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Josette Manin
Question N° 4930 au Ministère de l'agriculture


Question soumise le 30 janvier 2018

Mme Josette Manin attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur les problématiques liées à la chlordécone dans l'agriculture dans les Antilles françaises. Pesticide utilisé intensivement dans les bananeraies pendant plus de 20 ans en Guadeloupe et en Martinique, elle a empoisonné durablement les sols, les rivières et les espaces marins de ces deux territoires. Plusieurs études démontrent que ce produit provoque des cancers de la prostate, des naissances prématurées, des maladies touchant des personnes âgées - dans des territoires qui connaissent un vieillissement démographique accéléré - et bien d'autres maladies. Cependant, fin 2017, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) a considéré « peu pertinent un abaissement des limites maximales de résidus de la chlordécone » dans la viande et la volaille. Elle a estimé que ce sont les produits des circuits informels qui sont responsables de la présence du fort taux de chlordécone dans l'alimentation. Cela interpelle plusieurs administrés qui ont visionné un reportage de Martinique 1ère, le 16 janvier 2018. Celui-ci révèle que 92 % des personnes testées en Martinique sont contaminées par ce produit et 19 % des enfants testés dépassent la dose toxique. Les éléments provenaient de l'enquête Kannari - lancée en 2011 et dont l'ANSES est une des parties prenantes. Alors comment expliquer le lien entre la contamination à la chlordécone et le circuit informel d'alimentation ? Malheureusement, cette étude, terminée depuis un an et demi, n'est pas accessible au public dans son entièreté. Elle lui demande s'il peut prendre les dispositions nécessaires afin que tous les éléments et résultats de cette enquête soit accessibles. Cela permettrait à la responsabilité nationale de faire la lumière sur toute cette affaire.

Réponse émise le 26 juin 2018

Les produits à base de chlordécone ont été utilisés pour lutter contre le charançon du bananier dans les Antilles de 1972 à 1993. Malgré l'interdiction de son utilisation depuis plus de 20 ans, la chlordécone se retrouve toujours dans les sols et dans les eaux du fait de sa forte stabilité, et pollue aujourd'hui encore environ 21 000 ha de terres dans les Antilles. Par son ampleur et sa persistance, cette pollution constitue un enjeu sanitaire, environnemental, agricole, économique et social majeur en Martinique et en Guadeloupe. Face à ce constat, l'État a mis en place des plans nationaux d'actions successifs : le premier de 2009 à 2010, le second de 2011 à 2013 et le troisième actuellement en cours depuis 2014 et jusqu'en 2020. La chlordécone est un produit liposoluble. Aussi, la directive 220/63/CE prévoit de réaliser des analyses en vue des contrôles officiels sur la graisse. Les résultats des analyses sont ensuite comparés aux limites maximales de résidus (LMR). Ces valeurs sont déterminées, à l'exception des produits de la pêche par le règlement 396/2005 modifié et pour les denrées d'origine végétale par le règlement 149/2008 et les denrées d'origine animale par le règlement 839/2008. Les LMR dans les denrées ont été modifiées, en 2013, par la publication du règlement 2012/2013 qui a eu pour effet d'exprimer les LMR de pesticides liposolubles fixées pour les denrées carnées en mg/kg de poids frais alors qu'elles étaient précédemment exprimées en mg/kg de matière grasse. Cette modification a concerné les muscles, foies, reins et abats uniquement. En revanche, la LMR pour la graisse est restée inchangée. Par conséquent, la LMR graisse et les prescriptions relatives aux contrôles, modalités de prélèvement et analyses ainsi que les mesures de gestion, n'ont pas été modifiés depuis 2005, puisque les contrôles officiels restent réalisés sur la graisse dont la LMR n'a pas été modifiée. La modification de 2013 n'a eu donc aucune conséquence sur les contrôles officiels et les suites données à ces contrôles en matière de protection du consommateur. Les autorités françaises ont saisi la Commission européenne sur le sujet, laquelle a confirmé cette position. Néanmoins, en réponse aux fortes préoccupations exprimées par la population concernant les effets de la pollution par la chlordécone, l'État a saisi l'agence nationale de sécurité des aliments, de l'environnement et du travail (Anses) pour, d'une part, disposer d'une actualisation des données d'exposition à la chlordécone des populations antillaises, et d'autre part, évaluer le caractère protecteur de la LMR en vigueur. L'avis et le rapport relatifs à cette saisine ont été publiés le 6 décembre 2017. Ils sont disponibles sur le site de l'Anses (https://www.anses.fr/fr/system/files/ERCA2014SA0029Ra.pdf). Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation attire l'attention sur le corrigendum publié par l'Anses le 31 mai 2018 qui mentionne l'absence de changement de LMR. L'avis scientifique de l'Anses conclut que la majeure partie de l'exposition de la population à la chlordécone est liée à la consommation de produits issus de circuits informels qui, par définition, ne sont soumis à aucun contrôle du respect de la LMR. L'Anses note que « l'approvisionnement par des circuits informels (autoproduction, dons, bords de route) entraîne une exposition supérieure à celle apportée par les modes d'approvisionnement en circuits contrôlés (grandes et moyennes surfaces, marchés, épiceries) ». La consommation de denrées produites en zone contaminée « peut entraîner des surexpositions pour les populations ne respectant pas les recommandations actuelles de consommation, à savoir de ne pas consommer plus de quatre fois par semaine des produits de la pêche et ne pas consommer de produits de pêche en eau douce », ajoute l'Anses, qui préconise « d'étendre ces recommandations à d'autres denrées » comme les œufs. L'Anses considère par ailleurs que les LMR actuellement en vigueur « apparaissent protectrices ». Elle conclut que « les individus s'approvisionnant majoritairement en circuits contrôlés, qui garantissent le respect des LMR, ne sont pas exposés à des dépassements de la valeur toxicologique de référence ». Sur la base de cet avis, il s'avère essentiel de mieux sensibiliser la population à la nécessité de s'approvisionner en denrées issues de circuits contrôlés. C'est pourquoi, des actions de communication engageant les consommateurs à se fournir dans ces circuits officiels seront déployées prochainement. En outre, parce qu'une partie des denrées consommées provient de l'auto-production, le programme « Jafa » qui permet le diagnostic des jardins familiaux sera développé et les données de cartographie des zones polluées publiées.

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