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Olivier Faure
Question N° 4847 au Ministère du travail


Question soumise le 30 janvier 2018

M. Olivier Faure attire l'attention de Mme la ministre du travail sur les risques sociaux que fait peser sur les salariés le nouveau dispositif de départs volontaires dit de rupture conventionnelle collective, créé par les ordonnances travail. Lors de l'examen parlementaire des ordonnances travail, pour justifier l'intérêt de ce nouvel outil, le Gouvernement a indiqué vouloir en finir avec le « traumatisme du licenciement ». Plutôt que d'en finir avec celui-ci, le Gouvernement et sa majorité ont ajouté de l'angoisse et du stress au traumatisme : les salarié.e.s auront encore plus le sentiment de vivre avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Et ce sentiment est déjà ressenti par des centaines de salarié.e.s. C'est malheureusement le cas pour celles et ceux de l'entreprise Pimkie. Début janvier 2018, la direction a présenté son projet de rupture conventionnelle collective qui concernait 208 salarié.e.s. Grâce à la mobilisation rapide des organisations syndicales et des élu.e.s, la direction a abandonné son projet. Un plan de départ volontaire a toutefois été élaboré. L'appétence des employeurs pour la rupture conventionnelle collective et l'actualité récente sont la triste démonstration des craintes que le groupe Nouvelle Gauche avait exprimées à l'Assemblée nationale pendant les débats parlementaires : la rupture conventionnelle collective permet de contourner les obligations auxquelles l'employeur est soumis en cas de PSE, à savoir son obligation de reclassement. Il prive même les salariés concernés du contrat de sécurisation professionnelle et constitue une perte de pouvoir d'achat puisque la personne est privée d’une indemnisation plus avantageuse pendant un an et ne dispose pas du suivi renforcé prévu pour les demandeurs d'emploi victimes d'un licenciement économique. De plus, cet outil est une formidable trappe à séniors: les employeurs préfèrent recourir à la rupture conventionnelle collective pour réembaucher des salariés plus jeunes et moins chers plutôt qu'investir dans la formation des personnels « seniors ». La majorité a donc développé un « accélérateur du licenciement » qui montre bien son attachement à la facilitation des départs plutôt qu'au maintien dans l'emploi. Après avoir dénoncé cette tentative de passage en force, les syndicats de l'entreprise Pimkie craignent un plan social déguisé qui devraient s'étendre à l'ensemble des enseignes du groupe auquel elles appartiennent, comme le laisse entendre le regroupement d'intérêt économique intitulé « Fashion 3 ». Plusieurs centaines de salarié.e.s pourraient ainsi être concerné.e.s et ce alors même que les résultats de l'entreprise en France sont en hausse. Car se sont bien les résultats à l'international qui ne sont pas bons et sur lesquels la direction s'appuie pour licencier. Dans ses ordonnances, c'est au nom de l'emploi que la ministre a instauré un périmètre national d'appréciation des difficultés économiques considérant qu'il était absurde de regarder la situation financière d'une entreprise au niveau mondial. Ce même raisonnement est, sans nul doute, applicable au cas qui nous intéresse ici en considérant qu'il serait absurde de regarder les diffcultés rencontrées ailleurs pour justifier des licenciements ici ! C'est pourquoi il souhaite connaître sa position tant sur la situation rencontrée par l'entreprise Pimkie que sur les suites que le Gouvernement entend donner aux risques que fait peser ce nouvel outil sur les salarié.e.s français.e.s.

