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Jean-Luc Mélenchon
Question N° 6645 au Ministère de la transition écologique et solidaire


Question soumise le 20 mars 2018

M. Jean-Luc Mélenchon attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur les critères et les méthodes d'évaluation des risques des pesticides. Dernièrement un article mettait en lumière le déclin de l'apiculture en Europe (80 % des insectes ont disparus en moins de 30 ans). Cet article mettait en cause les méthodes d'évaluation européennes de la nocivité des pesticides. En effet, en 2012, le panel « pesticides » de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a rendu une opinion sur les méthodes réglementaires d'évaluation du risque des pesticides sur les abeilles. Le panel a fait appel à des scientifiques extérieurs à l'agence. Le rapport fait donc office de seuls avis scientifiques « indépendants ». À plusieurs reprises, le rapport explique que les méthodes utilisées nécessitent de majeures améliorations dans plusieurs domaines. Ainsi plusieurs modes d'exposition ne sont pas évalués en laboratoire comme les expositions intermittentes et prolongées de l'abeille adulte, l'exposition par inhalation et celle des larves. Le seul paramètre étudié en laboratoire est la toxicité aiguë (dose létale) du produit. Les tests en plein champ, quant à eux, sont davantage pointés du doigt. Le rapport montre des faiblesses comme la taille des champs traités avec les insecticides. En effet, les ruches sont placées devant des surfaces représentant 0,01 % des surfaces butinées par les abeilles. Ainsi, l'exposition au produit est des milliers de fois inférieure à la réalité. Cela est sans évoquer la taille trop faible des colonies utilisées et la durée des tests non suffisante. Les tests sont incapables d'évaluer la toxicité des néonicotinoïdes utilisés en enrobages des semences. Enfin, les tests réglementaires ne prennent pas en compte l'impact des insecticides sur les insectes pollinisateurs sauvages et les effets de synergie entre les insecticides. L'argument des agrochimistes des études en plein champ est donc fallacieux. Il aurait fallu s'en douter, la conclusion selon laquelle les insecticides ne tuent pas les insectes avait de grandes chances d'être un mensonge. Pesticide Action network, un réseau de 600 ONG, a mené des études sur ces méthodes européennes d'évaluation. Dans 92 % des cas, c'est l'industrie qui conçoit cette réglementation. En 1986, s'est développé en Europe un institut qui regroupe les géants industriels de l'agrochimie, de la pharmacie et de l'agroalimentaire. Cet institut a développé les méthodes d'évaluation lui convenant et a fait entrer ses alliés au sein des panels d'experts rédigeant les opinions sur les méthodes. C'est le cas pour 75 % des méthodes étudiées par Pesticide Action Network. Il y a donc un problème de conflit d'intérêt quand les industriels d'une entreprise proposent des opinions sur la toxicité des produits qu'ils vendent. Pour les tests de toxicité sur les abeilles, la méthode s'est appuyée sur les conclusions d'un groupe de travail constitué de 17 experts ; 6 d'entre deux venaient de l'industrie des pesticides (BASF, Syngenta, Bayer et Dow Chemicals). En fait, aucune des méthodes d'évaluation n'a été évaluée par des chercheurs indépendants. L'industrie française s'inspire des États-Unis où les citoyens ne sont pas protégés par le principe de précaution. Si deux pesticides incriminés ont été récemment retiré du marché, ces révélations interrogent la fiabilité des tests européens. Il l'interpelle donc afin de connaître le positionnement de la France sur ces questions. La France souhaite-t-elle maintenir des normes environnementales élevées, prenant en compte la préservation de la biodiversité et la santé de ses habitants ? Il lui demande si la France accepte de céder au lobbying des industriels et de les laisser prendre la main sur l'agriculture française.

Réponse émise le 20 novembre 2018

Le Gouvernement considère avec la plus grande importance les enjeux liés aux méthodes d'évaluation européenne des substances phytopharmaceutiques, et plus largement des produits chimiques. Les mesures de gestion des risques doivent, pour être équilibrées, être prises en toute connaissance de cause des impacts socio-économiques mais aussi et surtout des dangers réels des substances chimiques quels que soient leurs usages. Il est parfois difficile, compte tenu de la complexité des sujets, d'apprécier la réalité de ces dangers à travers les procédures d'évaluation, d'autant plus qu'une grande part des moyens d'expérimentation et des experts disponibles opèrent dans le périmètre des industries responsables de la mise sur le marché ou de l'utilisation de ces substances. Le Gouvernement est, de ce fait, très attaché au renforcement des moyens publics d'expertise, que ce soit sur le plan national ou européen. Il considère également la cohérence, l'indépendance et la transparence du processus de décision dans ces domaines comme autant d'autres éléments essentiels d'une réglementation sûre et respectueuse du principe de précaution. En particulier, le plan d'actions sur les pesticides adopté par suite des États généraux de l'alimentation propose dans ses priorités d'améliorer le dispositif d'évaluation des substances actives et des produits phytopharmaceutiques. Parmi les actions identifiées, certaines d'entre elles sont, en ce moment même, discutées au niveau européen dans le cadre de la dernière proposition de la Commission européenne de règlement modifiant les différentes réglementations alimentaires, et en particulier les règles de gouvernance de l'autorité européenne de sécurité alimentaire (EFSA). Sont plus particulièrement débattues les mesures suivantes : - l'appui à la mise en place d'un mécanisme et d'un financement européens permettant aux agences d'évaluation nationales et européennes de conduire des études d'évaluation des risques, indépendantes des industriels, pour les substances les plus controversées au sujet desquelles des doutes existent quant aux conditions de leur réalisation ou en cas d'avis divergents émis par différentes agences européennes ; - la contribution active à une révision ambitieuse de la législation européenne pour un système plus sûr, plus transparent et plus simple en vue d'une meilleure application du principe de précaution ; - la stricte limitation du droit à la confidentialité de la majorité des études présentées dans les dossiers de demandes d'autorisation ou les dossiers d'évaluation plus généralement ; - une amélioration du fonctionnement des agences européennes, et notamment en matière de gouvernance et de déontologie. L'EFSA, compétente pour l'évaluation des substances phytopharmaceutiques, fait l'objet de plusieurs préconisations en ce sens. La Commission européenne, pour donner suite à l'intervention de la France, a d'ores et déjà formulé de nouvelles propositions en ce sens. Enfin, et toujours dans le cadre de cette priorité, et dans le cadre de l'évaluation de la réglementation européenne sur les produits phytopharmaceutiques et les résidus de pesticides, la France demandera des évolutions dudit règlement visant une meilleure sécurité sanitaire, ainsi qu'une une protection accrue des milieux et de la biodiversité.

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