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Fabien Di Filippo
Question N° 6119 au Ministère de l'économie


Question soumise le 6 mars 2018

M. Fabien Di Filippo attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur une préoccupation grandissante des entreprises commerciales disposant d'un fonds de commerce physique, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin, et de la Moselle. Dans un contexte d'innovation technologique permanent, et face au développement de nouveaux commerces numériques, le droit des activités économiques n'a eu de cesse d'évoluer ces dernières années. Pourtant, la fiscalité est l'une des grandes oubliées de ces mutations juridiques majeures. Un véritable fossé s'est ainsi créé sur le plan fiscal entre les e-commerces d'une part, et les magasins physiques d'autre part, fossé qui laisse libre cours à des pratiques anticoncurrentielles déloyales toujours plus fortes. Le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) en est l'un des premiers syndromes. Alors que la taxe est étroitement contrôlée dans les magasins physiques, son effectivité sur les e-commerces est tout à fait incertaine. Nombre d'entre eux n'hésitent pas, à ce titre, à pratiquer des prix déloyaux, contrairement aux dispositions générales prévues par le droit de la concurrence, voire à commercer des contrefaçons, en masse, qui ne sont pas toujours interceptées par les systèmes douaniers. L'absence d'un véritable contrôle de ces marchés virtuels à grande échelle affaiblit considérablement les bénéfices tirés des commerces physiques, alors même que ceux-ci sont soumis à un contrôle fiscal bien plus important. Par ailleurs, il convient également de rappeler les difficultés toujours plus grandes des puissances publiques à prélever l'impôt direct sur les e-commerces, en particulier l'impôt sur les sociétés. Malgré une première demande audacieuse déposée à la Commission européenne par les ministres des finances français, italien, allemand et espagnol en septembre 2017, aucune taxe d'égalisation n'a été votée à ce jour pour harmoniser la fiscalité des entreprises. Aujourd'hui, les magasins physiques continuent d'être prélevés continuellement sur cet impôt, alors que leurs concurrents directs en sont exemptés, en raison des montages fiscaux élaborés majoritairement à l'étranger. Enfin, la fiscalité locale est également au cœur de ce déséquilibre économique. Celle-ci est assurée uniquement par les entreprises physiques, sur lesquelles est prélevée une grande diversité d'impôts locaux (taxes foncières, taxe d'aménagement, cotisation sur la valeur ajoutée, etc.). Face à ces charges, les commerces numériques continuent d'être exemptés de tout impôt local, alors qu'ils bénéficient directement des services publics financés par ces administrations (dépôts des livraisons, collecte des ordures, ramassage des emballages, etc.). Il est évident que les économies tirées de cet allègement considérable permettent une nouvelle fois de concurrencer de manière déloyale les commerces physiques, par l'abaissement constant des prix. Au regard de ce déséquilibre économique qui désavantage les commerces physiques du territoire, il lui demande quelles mesures fiscales le Gouvernement envisage de prendre pour pallier les différences de traitement fiscal et concurrentiel entre ces différents commerces.

