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Jean-Pierre Pont
Question N° 6762 au Ministère de la justice


Question soumise le 27 mars 2018

M. Jean-Pierre Pont interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les grandes lignes du projet gouvernemental de réforme de la justice qu'elle présentera prochainement au Parlement. L'abandon de toute incarcération, pratiquement déjà appliqué dans les faits, pour les peines de moins d'un an de prison et son remplacement, selon la gravité des cas, par le port d'un bracelet électronique ou de travaux d'intérêt général est un choix que Mme la ministre assume. Elle n'a en revanche, à sa connaissance, jamais pour l'instant abordé publiquement le problème de la récidive. À l'heure actuelle les multirécidivistes condamnés à des peines légères non seulement ne sont jamais incarcérés mais échappent, grâce à la bienveillance des tribunaux ou à l'encombrement des prisons à toute application des textes régissant la récidive. Du même coup ils se sentent intouchables et dans la rue ridiculisent police et justice. M. le député se permet de rappeler ici que dans presque tous les attentats islamistes terroristes en Belgique et en France, les auteurs étaient pour la plupart des délinquants multirécidivistes. La suppression des peines effectives de prison risque d'entraîner une multiplication des condamnations à moins d'un an. Il semblerait dès lors salutaire et efficace que les articles du code pénal concernant la récidive soient enfin strictement appliqués, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Dans certaines affaires on découvre avec effarement que des délinquants multirécidivistes avec 10, 15 ou 20 condamnations à leur actif n'ont jamais connu la prison. Il lui demande, dans le cadre de sa réforme de la justice, quelle est sa position quant à l'application stricte des textes régissant la récidive.

Réponse émise le 17 juillet 2018

La prévention de la récidive constitue l'une des priorités de l'action de la Garde des Sceaux, et l'un des objectifs de la réforme engagée sur le sens et l'efficacité des peines, comme cela a été souligné dans la circulaire de politique pénale du 21 mars 2018. Les articles 132-8 et suivants du code pénal prévoient une aggravation des peines encourues pour les infractions commises en récidive. Cette circonstance peut être retenue au stade des poursuites mais également relevée d'office par la juridiction de jugement, si le prévenu est présent et qu'il a été mis en mesure d'être assisté d'un avocat et de présenter ses observations, et ce en application de l'article 132-16-5 du code pénal. Le Gouvernement n'entend pas modifier ces dispositions dont les modalités d'application ont été rappelées dans le cadre des circulaires relatives aux lois les ayant instaurées. Ainsi la récidive légale constitue le principal facteur explicatif du prononcé de l'emprisonnement ferme, du prononcé d'une longue peine et de l'exécution immédiate de celle-ci : les récidivistes représentent 16 % des 481 000 personnes condamnées en 2016 par les tribunaux correctionnels, mais 40 % des condamnés à une peine d'emprisonnement ferme, 45 % des condamnés à une peine de plus de 3 ans et 55 % des personnes ayant fait l'objet d'un mandat de dépôt à l'audience ou d'un maintien en détention. Prévenir la commission de nouvelles infractions, préserver l'intérêt des victimes et protéger la société, sont des principes directeurs des décisions judiciaires du prononcé à l'exécution des peines, conformément aux articles 130-1 du code pénal et 707 du code de procédure pénale. Pour autant, la privation de la liberté ne saurait constituer la seule réponse pénale adaptée à l'égard des récidivistes. En effet, si l'incarcération peut prévenir de nouveaux passages à l'acte le temps de la privation de liberté, elle n'apparaît pas à même d'éviter en soi la récidive, et peut au contraire, par son effet désocialisant, prédisposer à celle-ci, surtout pour les courtes peines d'emprisonnement. En revanche, l'individualisation des peines et de leur exécution au regard de la personnalité, des problématiques et de l'évolution des personnes condamnées a un réel impact sur leur réinsertion et, partant, favorise la prévention de la récidive. Ce principe préside, depuis plusieurs années, au développement des aménagements de peine et des alternatives à l'incarcération. De même, l'effectivité des sanctions pénales prononcées et leur exécution dans un délai satisfaisant, apparaissent essentielles pour assurer la crédibilité de la justice pénale et éviter la réitération d'infractions. Tirant les conséquence de ces constats, la Garde des Sceaux a rappelé dans sa circulaire de politique pénale que l'emprisonnement ne doit plus être considéré comme la peine de référence, même dans les hypothèses de réitérations d'actes délictuels, et que le prononcé de peines alternatives à l'incarcération doit être favorisé chaque fois que la situation de la personne le permet. Les parquets s'attachent à recueillir, en amont du jugement, les renseignements les plus complets possibles sur la personne prévenue, en veillant notamment à joindre au dossier les éléments de personnalité présents dans le cadre d'autres procédures, et à informer la juridiction des suivis en cours ou récents, afin de permettre le prononcé d'une sanction adaptée à la personne condamnée et compréhensible à ses yeux comme à ceux de la victime. Ils veillent en outre à relever l'état de récidive légale, élément d'appréciation dans le choix du mode de poursuite. Dans cet esprit, le projet de loi de programmation pour la justice prévoit une réécriture de l'échelle des sanctions pénales afin de limiter les courtes incarcérations. Ainsi, il est proposé d'exclure le prononcé de peines d'emprisonnement ferme égales ou inférieures à un mois et de fixer le principe d'une peine aménagée dès le prononcé, sauf impossibilité matérielle, dont la nature sera décidée par les tribunaux correctionnels (détention domiciliaire, semi-liberté, placement extérieur) pour les peines inférieures ou égales à six mois. Ce projet de loi tend à favoriser le recours à la surveillance électronique, en l'instituant comme une peine autonome. Cette mesure sera adaptée à la situation de nombreuses personnes condamnées, même récidivistes, et de nature à préserver l'insertion dans la société donc à prévenir la commission de nouvelles infractions. Le projet de réforme développe également le travail d'intérêt général, peine dont les vertus rétributive, pédagogique et resocialisante ne sont plus à démontrer, en permettant notamment sa mise en œuvre dans le cadre d'un aménagement de peine et d'un sursis probatoire. Pour autant, la réforme envisagée ne supprime pas toute incarcération pour les peines de moins d'un an d'emprisonnement. Elle prévoit en effet que le tribunal pourra décerner un mandat de dépôt à effet différé, excluant la comparution du condamné devant le juge de l'application des peines et conduisant à son incarcération à une date fixée par le procureur de la République. Il y a lieu de préciser également qu'est proposé l'abaissement du seuil d'aménagement des peines d'emprisonnement ferme à un an, même pour les non récidivistes alors qu'en l'état du droit, les peines d'emprisonnement prononcées d'une durée inférieure ou égale à 2 ans peuvent être aménagées. Ces évolutions seront de nature à renforcer la lisibilité de la peine prononcée plus proche de celle effectivement exécutée. Enfin, afin d'éviter les sorties sèches, aux effets délétères sur la récidive, le projet de réforme favorise les sorties de détention avant la fin de peine en renforçant le caractère systématique de l'octroi de la libération sous contrainte.

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