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Marie Lebec
Question N° 5670 au Ministère de la justice


Question soumise le 20 février 2018

Mme Marie Lebec attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les conditions de retrait d'une société d'attribution d'un bien immobilier en jouissance à temps partagé. La loi du 24 mars 2014, relative à l'accès au logement et un urbanisme rénové, a apporté des modifications à la loi du 6 janvier 1986, relative aux sociétés d'attribution d'immeuble en jouissance à temps partagé, et a offert de nouvelles possibilités pour un associé de s'extraire d'une telle société. Ainsi, un associé souhaitant se retirer doit : faire valider sa demande de cession de parts par une décision unanime des associés lors d'une assemblée générale de la société ; faire entériner auprès d'un notaire ou faire valoir auprès des tribunaux un droit de retrait pour justes motifs ; attendre la dissolution de la société. Bien que ces dispositions permettent un retrait, il semble toujours complexe pour un associé, lié à des droits et obligations, de se retirer d'une société d'attribution. Réunir les associés en assemblée générale et valider cette demande à l'unanimité est difficile à obtenir ; faire valoir un droit de retrait auprès d'un notaire ou des tribunaux pour juste motifs reste compliqué à produire ; attendre la dissolution de la société n'est pas toujours envisageable. C'est pourquoi elle lui demande si les dispositions de la loi du 24 mars 2014 ont rempli leurs objectifs en facilitant les retraits pour les associés, ou, s’il est envisagé d'assouplir les justes motifs permettant de s'extraire d'une société d'attribution tout en sécurisant juridiquement les associés restant.

Réponse émise le 27 mars 2018

La participation à une société d'attribution est un mode d'acquisition de la jouissance d'un bien à temps partagé. Ces sociétés sont réglementées par les articles L. 212-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation et, plus particulièrement, par la loi no 86-18 du 6 janvier 1986 s'agissant des sociétés d'attribution d'immeubles en jouissance à temps partagé. Le retrait anticipé d'un associé, qui n'est pas propriétaire du bien, conduit à une rétrocession d'un droit de jouissance, avec rachat de parts par la société, contraire au principe interdisant à une société civile de détenir ses propres parts (BICC no 561 du 1er août 2002, annotation sous le no 833). Il doit donc demeurer exceptionnel, notamment afin de ne pas léser les intérêts des associés restants qui seront également amenés, après mise en œuvre de ce mécanisme, à supporter les charges des associés sortants. La loi no 2009-888 du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques a instauré un droit de retrait des associés à l'article 19-1 de la loi du 6 janvier 1986, soit après autorisation unanime des autres associés, soit par autorisation du juge pour justes motifs (sur le modèle de l'article 1869 du code civil).  L'article 19-1 mentionne « notamment » les hypothèses où un associé est bénéficiaire des minima sociaux ou perçoit une rémunération inférieure au salaire minimum interprofessionnel de croissance (ajouts de la loi ALUR), ou ne peut plus jouir du lot qui lui a été attribué du fait de la fermeture ou de l'inaccessibilité de la station ou de l'ensemble immobilier concerné. Si le retrait judiciaire ne peut pas être justifié par l'existence de simples convenances personnelles, la liste de l'article 19-1 n'est toutefois pas limitative et le juge conserve un pouvoir d'appréciation lui permettant d'autoriser des retraits au-delà des illustrations figurant dans ce texte. Le juge peut donc apprécier au cas par cas chaque situation, en tenant compte le cas échéant d'éléments de nature personnelle en fonction de leur gravité (ex. : état de santé d'un associé le privant de la jouissance ses droits), même si la possibilité de retrait doit demeurer très encadrée. En outre, depuis la loi ALUR no 2014-366 du 24 mars 2014 (article 50 V), une troisième possibilité de retrait, accordé de droit, s'offre à l'héritier lorsque les parts ou actions que l'associé détient dans le capital social lui ont été transmises par succession depuis moins de deux ans à compter de la demande de retrait formée par l'héritier ou les héritiers devenus associés qui se retirent et le représentant de la société (sans qu'il soit nécessaire de justifier d'un juste motif en dehors de cette circonstance). Les futurs associés bénéficient également d'une meilleure information en amont sur le fonctionnement de la société (objet du contrat, nature juridique des droits conférés à l'associé, faculté de rétractation etc.) depuis la loi no 2009-888 du 22 juillet 2009 précitée ayant transposé la directive 2008/122/CE relative à la protection des consommateurs sur certains aspects des contrats d'utilisation de biens à temps partagés (articles L. 224-80 et L. 224-73 du code de la consommation, respectivement sur les contrats visés et l'obligation précontractuelle d'information). De même, au stade de la gestion de la société, l'article 13 alinéa 5 de la loi du 6 janvier 1986 précitée permet à tout associé de solliciter, à tout moment, communication de la liste des noms et adresses des autres associés ainsi que la répartition des parts sociales et droits en jouissance qui y sont attachés, également dans un souci de protection des associés. Enfin, la dissolution anticipée de la société est toujours possible, à la majorité des deux tiers des voix des associés, en application de l'article 16 alinéa 2 de la loi du 6 janvier 1986. La réglementation actuelle réalise donc un équilibre satisfaisant entre la nécessité de permettre, dans certaines circonstances exceptionnelles, à un associé de se retirer de la société (ce qui permet d'éviter le risque de non paiement de charges par des associés dormants se désintéressant de leurs droits) et la préservation indispensable tant des intérêts des associés restants, dont les charges ne doivent pas être trop alourdies, que de la pérennité des sociétés concernées. La remise en cause de cet équilibre risquerait de mettre en péril certaines résidences de tourisme, d'avoir un impact néfaste pour les collectivités territoriales où elles sont implantées et de freiner le développement de l'offre touristique en France. Le Gouvernement n'envisage donc pas, en l'état, de modifier la réglementation en vigueur.

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