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Christophe Jerretie
Question N° 4604 au Ministère de l'économie


Question soumise le 23 janvier 2018

M. Christophe Jerretie attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur la moralisation bancaire et la séparation des activités bancaires au sein des banques. Il est apparu au cours de nombreuses études qu'associer prêts et marchés dans un même établissement bancaire entraînait un développement excessif des activités d'investissement. La Banque centrale européenne (BCE) s'est récemment inquiétée du risque pour la zone euro de la rapide hausse des crédits au secteur privé en France. Aussi, il lui demande de bien vouloir indiquer si le Gouvernement entend modifier les règles régissant le fonctionnement du secteur bancaire, dans le sens d'une séparation des activités d'affaire et de marchés d'une part et de collecte des dépôts d'autre part.

Réponse émise le 8 mai 2018

La réduction du risque que représentent les activités bancaires pour la stabilité financière doit d'abord s'appuyer sur les enseignements de la crise, parmi lesquels deux points semblent particulièrement pertinents pour répondre à la question soulevée. D'une part, la crise a bien montré qu'aucun modèle de banque n'a été à l'abri des difficultés : les grandes comme les petites (par exemple, les cajas espagnoles étaient des banques de petites tailles mais qui ont toutes été mises en difficulté simultanément par l'explosion de la bulle immobilière) ; les banques d'investissement (Lehman Brothers, Bear Sterns…) comme les banques de détail (Northern Rock par exemple). Dans cette période de turbulence, force est de constater que le modèle français de banque universelle, associant banque de détail et activités de marché au sein d'un même établissement, a globalement bien résisté, réduisant l'impact de la crise financière sur l'économie réelle. D'autre part, la faillite de Lehman Brothers a mis en évidence le fait que, même « pure » et parfaitement séparée de toute activité de détail, une banque d'investissement, présente sur les marchés financiers, est systémique dès lors qu'elle est inévitablement interconnectée au reste de l'économie. Il est d'ailleurs remarquable de constater qu'aux Etats-Unis, où subsistaient avant la crise de nombreux acteurs d'investissement purs, la plupart de ces acteurs n'ont pas résisté à la crise et ont dû être soutenus par les pouvoirs publics. Il est tout aussi symptomatique que dans la plupart des cas la résolution de la crise suscitée par leur déstabilisation ait reposé sur leur adossement à une banque de dépôts. La séparation large des activités de dépôts et de crédit aux personnes physiques et aux petites et moyennes entreprises et entreprises de tailles intermédiaires (PME/ETI) d'une part, et des autres activités de financement d'autre part, n'aurait donc pas réglé la question et n'aurait pas permis de limiter efficacement les risques pris par les banques. Une telle séparation aurait par ailleurs eu des conséquences très problématiques, car elle aurait remis en cause la capacité des banques françaises à fournir un éventail large de services financiers aux entreprises, les entités de marché séparées n'étant vraisemblablement pas viables si elles devaient être autonomes. A minima, elle aurait provoqué à terme la sortie de la plupart des établissements et la concentration des activités de banque d'investissement en Europe. Ce sont donc uniquement vers des banques étrangères (notamment les banques étrangères « non séparées ») que les entreprises françaises et européennes auraient dû se tourner. Un tel scénario est résolument à écarter, tant il est essentiel de permettre aux entreprises françaises de trouver, auprès de leurs banques, les services dont elles ont besoin pour se développer, investir ou couvrir leurs risques lorsqu'elles exportent. Il est donc indispensable de préserver une offre de proximité en cohérence avec l'accompagnement du développement des entreprises pour réussir à faire grandir et grossir nos PME et nos ETI. Il est d'autant plus nécessaire de préserver cette capacité des banques françaises à être une interface pour nos entreprises sur les marchés de capitaux que ces derniers vont jouer un rôle croissant dans les années à venir pour le financement de notre économie, à mesure que se développe le financement direct par les marchés. Il importe cependant que les activités de marchés des banques françaises soient surveillées et encadrées, afin qu'elles ne mettent pas en péril la sécurité des déposants et qu'elles soient bien tournées vers des activités qui concourent au financement de l'économie. Dans ce contexte, le dispositif introduit par la loi de séparation et de régulation des activités bancaires repose sur une approche pragmatique, qui permet de répondre efficacement aux problèmes identifiés tout en tirant tous les enseignements de la crise. Ainsi, la loi française préserve la capacité des banques à accompagner la croissance des entreprises et l'activité de tenue de marché, essentielle à la liquidité des marchés financiers, mais impose de séparer les activités spéculatives que les banques mènent pour leur propre compte et pour leur seul profit. Ces activités, aujourd'hui beaucoup plus limitées qu'elles ne l'étaient à la veille de la crise, ont concentré le gros des pertes que les banques françaises ont essuyé sur les marchés financiers. Les établissement qui les pratiquent encore ont dû les cantonner dans une filiale ad hoc, isolée de la maison-mère pour qu'en cas de difficultés, les pertes que pourrait connaitre la filiale ne puissent mettre en danger la maison mère. Enfin, soulignons qu'une série de réformes importantes du système financier ont été adoptées au niveau international à la suite de la crise qui ont grandement amélioré la résilience de nos banques. La France demeure mobilisée au niveau international et européen pour mettre en œuvre les réformes du système financier et bancaire en particulier, visant à réduire les vulnérabilités mises en évidence par la crise. Le Gouvernement est particulièrement actif dans ces enceintes afin que soit adoptée une démarche équilibrée permettant de préserver la stabilité financière comme la capacité des banques à financer l'économie.

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