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Éric Diard
Question N° 4678 au Ministère de la justice


Question soumise le 23 janvier 2018

M. Éric Diard attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur sa volonté de mettre en place des téléphones fixes dans l'ensemble des cellules des prisons en France, pour des motifs de « lutte contre le trafic de téléphones portables » et de « facilitation de la réinsertion ». Il souhaite attirer son attention sur l'inutilité, voire la dangerosité, d'une telle décision. Équiper 50 000 cellules de lignes fixes pour lutter contre le trafic de téléphones portables revient à un gaspillage de moyens considérable. Les détenus ne se satisferont évidemment pas de l'installation de téléphones fixes ne leur permettant de communiquer qu'à quatre numéros pré-enregistrés, préalablement validés par un juge, et n'offrant pas la possibilité de se rendre en toute illégalité sur internet. Il lui demande si elle a, à l'heure actuelle, une estimation, ou une première évaluation du coût de cette mesure. L'estimation ne doit évidemment pas se limiter au coût d'installation des téléphones, mais doit également prendre en compte celui de leur entretien, ainsi que le risque de détérioration du matériel par les détenus : le bris de téléphone par protestation n'est pas à exclure. La lutte contre ce trafic ne doit pas s'arrêter. Les téléphones portables sont un lien dangereux entre les détenus et la société extérieure. C'est ainsi que les criminels continuent d'entretenir leurs réseaux, et, surtout, que les individus ont accès à la radicalisation islamique par internet. L'installation de téléphones fixes n'y changera rien, sinon d'offrir des moyens de pression supplémentaires des détenus endurcis sur les plus faibles, comme par exemple le racket, comme vous l'ont signalé des syndicats d'agents du service pénitentiaire. Ces sommes que Mme la ministre envisage de dépenser ainsi seraient sans-doute mieux employées dans l'amélioration des conditions de travail des agents pénitentiaires. Il ne faut pas oublier non plus que l'amélioration de leurs conditions de travail sera, par-là même, automatiquement suivie d'une amélioration des conditions de vie des détenus. L'utilisation de ces moyens serait donc bien plus efficace, et c'est pourquoi il lui demande de revoir sa position quant à sa décision.

Réponse émise le 17 juillet 2018

La sécurité dans les établissements pénitentiaires et pour leurs personnels est une priorité pour le ministère de la Justice, et en particulier la lutte contre l'introduction, le trafic et l'usage de téléphones portables en détention. L'installation de téléphones filaires s'inscrit dans une stratégie globale en matière de téléphonie : brouillage des portables, accès facilité aux téléphones fixes, sécurisation périmétrique des établissements. Le déploiement des téléphones en cellules doit permettre non seulement de lutter contre les trafics de téléphones portables en détention mais aussi de diminuer considérablement les risques inhérents aux mouvements des personnes détenues hors des cellules en limitant les déplacements sur les coursives. Il est utile de rappeler que l'accès des détenus à la téléphonie est un droit prévu par l'article 39 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 mais aujourd'hui limité à l'accès à des cabines téléphoniques situées en coursives et en cours de promenade : il est donc notamment contraint par les temps autorisés en dehors de la cellule, peu compatibles avec les plages horaires pendant lesquelles les proches des détenus sont joignables. Cette situation alimente les trafics de téléphones portables en détention. L'installation de la téléphonie en cellules a fait l'objet d'une expérimentation depuis l'été 2016 au centre de détention de Montmédy, avec des conditions de sécurité adaptées : appels autorisés uniquement vers des numéros préalablement déclarés et communications systématiquement enregistrées. Ce test s'est révélé concluant à plusieurs égards : gain significatif sur la gestion de la détention, notamment lié à la diminution de mouvements, amélioration du contrôle des communications passées, baisse des coûts des communications facturés aux détenus, hausse des communications passées, baisse des trafics (- 10 % de saisies), etc. C'est pourquoi la direction de l'administration pénitentiaire a décidé de généraliser ce dispositif à travers une concession de service public : ce montage juridique permettra à l'État de ne pas supporter les coûts d'investissement et de maintenance de l'infrastructure et des équipements associés, le futur concessionnaire prenant à sa charge les risques financiers et se rémunérant sur les communications passées par les détenus. L'installation des téléphones filaires en cellule n'aura donc aucun impact sur les finances publiques. Dans le même temps, s'agissant du brouillage, la direction de l'administration pénitentiaire a conclu un marché de service qui inclut non seulement le déploiement et la maintenance de brouilleurs efficaces pour toutes les fréquences d'émission commerciales actuelles, mais également leur évolution tout au long du marché de sorte qu'ils ne deviennent pas rapidement caducs dans le contexte d'évolution permanente des technologies de communication (par exemple avec le déploiement de la 5G). Cette approche s'inscrit dans une logique de sécurisation des détentions indispensable face à l'accroissement des saisies de matériels illicites (35 997 téléphones et accessoires découverts en 2017). Le marché a été attribué en décembre 2017 pour une durée de six ans. Les établissements les plus sensibles seront dotés en priorité, avec l'objectif d'équiper l'essentiel des établissements sensibles dans les délais du marché et le budget imparti sur le quinquennat.

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