 11 novembre 2021, pour revoir temporairement ces tarifs douaniers. Le Gouvernement ne soutient toutefois pas les demandes visant à lever les droits anti-dumping imposés aux importations en provenance de Russie, des États-Unis et de Trinité-et-Tobago, qui se situent entre 20 et 40 euros par tonne selon les origines, qui répondent à d'autres enjeux et participent à la défense commerciale de l'UE. Sur la question de l'organisation des livraisons début 2022, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation a confié à Intercéréales, l'interprofession reconnue de la filière céréalière, la mission de rassembler toutes les informations sur la localisation des disponibilités et de la demande et sur le calendrier prévisible des flux. Le sujet est partagé avec le ministre délégué chargé des transports, pour étudier les mesures réglementaires qui pourraient être prises temporairement pour faciliter les flux de livraisons d'engrais. Les directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt ont par ailleurs été chargées de conduire au niveau local des réunions avec les parties prenantes pour évaluer les difficultés territoriales d'une part, mais surtout, d'autre part, accélérer la diffusion des bonnes pratiques connues en matières de fertilisation. Au niveau international, au-delà des demandes portées au niveau européen, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation a porté et obtenu auprès de la FAO l'organisation de tables rondes associant l'ensemble des acteurs concernés, qui pourra aboutir à la publication d'un rapport et de recommandations sur la situation du marché et les impacts sur la sécurité alimentaire mondiale. À plus long terme des réflexions sont engagées pour augmenter la résilience de l'agriculture française. En premier lieu, l'amélioration de la fertilisation azotée passe par des leviers agronomiques comme l'optimisation des apports par le développement des outils d'aide à la décision ou les équipements pour l'agriculture de précision ou encore par la sélection de variétés moins demandeuses d'azote. La substitution des engrais minéraux par des engrais organiques, dont l'offre nationale est abondante, permettra aussi de réduire la dépendance française. L'État a notamment soutenu les investissements dans du matériel d'épandage de précision, dans les exploitations agricoles avec le volet agricole du plan France Relance. Une réflexion plus générale sur les raisons de la délocalisation des industries des engrais depuis plusieurs années doit aussi être engagée. Enfin, des recherches et des expérimentations sont en cours sur la modification des procédés industriels de fabrication des engrais en vue de remplacer le gaz naturel par l'hydrogène et moins dépendre des importations. L'État s'est résolument engagé dans cette direction avec l'objectif de devenir un des leaders de la production d'hydrogène vert inscrit dans le plan France 2030.

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