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Michel Herbillon
Question N° 6444 au Ministère de la justice


Question soumise le 13 mars 2018

M. Michel Herbillon interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, au sujet des squatteurs qui s'approprient illégalement des logements privés. À plusieurs reprises, des affaires de cette nature sont révélées par la presse et suscitent beaucoup d'indignation dans la population. Il apparaît que systématiquement, des squatteurs profitent des dispositions de la loi pour s'installer en toute impunité au domicile de particuliers qui s'absentent de leur logement. Le délai de 48 heures d'occupation illégale ayant été largement dépassé quand le propriétaire prend conscience de la situation, une procédure d'expulsion d'urgence ne peut être invoquée car les occupants illégaux peuvent se prévaloir des droits sur ce logement. Il faut donc passer par la voie judiciaire classique pour que le propriétaire récupère les lieux au terme d'une procédure souvent longue et fastidieuse. Il lui demande les mesures qu'elle compte mettre en œuvre pour éviter à l'avenir ce genre de pratiques et ainsi protéger les propriétaires.

Réponse émise le 11 septembre 2018

L'article L. 411-1 du code des procédures civiles d'exécution précise que « sauf disposition spéciale, l'expulsion d'un immeuble ou d'un lieu habité ne peut être poursuivie qu'en vertu d'une décision de justice ou d'un procès-verbal de conciliation exécutoire et après signification d'un commandement d'avoir à libérer les locaux ». Cependant, en matière d'occupation illicite d'un logement, il existe une procédure administrative permettant de déroger à l'exigence d'une décision de justice et de la délivrance d'un commandement de quitter les lieux. Cette procédure est prévue à l'article 38 de la loi no 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale. Elle permet au propriétaire ou au locataire d'un logement occupé de demander au préfet, en cas de violation de domicile, de mettre en demeure l'occupant de quitter les lieux, après avoir déposé plainte, fait la preuve que le logement constitue son domicile et fait constater l'occupation illicite par un officier de police judiciaire. Lorsque la mise en demeure de quitter les lieux n'a pas été suivie d'effet dans le délai fixé par le préfet, ce dernier peut procéder à l'évacuation forcée du logement, sauf opposition du propriétaire ou du locataire. Cette procédure administrative d'expulsion s'applique dès lors que le délit de violation de domicile, tel que défini à l'article 226-4 du code pénal, est constitué. Il n'est donc pas nécessaire que le bien soit occupé par le requérant le jour même de l'intrusion pour lui permettre de solliciter cette procédure administrative d'expulsion. Il doit démontrer que le logement est son domicile au sens admis par la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation, c'est-à-dire « le lieu où une personne, qu'elle y habite ou non, a le droit de se dire chez elle, quels que soient le titre juridique de son occupation et l'affectation donnée aux locaux », dès lors que ce lieux n'est pas vide de meubles et d'occupation (Crim, 22 janvier 1997, pour une appartement locatif non loué au jour de l'intrusion). Par ailleurs, la loi no 2015-714 du 24 juin 2015 tendant à préciser l'infraction de violation de domicile a modifié l'article 226-4 du code pénal en spécifiant que cette infraction est caractérisée non seulement par le fait de s'introduire dans le domicile d'autrui à l'aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, mais encore par le fait de se maintenir dans les lieux après y avoir pénétré de la sorte. L'infraction est en conséquence un délit continu, et tant que la personne se maintient dans les lieux, les services de police ou de gendarmerie peuvent diligenter une enquête dans le cadre de la flagrance, sans qu'il soit besoin de prouver que ce maintien est également le fait de « manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte ». Il s'ensuit que le délai maximum de 48 heures suivant la réalisation d'une infraction, admis par la jurisprudence pour permettre aux services enquêteurs d'agir dans le cadre de la flagrance, n'est pas opposable en matière de violation de domicile tant que le bien immobilier est squatté. Dès lors, lorsqu'un domicile est occupé de manière illicite par un tiers, les forces de sécurité intérieure peuvent, sur le fondement de l'infraction de violation de domicile, procéder à l'interpellation des mis en cause, ce quel que soit le délai écoulé depuis leur intrusion dans le domicile. L'engagement de la procédure pénale permet en pratique au propriétaire de bénéficier de délais pour prendre les mesures nécessaires pour sécuriser les lieux, ou de solliciter une mesure d'expulsion administrative sur le fondement de l'article 38 de la loi du 5 mars 2007.

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