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Julien Borowczyk
Question N° 5991 au Ministère de l'intérieur


Question soumise le 27 février 2018

M. Julien Borowczyk appelle l'attention de M. le Premier ministre sur les justifications de la récente décision unilatérale de diminution de la vitesse maximale de 90 km/h à 80 km/h sur les routes départementales à double sens sans séparateur central. Tout d'abord, il est à noter que la majeure partie du réseau concerné n'est pas praticable en l'état à 90km/h au vu de son état, sa topographie et sa dangerosité jamais améliorée. De fait, les usagers empruntent ces routes à des vitesses réduites sans que la courbe de mortalité s'infléchisse pour autant. Par ailleurs, les gouvernements successifs ainsi que la sécurité routière insistent depuis de nombreuses années sur le fait que ce sont les dépassements de la vitesse limite qui génèrent le plus d'accidents corporels ou mortels. En cela, les contrôles automatisés ont permis un respect plus strict des limitations. Pour autant, on peut envisager une recrudescence des excès de vitesse sur la base d'une limitation abaissée. Dès lors, le remède semblerait pire que le mal avec une consigne mal comprise et donc mal interprétée. Enfin, en se basant sur la formule mathématique de Göran-Nilsson (référence de la sécurité routière) majorée d'un exposant 4,1 pour les accidents mortels sur routes départementales et en retenant un taux de 2 188 morts sur le réseau départemental en 2016, on retient les projections suivantes : 90 km/h = 2 188 morts, 85 km/h = 1 730 morts soit - 21 % de décès, 80 km/h = 1 349 soit - 38 % de décès, 75 km/h = 1 056 soit 52 % de décès, 70 km/h = 780 décès soit 64 % décès. En intégrant ces données sur un graphique, il est clairement établit que la diminution de la mortalité n'est pas proportionnelle à la baisse de la vitesse. En effet, l'infléchissement de la courbe du nombre de victimes est la plus évidente pour une baisse de vitesse de 5 km/h. La démonstration, excluant par ailleurs le sur-risque lié au dépassement des poids lourds. Si l'on prend en compte le rapport baisse de mortalité / fluidité du trafic, il apparaît donc évident et préférable de privilégier un passage à 85 km/h au lieu de 80 km/h pour plus d'efficience. En somme, la question est la suivante : au vu des chiffres cités ci-dessus et en l'absence d'explications scientifiques claires de la part de la sécurité routière, il lui demande de détailler les arguments factuels qui ont justifié la décision du passage à 80 km/h sur les routes départementales.

