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Philippe Berta
Question N° 6178 au Ministère de l'action


Question soumise le 6 mars 2018

M. Philippe Berta attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur l'ampleur du trafic de stéroïdes anabolisants androgéniques. L'explosion du commerce en ligne a favorisé une démocratisation du profil des consommateurs qui dépasse aujourd'hui le cercle des sportifs de haut niveau. Dans un article intitulé « Usage et abus de stéroïdes anabolisants et de glucocorticoïdes dans le sport », Martine Duclos, endocrinologue au CHU de Clermont-Ferrand, établit que dans la communauté des adeptes de salles de musculation, on compterait 15 % à 30 % de consommateurs, dont les deux tiers seraient des sportifs amateurs qui utiliseraient ces substances pour des raisons esthétiques. Toujours d'après cette étude, les utilisateurs de stéroïdes anabolisants consommeraient en général des doses très élevées : 600 à 1 000 mg de testostérone (ou dérivés) administrés par semaine (contre une production endogène de testostérone de 50 mg/semaine chez l'homme). Les conséquences de ce trafic peuvent être lourdes pour la santé de l'utilisateur : chute de la production naturelle de testostérone et de la fertilité, hyperactivité et agressivité, dépendance et dépression. Une seconde étude publiée par deux chercheurs britanniques, Joseph Tay Wee Teck et Mark McCann, dans International Journal of Drug Policy, permet, à présent, une meilleure connaissance des comportements en ligne des consommateurs potentiels, et notamment du caractère cyclique de leurs recherches, avec un pic d'avril à juillet, sur le moteur de recherche étudié. Il lui demande quel est le bilan tiré par les douanes de l'évolution de ce trafic et quelles initiatives le Gouvernement entend prendre afin de renforcer la lutte contre les importations illégales via internet de stéroïdes anabolisants androgéniques.