Réponse émise le 29 mai 2018

Le Gouvernement a engagé plusieurs actions afin de répondre à la nécessaire adaptation de la fiscalité au commerce numérique. En matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), pour assurer que le lieu de taxation corresponde bien au lieu de la consommation finale, un régime fiscal applicable à la vente à distance a été mis en place en 1993. Ce régime spécifique s'applique lorsque les biens sont expédiés ou transportés par le vendeur ou pour son compte à partir d'un autre État membre de l'Union européenne à destination d'une personne non assujettie à la TVA et prévoit la taxation systématique dans l'État de destination des biens dès lors que le montant des ventes effectuées par un même vendeur vers ce pays excède un seuil qui a été abaissé le 1er janvier 2016 à 35 000 € par an. Ce régime garantit donc que, au-delà d'un certain volume de chiffre d'affaires, la TVA ne soit pas source de distorsions de concurrence entre entreprises, le montant de TVA dû par le commerçant étant alors identique quel que soit le mode de distribution des biens concernés (vente en magasin ou via un site Internet). Ce régime est d'ailleurs appelé à évoluer conformément à la directive no 2017/2455 du Conseil du 5 décembre 2017 modifiant certaines obligations en matière de TVA applicables aux prestations de services et aux ventes à distance de biens. Ainsi, cette directive prévoit, à compter du 1er janvier 2019, la suppression des seuils nationaux et l'instauration d'un seuil unique de 10 000 € par an. De plus, à compter du 1er janvier 2021, le respect de leurs obligations fiscales en matière de TVA par les entreprises qui réalisent des ventes à distance de biens sera facilité par le recours à un portail unique en ligne leur permettant d'effectuer leurs démarches déclaratives et de paiement. Ce portail sera également ouvert aux entreprises amenées à effectuer des ventes à distance de biens importés au profit des consommateurs de l'Union européenne. En outre, cette directive prévoit que les acteurs des marchés qui facilitent, par l'utilisation d'une interface électronique telle qu'une place de marché, une plateforme, un portail ou un dispositif similaire, soit les ventes à distance de biens importés de territoires tiers ou de pays tiers contenus dans des envois d'une valeur intrinsèque ne dépassant pas 150 €, soit les livraisons de biens effectuées par des opérateurs non établis dans l'Union européenne au profit de consommateurs finaux, seront désormais redevables de la TVA. Enfin, il est rappelé que, s'agissant des services fournis par voie électronique, la TVA est prélevée au lieu de situation du consommateur depuis le 1er janvier 2015. En matière d'imposition des bénéfices des entreprises, la France se mobilise avec ses partenaires, tant au G20 qu'au niveau de l'Union européenne, pour corriger les différences de taxation actuellement constatées selon le lieu d'établissement des opérateurs économiques. L'initiative prise par la France avec neuf États membres lors de l'ECOFIN des 15 et 16 septembre 2017 a conduit le Conseil à demander à la Commission européenne de proposer des mesures concrètes et opérationnelles en vue d'agir tant à court terme qu'à long terme, en cohérence avec les travaux déjà engagés au sein de l'Union européenne en matière d'harmonisation de l'impôt sur les sociétés. Ainsi, à la demande d'un groupe d'États membres rassemblé par la France, la Commission a proposé, le 21 mars 2018, au Conseil européen un paquet législatif global destiné à réformer la fiscalité s'appliquant aux activités numériques au sein de l'Union européenne. Celui-ci est composé d'une première directive instituant, à titre provisoire, une "taxe sur les services numériques"assise sur le chiffre d'affaires issu de certaines activités numériques des grandes entreprises (publicité en ligne, plateforme d'intermédiation pour la réalisation de vente de biens et de services en ligne, vente de données) et d'une seconde directive proposant une solution de plus long terme en vue d'imposer les profits réalisés par les entreprises du secteur numérique en s'appuyant sur la notion de"présence numérique significative ". Ces propositions de directives ont fait l'objet de premières discussions entre les États membres de l'Union européenne. La France soutient fortement une adoption rapide de la première directive. En matière de fiscalité directe locale, le Gouvernement mène une réflexion spécifique sur le secteur du commerce. En effet, cette activité est aujourd'hui confrontée aux évolutions démographiques, aux nouveaux comportements de consommation, (notamment le développement du commerce électronique), et à l'arrivée de nouveaux acteurs qui obligent les commerçants à adapter leur offre de services pour mieux répondre aux besoins de la clientèle. Dans ce contexte, le Premier ministre a confié une mission à l'Inspection générale des finances afin de dresser un état des lieux des prélèvements pesant sur les entreprises de ce secteur et d'élaborer des propositions en vue d'aboutir à un cadre fiscal plus équitable entre les différentes formes de commerce et de redynamiser les zones commerciales des centres-villes. À ce titre, la mission examinera notamment les modalités d'imposition à la taxe sur les surfaces commerciales (TaSCom) et la pertinence des taxes à faible rendement touchant ce secteur. La mission remettra ses conclusions au Premier ministre d'ici la fin du premier semestre 2018. L'ensemble de ces mesures apparaît de nature à apporter des réponses concrètes et efficaces aux difficultés évoquées.

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