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Erwan Balanant
Question N° 6591 au Ministère de l'économie


Question soumise le 20 mars 2018

M. Erwan Balanant rappelle à M. le ministre de l'économie et des finances que des inégalités subsistent et s'accroissent entre acteurs du commerce physique et numérique. En septembre 2017, il a rencontré ses homologues allemand, italien et espagnol afin d'envisager une taxation plus juste qui aurait pour effet de mettre sur un pied d'égalité les acteurs du commerce physique et ceux du commerce numérique. Comme il le sait, les pure players - sociétés qui exercent leurs activités commerciales uniquement sur internet - profitent de leur statut de vendeur à distance, installés dans des États membres de l'Union européenne pratiquant le dumping fiscal, pour payer peu, voire aucun impôt, dans l'État où les ventes sont réalisées. Le ministre dénonce lui-même cette stratégie d'optimisation fiscale au sein de l'Union européenne, et propose que l'imposition soit proportionnelle à la hauteur des activités réalisées dans chaque État membre de l'Union européenne. Ce système a pour avantage de ne pas subordonner la collecte de taxes à l'existence d'un « établissement stable », puisque l'affaire Google nous a appris que les règles fiscales actuelles ne sont pas claires sur ce sujet et ne permettent pas le redressement fiscal des acteurs du numérique. Ces manœuvres d'optimisation fiscale créent une distorsion de concurrence entre les différents types de vendeurs, cette situation n'est pas tolérable. Elle est d'autant plus intolérable que cet écart aura tendance à se renforcer avec le temps, puisque les places de marché sur internet sont de plus en plus nombreuses et régulièrement utilisées par les consommateurs. Dans ce contexte et en accord avec ses annonces, il lui demande quel est le calendrier législatif retenu pour mettre en œuvre cette réforme de la fiscalité commerciale et quelles modalités il envisage pour qu'acteurs du numérique et commerçants physiques soient sur un pied d'égalité fiscale.

Réponse émise le 13 novembre 2018

Les règles actuelles de la fiscalité internationale, qui ne permettent pas à un Etat d'imposer une entreprise qui exerce une activité sur son territoire sans y avoir d'implantation physique ou de personnel présent sur place, ne sont plus adaptées aux nouveaux modèles économiques fondés sur le numérique. C'est pourquoi le Gouvernement soutient la refondation de ces règles, aussi bien dans le cadre des travaux engagés par l'OCDE au titre du projet relatif à l'érosion des bases et aux transferts de bénéfices, qu'au niveau européen. Face à un problème qui concerne des entreprises multinationales, les solutions purement nationales ne sont pas efficaces et notre action doit donc s'inscrire dans un cadre européen et multilatéral. Dès septembre 2017, le ministre de l'économie et des finances a adressé, avec 8 de ses homologues, une lettre à la Commission européenne, afin de l'inviter à engager une initiative européenne en la matière, notamment pour répondre à l'urgence posée à court terme, en l'attente d'une solution internationale plus pérenne mais nécessitant un consensus de tous les Etats. Le Gouvernement a donc accueilli très favorablement la présentation par la Commission, le 21 mars dernier, d'un paquet législatif destiné à réformer la fiscalité s'appliquant aux activités numériques au sein de l'Union européenne. Depuis lors, le Gouvernement ne ménage pas ses efforts pour faire progresser les discussions en la matière. La première proposition de directive est une solution intérimaire qui prend la forme d'une taxe sur le chiffre d'affaires engendré par certaines activités numériques de groupes multinationaux, à savoir la diffusion de publicités en ligne reposant sur l'exploitation de données personnelles, les activités de place de marché pour la réalisation de vente de biens et de services en ligne, ou la revente de données personnelles. La seconde proposition de directive tend à réformer durablement les règles relatives à l'imposition des sociétés, en reprenant le concept, porté notamment par la France, de « présence fiscale numérique » de telle sorte que les bénéfices soient taxés là où les entreprises ont une interaction importante avec les utilisateurs par l'intermédiaire de canaux numériques. Cette proposition a vocation à nourrir les travaux internationaux menés à l'OCDE, avec lesquels elle devra s'articuler pour trouver sa pleine efficacité. En matière de fiscalité directe locale, le Gouvernement mène une réflexion spécifique sur le secteur du commerce. Ainsi, le Premier ministre a confié une mission à l'Inspection générale des finances, afin de dresser un état des lieux des prélèvements pesant sur les entreprises commerciales et d'élaborer des propositions, en vue d'aboutir à un cadre fiscal plus équitable entre les différentes formes de commerce, de nature à redynamiser les zones commerciales des centres-villes. En matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), pour assurer que le lieu de taxation corresponde bien au lieu de la consommation finale, un régime fiscal applicable à la vente à distance a été mis en place en 1993. Ce régime spécifique s'applique lorsque les biens sont expédiés ou transportés par le vendeur ou pour son compte à partir d'un autre État membre de l'Union européenne à destination d'une personne non assujettie à la TVA et prévoit la taxation systématique dans l'État de destination des biens dès lors que le montant des ventes effectuées par un même vendeur vers ce pays excède un seuil qui a été abaissé en France le 1er janvier 2016 à 35 000 € par an. Ce régime garantit donc que, au-delà d'un certain volume de chiffre d'affaires, la TVA ne soit pas source de distorsions de concurrence entre entreprises, le montant de TVA dû par le commerçant étant alors identique quel que soit le mode de distribution des biens concernés (vente en magasin ou via un site Internet). Ce régime est appelé à évoluer conformément à la directive n° 2017/2455 du Conseil du 5 décembre 2017 modifiant certaines obligations en matière de TVA applicables aux prestations de services et aux ventes à distance de biens. Ainsi, cette directive prévoit, à compter du 1er janvier 2019, la suppression des seuils nationaux et l'instauration d'un seuil unique de 10 000 € par an. De plus, à compter du 1er janvier 2021, le respect de leurs obligations fiscales en matière de TVA par les entreprises qui réalisent des ventes à distance de biens sera facilité par le recours à un portail unique en ligne leur permettant d'effectuer leurs démarches déclaratives et de paiement. Ce portail sera également ouvert aux entreprises amenées à effectuer des ventes à distance de biens importés au profit des consommateurs de l'Union européenne. En outre, cette directive prévoit que les acteurs des marchés qui facilitent, par l'utilisation d'une interface électronique telle qu'une place de marché, une plateforme, un portail ou un dispositif similaire, soit les ventes à distance de biens importés de territoires tiers ou de pays tiers contenus dans des envois d'une valeur intrinsèque ne dépassant pas 150 €, soit les livraisons de biens effectuées par des opérateurs non établis dans l'Union européenne au profit de consommateurs finaux, seront désormais redevables de la TVA.

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