Réponse émise le 5 juin 2018

L'utilisation de stéroïdes anabolisants androgéniques représente un réel danger pour la santé des consommateurs et la facilité d'achat de ces produits sur Internet constitue un défi pour la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) ainsi que pour l'ensemble des administrations travaillant sur ce sujet.  Les stéroïdes anabolisants androgènes représentent les deux tiers des saisies de produits dopants réalisées chaque année par la DGDDI, notamment sur le fret postal et le fret express. La testostérone et la métandiénone constituent la majorité de ces saisies (entre 50 % et 70 % des contentieux). Dans la plupart des cas, les services relèvent l'absence d'autorisation de mise sur le marché (AMM) des produits, ces autorisations étant délivrées par l'agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) conformément aux dispositions du code de la santé publique.  Cependant, l'observatoire des médicaments de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED), organe centralisateur du renseignement pour la douane dans le domaine des produits dopants, n'a pas observé d'évolution notable des saisies pour ce type de produits dopants au cours des trois dernières années. Cet avis est corroboré par le service national de la douane judiciaire (SNDJ) qui a pu être amené à effectuer des enquêtes sur les produits dopants (20 dossiers en 2016, 21 en 2017) mais qui n'a jamais traité de cette problématique spécifique. En effet, les achats effectués sur Internet portent principalement sur des petites quantités qui se retrouvent, en conséquence, en dessous des critères retenus pour une saisine judiciaire.  Néanmoins, la DGDDI reste attentive à ce phénomène, notamment par le biais de la cellule Cyberdouane en charge de la lutte contre la fraude sur Internet et qui comporte plus d'une dizaine d'agents. La DGDDI participe également, chaque année, à l'opération PANGEA qui regroupe près d'une centaine de pays et vise à lutter contre les réseaux de revente illicite de médicaments, notamment sur Internet. Ainsi, lors de la dixième édition qui s'est déroulée en septembre 2017, 174 sites internet illégaux de revente de médicaments ou de produits dopants ont été identifiés par Cyberdouane et fermés.  En dernier lieu, la DGDDI collabore régulièrement avec les autres administrations compétentes. En effet, la douane est habilitée, en matière d'échange de renseignement entre administrations, par l'article L. 232-20 du code du sport, à communiquer certaines informations relatives aux substances dopantes à d'autres services répressifs comme la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ou les officiers et agents de police judiciaire. La DNRED a par ailleurs conclu, en avril 2014, un protocole d'accord en ce sens avec l'agence française de lutte contre le dopage (AFLD).  L'office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique - Gendarmerie (OCLAESP) a pris toute la mesure de ce trafic qui s'organise à partir de la vente en ligne sur Internet de ces produits dopants et notamment des stéroïdes anabolisants androgéniques. C'est un nouveau phénomène qui s'installe en France et l'office constate que des groupes criminels se sont constitués pour vendre à un public de jeunes sportifs, épris du culte de la performance des produits dopants le plus souvent falsifiés ou corrompus. Appelés « dopage de masse » par opposition au dopage des sportifs de haut niveau, ces produits sont consommés sans aucun contrôle et constituent une atteinte grave à la santé publique.  Les enquêteurs de l'OCLAESP ont démantelé de nombreux trafics d'importation de produits dopants. Au cours de l'année 2017, l'OCLAESP a appréhendé l'organisateur d'un réseau important « X'TREMBODIES » d'importation en France de produits dopants via Internet. Dans le cadre de cette affaire judiciaire, un laboratoire de fabrication de stéroïdes a été démantelé en Hollande. L'engagement opérationnel de l'office se poursuit en 2018, avec l'interpellation en région parisienne au mois de février, d'un autre réseau d'importation et de revente de produits dopants avec une saisie de 6000 fioles de stéroïdes anabolisants (valeur marchande de 230 000 euros). Cette enquête s'oriente désormais vers les filières d'approvisionnement en Europe (Pologne).  Pour combattre ce phénomène, l'OCLAESP s'appuie également au niveau national sur un partenariat interministériel et au niveau international sur les structures d'INTERPOL et d'EUROPOL.  Pour lutter contre le trafic de médicaments détournés, l'OCLAESP a renforcé son partenariat avec le ministère des solidarités et de la santé et la mission interministérielle de lutte contre les drogues et conduites addictives (MILDECA). L'OCLAESP a été un acteur déterminant pour proposer à la MILDECA la mise en place d'un groupe de travail [1] interministériel sur l'usage détourné de médicaments psychotropes et des produits dopants vendus en ligne. Plusieurs pistes concrètes ont été évoquées visant à mieux évaluer la problématique par le lancement d'une étude épidémiologique relative à la consommation de produits dopants et à renforcer les pouvoirs d'investigation en intégrant le crime pharmaceutique dans le champ de la criminalité organisée. Pour appuyer cette démarche d'évolution législative, l'OCLAESP a formulé les propositions d'évolutions normatives pour compléter, à l'article 706-73-1 du code de procédure pénale, et insérer les trafics de produits de santé et dopants dans le champ de la criminalité organisée. Dans cette optique, le président de la commission des affaires sociales du Sénat a convié le chef de l'office à une réunion de présentation de la problématique aux parlementaires le 4 avril 2018. L'OCLAESP s'engage avec le ministère des sports. A ce titre, il renforce son partenariat avec les conseillers interrégionaux anti-dopage (CIRAD) et de l'agence française de lutte contre le dopage (AFLD) qui concourent à cette lutte. Son action s'inscrit à la fois dans le partage de l'information sur les conduites dopantes pour initier des enquêtes judiciaires et l'animation de ces réseaux. Afin de renforcer l'engagement de la gendarmerie, la sous-direction de la police judiciaire de la direction générale de la gendarmerie nationale a détaché un officier à la direction des contrôles de l'ALFD à compter du 1er mars 2018. Sa mission est de coordonner l'action des CIRAD et de faciliter la judiciarisation des faits concernant le dopage. Par ailleurs, l'OCLAESP a organisé à l'institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP), au cours du mois d'octobre 2017, un séminaire portant sur « les enjeux et les perspectives des produits dopants » vis à vis d'un public de professionnels [2]. La ministre des sports a ouvert ce séminaire pour montrer la détermination du Gouvernement à lutter contre le dopage.  Dans le cadre de la coopération internationale de la lutte contre les trafics de produits dopants, notamment à destination du grand public, INTERPOL a lancé en 2017 l'opération « BARIUM ». Il s'agit d'analyser les renseignements opérationnels sur la production et la distribution de produits dopants. L'OCLAESP est un des partenaires de cette opération et alimente ainsi la base d'INTERPOL relative aux produits illicites, aux modes opératoires et aux mis en cause. L'office a d'ailleurs organisé un séminaire à Paris pour lancer cette opération au mois de juin 2017, et prend part à la phase opérationnelle, actuellement en cours. Ainsi, sur les 41 résidents français détectés par INTERPOL qui ont passé des commandes sur des sites internet proposant la matière première à la production de stéroïdes anabolisants, 23 ont d'ores et déjà fait l'objet d'investigations de la part des services de la gendarmerie et de la police nationales.  S'agissant de l'opération « PANGEA », l'OCLAESP a également pris part à cette action. Chaque année, INTERPOL engage une action mondiale contre les ventes illégales de produits pharmaceutiques et dopants sur Internet. Pour la France, cyber-douane, l'OCLAESP et le centre de lutte contre les criminalités numériques de la gendarmerie (C3N) participent à l'opération : « PANGEA X » qui s'est déroulée du 12 au 19 septembre 2017 dans une centaine de pays, a permis la saisie de plus de 433 000 produits de santé illicites et 1,4 tonne de produits de santé en vrac. Plus de 70 % des produits proviennent d'Asie (principalement d'Inde et de Singapour). La majorité est constituée de médicaments dépourvus d'autorisation de mise sur le marché, de médicaments détournés de leur usage et utilisés comme stupéfiants ou comme produits dopants (stéroïdes, hormones de croissance, etc.). Afin de mieux appréhender les trafics de produits dopants en Europe, l'OCLAESP en lien avec les douanes finlandaises, a mis en place en 2017 une action opérationnelle sous l'égide d'EUROPOL, nommée « MISMED » (misused medecine). Cette action qui vise principalement le trafic de médicaments détournés d'usage à des fins psychotropes ou dopantes a engagé onze pays européens. Cette action a généré l'ouverture de 205 enquêtes judiciaires, permettant l'arrestation de 111 individus et le démantèlement de 19 groupes criminels organisés. Plus de 75 millions de médicaments et produits dopants, d'une valeur marchande estimée à plus de 230 M€ ont été saisis, ainsi que 3 M€ d'avoirs criminels. Sous l'impulsion de l'OCLAESP, cette action est reconduite en 2018 et financée par l'Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO). [1] Ce travail associe les ministères de la santé, de la justice, de l'intérieur, la CNAM-TS et les ARS, les ordres des médecins et pharmaciens. [2] A destination de magistrats, responsables de la police, de la gendarmerie, des douanes, du ministère des sports (CIRAD) et du mouvement sportif (fédérations), ce séminaire a regroupé une centaine de participants. Il avait pour objectif de renforcer leur appréhension de la problématique et de ses enjeux, afin d'en maîtriser les procédures disciplinaires et judiciaires spécifiques.

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