Réponse émise le 27 février 2018

L'ordonnance no 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail a créé un nouveau dispositif de restructuration à froid pour les entreprises : la rupture conventionnelle collective. Celle-ci est venue prendre en compte un phénomène croissant dans les entreprises : le recours de plus en plus important aux plans de départs volontaires (PDV) qui représentaient 13 à 15% des plans de sauvegarde de l'emploi (PSE), soit près d'une centaine par an. Or les plans de départs volontaires étant assimilés à des PSE, les entreprises doivent suivre pour cela toute la procédure PSE. Les ordonnances permettent donc à l'employeur, qui envisage des suppressions de postes fondés uniquement sur le départ volontaire de salariés, de se mettre d'accord, par accord majoritaire collectif avec les représentants des salariés organisations syndicales, sur une procédure assouplie, qui conduit aux départs volontaires. Cet accord majoritaire est, par ailleurs, soumis à la validation des services de l'Etat. Vous citez le cas de l'entreprise PIMKIE qui, en fin d'année 2017, a annoncé son intention de mettre en œuvre une rupture conventionnelle collective. Or, comme vous le rappelez, les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise ont refusé que le projet de l'entreprise s'inscrive dans le cadre de ce nouveau dispositif. C'est bien un facteur de sécurisation de la rupture conventionnelle collective qui ne peut, comme le rappelle l'article L. 1237-19 du code du travail, être mise en œuvre que par la voie d'un accord collectif avec les organisations syndicales représentant la majorité des salariés dans une entreprise. Vous indiquez que le nouveau dispositif ne permet pas au salarié qui quitterait l'entreprise dans ce cadre de bénéficier du contrat de sécurisation professionnelle. Pourtant, comme le rappelle l'article L. 1237-19-1, l'accord, négocié entre l'employeur et les organisations syndicales représentatives, doit prévoir des « mesures visant à faciliter le reclassement externe des salariés sur des emplois équivalents, telles que des actions de formation, de validation des acquis de l'expérience ou de reconversion ou des actions de soutien à la création d'activités nouvelles ou à la reprise d'activités existantes par les salariés ». Il s'agit d'une liste non exhaustive des mesures possibles : l'employeur peut donc tout à fait mettre en place des dispositifs d'accompagnement inspirés du congé de reclassement ou du CSP. La loi de ratification prévoit par ailleurs que le congé de mobilité, autre dispositif d'accompagnement et de reclassement, pourra être négocié dans le cadre de l'accord portant rupture conventionnelle collective, permettant de bénéficier de dispositifs fiscaux et sociaux avantageux. Par ailleurs, le contrat de sécurisation professionnelle s'adresse avant tout à des salariés licenciés dans le cadre de procédures collectives, quand l'entreprise est en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire et,  plus largement aux salariés licenciés pour motif économique dans les entreprises de moins de 1000 salariés. Or, le principe sur lequel repose la rupture conventionnelle collective n'est pas le licenciement contraint mais le départ volontaire dans le cadre d'une rupture amiable du contrat de travail. Rendre le contrat de sécurisation professionnelle obligatoire dans ce cadre reviendrait à mettre sur le même plan deux modalités de rupture du contrat de travail très différentes. Vous supposez également que la rupture conventionnelle collective sera utilisée par les employeurs pour encourager le départ de leurs salariés seniors afin de les remplacer par des salariés jeunes. Toutefois je vous rappelle que la prohibition de toute discrimination, notamment à raison de l'âge, est une règle d'ordre public qui fera l'objet d'une attention toute particulière des DIRECCTE chargées du contrôle et de la validation des accords portant rupture conventionnelle collective. Ainsi, les critères de sélection des candidats aux départs et leur absence de caractère discriminatoire au sens de l'article L. 1132-1 du code du travail feront l'objet d'un examen attentif des services de l'Etat qui ne valideront pas un accord ne comportant que le versement d'indemnités de départ visant des salariés sélectionnés sur le seul critère de l'âge ou de l'ancienneté. La rupture conventionnelle collective, fondée sur un accord signé par des organisations syndicales majoritaires, validé par les services de l'Etat, représente donc bien un progrès dans la gestion des compétences et des parcours professionnels. Enfin, vous appelez mon attention sur l'instauration du périmètre national d'appréciation des difficultés économiques. L'appréciation internationale des difficultés économiques, d'origine jurisprudentielle, était une spécificité française qui, loin de préserver l'emploi sur le territoire national, a découragé les investissements de multinationales en France, réduisant fortement l'attractivité de notre pays. De plus, d'un point de vue pratique et opérationnel, il peut être parfois impossible pour l'employeur de réunir dans les délais toutes les informations économiques de l'ensemble du groupe, surtout à l'international. Or la priorité doit aller non au contentieux sur le périmètre du motif économique mais à la mobilisation de tous les leviers pouvant être actionnés en cas de difficultés économiques avérées, afin d'accompagner les salariés concernés d'une part, et d'éviter l'aggravation de ces difficultés pouvant menacer davantage l'emploi d'autre part. Le critère géographique national fait partie intégrante de cet objectif de sécurisation, en apportant des solutions aux trop nombreuses difficultés rencontrées en pratique, lorsque la difficulté économique devait être caractérisée sur une échelle mondiale. L'objectif du gouvernement est d'instaurer plus de lisibilité et de transparence dans l'appréciation de la cause économique du licenciement, qui détermine la licéité de la procédure de licenciement pour motif économique.

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