Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Bénédicte Taurine
Question N° 5323 au Ministère de la transition écologique et solidaire


Question soumise le 13 février 2018

Mme Bénédicte Taurine interroge M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur le récent rapport de la Cour des comptes traitant des compteurs communicants dits « Linky ». Le projet de modernisation des compteurs électriques est porté par l'entreprise Enedis (ex-ERDF, filiale à 100 % d'EDF) qui gère 95 % du parc de compteurs basse tension (pour une puissance inférieure à 36 kVA) c'est-à-dire l'équivalent de 39 millions de compteurs électriques de particuliers et de professionnels. L'objectif avancé était celui d'une amélioration de la qualité de la facturation et une économie d'énergie pour les usagers mieux informés sur leur consommation. Or le récent rapport datant du 7 février 2018 juge que le projet de compteurs Linky profite avant tout à Enedis et ne répond pas suffisamment aux besoins des consommateurs. Tout d'abord, du point de vue des usagers, les bénéfices ne paraissent pas justifier un tel investissement (5,7 milliards d'euros sur dix ans). Enfin, le rapport note une « rentabilité économique médiocre » sur la seule question de la distribution et conclut que « les gains que les compteurs intelligents peuvent apporter aux consommateurs sont encore insuffisants ». Ensuite, l'argument d'une meilleure information au consommateur lui permettant de rationaliser sa consommation s'avère également insuffisant. De fait, sur les 8 millions de compteurs installés, seulement 1,5 % de ces usagers ont ouvert un compte pour connaître leur consommation. La réduction de la consommation et de la facture des usagers est donc très largement insuffisante face aux importants coûts générés par l'opération. À l'inverse - et c'est le deuxième point soulevé par le rapport de la Cour des comptes - ce programme représente pour Enedis un gain considérable reposant sur deux mécanismes. D'une part, les 5,7 milliards d'euros du projet seront financés par un tarif différé. En analysant le détail de la construction de ce tarif la Cour des comptes révèle que les usagers, en plus de rembourser l'ensemble du programme, apporteront un bénéfice de 500 millions d'euros à Enedis. Ce programme constitue donc un coût supplémentaire sur la facture des usagers non pas au bénéfice de ces derniers mais au profit d'Enedis. Enfin, ce projet reste très controversé et suscite la colère de nombreux collectifs et associations de consommateurs (UFC-Que choisir, notamment). Les manques en matière d'information et de garantie quant aux dangers pour la santé ou sur les données personnelles sont également soulignés par le rapport du 7 février 2018. En somme, ce projet présente un montage financier contraire à la logique de l'intérêt général et ne garantit pas suffisamment le droit à l'information et au refus d'installation des compteurs pour les concitoyens. L'État est actionnaire à hauteur de 85,6 % d'EDF et a donc une marge de manœuvre considérable sur ce programme. Le rapport de la Cour des comptes appelle une réponse franche et rapide de la part du Gouvernement. Elle lui demande quelle mesure il compte entreprendre pour garantir l'intérêt général et donner aux usagers les moyens de décider du bien-fondé de ce compteur.