Réponse émise le 30 octobre 2018

Le Comité interministériel de la sécurité routière réuni le 9 janvier 2018 par le Premier ministre témoigne de la volonté du Gouvernement de sauver plus de vies sur nos routes et de poursuivre la politique volontariste et innovante déjà engagée en matière de sécurité routière. Le Gouvernement ne peut pas passer sous silence ceux qui ont été tués sur les routes métropolitaines et ultra-marines, comme il ne peut pas ignorer les 76 840 blessés en 2017 dont plus de 29 000 hospitalisés, qui pour certains garderont des séquelles toute leur vie. C'est bien pour réduire ces chiffres dramatiques qu'il a pris les mesures nécessaires. Lors du comité interministériel de janvier 2018, 18 mesures ont été décidées, parmi lesquelles la mesure n° 5 dont l'objet est de réduire la vitesse maximale autorisée hors agglomération. Ainsi, selon les termes du décret n° 2018-487 du 15 juin 2018 relatif aux vitesses maximales autorisées des véhicules, qui met en œuvre cette mesure, sur les routes bidirectionnelles sans séparateur central, la vitesse maximale autorisée est de 80 km/h à compter du 1er juillet 2018. Toutefois, sur les sections de routes comportant au moins deux voies affectées à un même sens de circulation et permettant ainsi le dépassement sécurisé des véhicules, la vitesse maximale autorisée est maintenue à 90 km/h et ce sur ces seules voies. La vitesse accroît tant l'occurrence des accidents – quelle que soit la cause - que leur gravité. La vitesse excessive ou inadaptée constitue la première cause de mortalité sur les routes françaises (31 %). En 2017, 3 684 personnes ont perdu la vie sur le réseau routier français. Les deux-tiers des accidents mortels (63 %), soit 2 156 personnes tuées, sont survenus sur le réseau routier hors agglomération et hors autoroute c'est-à-dire sur des routes bidirectionnelles qui étaient majoritairement limitées à 90 km/h. La mise en place d'une telle mesure a pour objectif d'épargner chaque année de nombreuses vies humaines ; les experts Goran NIELSSON et Rune ELVIK ont estimé qu'un abaissement de 1 km/h de la vitesse pratiquée se traduit par un gain de 100 vies sur une année. En réduisant la vitesse maximale autorisée de 10 km/h, il est espéré épargner 300 à 400 vies par an. La mesure permet en effet de diminuer l'impact de la vitesse, dans la mesure où elle contribue à l'anticipation des dangers et diminue les distances de freinage (la distance d'arrêt est de 57 mètres pour un véhicule roulant à 80 km/h contre 70 mètres pour un véhicule roulant à 90 km/h). Cet abaissement de la vitesse maximale autorisée à 80 km/h permettra en outre de fluidifier le trafic et de l'apaiser, avec des conséquences bénéfiques sur l'environnement (diminution des émissions de polluants). Le Premier ministre a instauré une clause de rendez-vous au 1er juillet 2020 afin d'étudier avec précision et objectivité l'impact sur l'accidentalité de cette expérimentation. A cet effet, une évaluation de cette expérimentation est mise en place portant tant sur l'évolution des vitesses moyennes pratiquées par les usagers que sur l'évolution des accidents et de la mortalité sur les routes bidirectionnelles concernées par la mesure. Le Gouvernement saura en tirer les conséquences. Entre le 1er juillet 2015 et le 1er juillet 2017, une expérimentation a été réalisée sur l'abaissement de la vitesse maximale autorisée (VMA) de 90 km/h à 80 km/h. Trois sections de routes nationales bidirectionnelles sans séparateur central étaient concernées, dans quatre départements : 18 kilomètres de la RN 7 entre Croze-Hermitage et Valence dans la Drôme, 22 kilomètres de la RN 151 dans la Nièvre et 33 kilomètres dans l'Yonne entre la Charité (58) et Auxerre (89) et 13 kilomètres sur la RN 57 entre Échenoz-le-Sec et Rioz dans la Haute-Saône. L'objectif de l'expérimentation était de mettre en évidence les effets de la baisse de la vitesse maximale autorisée sur les vitesses pratiquées par les usagers ; elle n'avait pas pour objet d'étudier le lien, déjà très documenté dans la littérature scientifique, entre la vitesse pratiquée et l'accidentalité. Les résultats de cette expérimentation, qui a consisté en sept campagnes de mesure portant sur plus de 6 millions de véhicules, ont permis de mettre en évidence une baisse moyenne de 4.7 km/h de la vitesse réelle pratiquée (baisse de 5.1 km/h pour les véhicules légers, baisse de 2.7 km/h pour les poids-lourds - qui sont déjà limité à 80 km/h), une baisse du différentiel des vitesses entre VL et PL (de 6.5 km/h à 4.1 km/h), une homogénéisation des vitesses pratiquées. Il a été également observé qu'il n'y avait pas d'augmentation du nombre de pelotons menés par un poids-lourd, ni de report de trafic significatif vers des itinéraires alternatifs. Le rapport final de cette expérimentation a été publié en janvier 2018 (disponible sur www.https://www.cerema.fr/fr/centre-ressources/boutique/experimentation-abaissement-vitesse-limite-autorisee-80-km/h).

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