Réponse émise le 28 août 2018

La directive de 2009 sur le marché intérieur de l'électricité fixe des objectifs ambitieux de déploiement de compteurs communicants, visant à équiper 80 % des foyers de tels dispositifs d'ici à 2020. À la suite d'une phase d'expérimentation portant sur le déploiement de 300 000 compteurs dans les régions de Tours et de Lyon, la commission de régulation de l'énergie (CRE) a procédé en 2011 à une évaluation favorable du dispositif. Les pouvoirs publics ont donc décidé de procéder à la généralisation du déploiement des compteurs communicants sur l'ensemble du territoire national avec le déploiement de 36 millions de compteurs prévu entre 2016 et 2021. Plus de 11 millions de compteurs étaient installés mi-2018, soit environ un tiers du programme et environ 30 000 compteurs sont installés chaque jour. Linky doit jouer un rôle central dans la maîtrise de la demande d'énergie. Plusieurs études ont notamment montré qu'avec un accompagnement et une connaissance précise de ses consommations, il est possible de réduire jusqu'à 8 % ses consommations d'électricité. Le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, a récemment appelé l'ensemble des acteurs à se mobiliser tout particulièrement sur ce volet, par une meilleure communication et une meilleure information, notamment lors de la pose des compteurs. ENEDIS devra en particulier proposer un document explicatif type sur la maîtrise de l'énergie à remettre au moment de la pose du compteur. De nouvelles modalités d'accès aux données de consommation doivent être développées (internet, applications pour téléphone mobile…) afin de permettre un accès plus facile aux données pour les consommateurs qui le souhaitent. Concernant les effets sanitaires, plusieurs études ont été réalisées par l'agence nationale des fréquences (ANFR) et l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) et montrent que les niveaux d'exposition sont très inférieurs aux normes réglementaires. Des campagnes de mesures de l'exposition aux ondes électromagnétiques ont en effet été menées en 2016 et 2017 par l'institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS), le centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) et l'ANFR sur des compteurs en laboratoire et installés dans des logements. Ces mesures ont montré que les compteurs produisent un champ électromagnétique faible et très inférieur aux valeurs limites réglementaires. De plus, le niveau d'exposition décroît très rapidement avec la distance au compteur ou le long du circuit électrique à l'intérieur d'une habitation. Les mesures en laboratoire réalisées par l'ANFR montrent que le champ magnétique à 30 cm du compteur Linky est du même ordre de grandeur que celui d'un chargeur d'ordinateur et près de trois fois inférieur à celui d'un écran TV. Le champ électrique à 30 cm du compteur Linky est similaire à celui des anciens compteurs, comparable à celui d'un écran TV et 10 fois moindre que celui d'une lampe fluorescente compacte. En juin 2017, l'Anses a rendu public son rapport d'expertise sur l'exposition de la population aux champs électromagnétiques émis par les "compteurs communicants". Les principaux enseignements de cet avis sont : - que les niveaux d'exposition générés par les compteurs communicants sont très faibles par rapport aux valeurs réglementaires, et sont comparables à ceux émis par les dispositifs électriques ou électroniques domestiques (écrans TV, perceuse électrique sans fil…) ; - qu'il est peu probable que l'exposition aux ondes émises puisse engendrer des effets sanitaires à court ou long terme. Le ministre de la transition écologique et solidaire a néanmoins demandé à ENEDIS d'être particulièrement attentif aux personnes électrosensibles. Depuis le 6 juin, le dispositif national de surveillance et de mesure des ondes géré par l'ANFR a évolué et permet à tout citoyen de faire gratuitement mesurer son exposition associée à des objets communicants fixes comme le compteur Linky. L'Anses poursuivra ses études sur les évolutions à venir du compteur afin de continuer à mesurer ses impacts sur les utilisateurs. Concernant la protection des données, toutes les dispositions réglementaires sont en place pour garantir la confidentialité des données de tous les utilisateurs. L'accord du consommateur est ainsi une condition préalable à toute collecte par le gestionnaire de réseau ou à toute transmission à des tiers. Les conditions ne sont cependant pas toujours claires pour les consommateurs qui ne savent pas à quoi ils s'engagent. Le ministre a demandé, lors d'une réunion avec l'ensemble des parties prenantes, le 26 juin dernier, aux fournisseurs et à ENEDIS de revoir leur communication sur le sujet, afin de faire preuve de la plus grande transparence et de plus de pédagogie. Concernant le financement, qui a été critiqué par un rapport de la Cour des comptes, le ministre a souhaité qu'un travail soit engagé avec la CRE et ENEDIS pour envisager les possibilités d'évolution des modalités de rémunération de l'opérateur, en particulier de celles liées à l'avance de trésorerie consentie par ENEDIS au regard de l'évolution des taux d'intérêt. Il est de la responsabilité des pouvoirs publics de rémunérer au juste niveau ENEDIS pour ce déploiement industriel de grande ampleur, tout en garantissant les intérêts du consommateur.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.