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Patrick Vignal
Question N° 724 au Ministère de l’intérieur


Question soumise le 15 août 2017

M. Patrick Vignal attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur les conditions de travail des policiers. En 2012, une organisation syndicale de policiers organisait une enquête sur les conditions de travail des policiers héraultais puis sur l'ensemble de la région. La conclusion des travaux, était déjà sans appel, en reflétant le mal-être profond des policiers et leur souffrance au travail. Deux ans après, le ministère a décidé de lancer un grand sondage national pour mesurer le climat social au sein de ses « troupes ». Sondage qui a confirmé ce sentiment de malaise et un état préoccupant du moral du corps d'encadrement et d'application pour plus de 94 % des effectifs. De ces études ressortaient deux objectifs : améliorer les conditions de travail et concilier la vie professionnelle et la vie privée. Ainsi, de nouveaux cycles de travail, à titre expérimental, dont le 2/2/3/2/3/2 dit « vacation forte » ont été mis en place par la direction générale de la police nationale. Les résultats de cette expérience démontraient que ce cycle était plébiscité à plus de 80 % par les agents et qu'il était générateur de motivation et de cohésion. Le précédent gouvernement a alors engagé une réforme dans ce sens en proposant aux fonctionnaires de se prononcer par vote sur le choix des cycles de travail qu'ils préféraient. Syndicats et personnels ont salué cette forme de dialogue social en participant massivement à cette consultation. Néanmoins, le choix unanime plébiscité dans l'Hérault pour le cycle 2/2/3/2/3/2 dit « vacation forte » a été rejeté en raison du manque d'effectifs sur les circonscriptions de sécurité publique de Montpellier et de Sète a contrario de celles de Béziers et d'Agde, alors que le 28 juin 2017, la commission administrative paritaire nationale validait l'arrivée de 15 fonctionnaires de police sur chaque circonscription déficitaire. Cependant, et ce malgré l'évidence de la faisabilité avérée de mise en œuvre des cycles choisis, on leur refuse de changer de cycle de travail. Aujourd'hui, les policiers sont fatigués, pour certains usés ou touchés par l'épuisement, c'est pourquoi il aimerait connaître la position du Gouvernement sur une mise en place rapide des nouveaux cycles de travail permettant de meilleures conditions de travail aux forces de l'ordre.

Réponse émise le 12 décembre 2017

La réforme des régimes et cycles de travail de la police nationale a été engagée en 2014 avec pour objectif de mieux répondre aux attentes des personnels (conciliation vie privée - vie professionnelle…) et de mieux prévenir les risques psycho-sociaux, tout en maintenant le potentiel opérationnel des services. Il s'agit donc d'une démarche de modernisation de la gestion des ressources humaines dans la police nationale. La réforme s'est traduite par une modification des différentes instructions générales relatives à l'organisation du travail dans la police nationale (IGOT). Comme relevé par l'auteur de la question écrite, elle a fait l'objet d'une vaste concertation, tant au niveau central que territorial, en particulier dans le cadre des comités techniques. Cette réforme s'imposait également au regard du droit européen en matière de santé et de sécurité au travail (directive no 2003/88/CE en date du 4 novembre 2003 concernant certaines aspects de l'aménagement du temps de travail). La directive initiale du 23 novembre 1993 avait été déclinée en droit interne par décret du 25 août 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat. Le décret no 2002-1279 du 23 octobre 2002 portant dérogation aux garanties minimales de durée du temps de travail et de repos applicables aux personnels de la police nationale excluait une grande partie des effectifs de police du champ d'application de la directive. La transposition en droit interne ayant été contestée sur le plan juridique au niveau européen, un nouveau décret (décret no 2017-109 du 30 janvier 2017) a modifié en janvier 2017 le décret du 23 octobre 2002 précité et repris l'ensemble des prescriptions de la directive, qui s'appliquent donc dorénavant aux policiers. Un arrêté est encore nécessaire afin d'intégrer ces dispositions dans les règles concrètes de gestion de la police nationale. Dans le cadre de son élaboration, des concertations étroites sont menées avec les organisations syndicales représentatives. Dans ce cadre, des orientations techniques qui vont guider le dialogue social ont été déterminées par le directeur général de la police nationale sur les différents principes édictés par la directive, autour de deux axes : la directive comporte un certain nombre de dérogations ; lorsque les droits ouverts par la directive sont déjà intégrés aux droits à repos en droit interne, les deux se confondent mais ne s'additionnent pas. Deux points en particulier font l'objet de discussions avec les organisations syndicales : la définition des dérogations et la gestion des repos journaliers et hebdomadaires manqués. L'objectif du ministère de l'intérieur est d'aboutir d'ici à la fin de l'année 2017. S'agissant de la réforme plus globale du temps de travail (cycles de travail), si la plupart des nouveaux cycles de travail peut être mise en œuvre à effectifs constants, le cycle de la "vacation forte", plus coûteux en équivalents-temps plein que les autres cycles, ne peut cependant être retenu que lorsque les conditions sont réunies pour que son adoption ne porte pas atteinte au bon fonctionnement des services et donc à leur efficacité. Son adoption est dès lors conditionnée à des critères, parfaitement transparents, de "faisabilité opérationnelle". La réforme doit en effet concilier les impératifs opérationnels, donc le service rendu à la population, avec les aspirations des personnels. Il convient à cet égard de rappeler que l'IGOT précitée dispose que « parmi les différents cycles de travail […], le choix du comité technique [...] compétent doit se porter sur ceux qui permettent d'assurer la meilleure disponibilité opérationnelle possible des effectifs, tout en limitant au mieux les ruptures de rythmes de travail, préjudiciables à la santé des fonctionnaires. Aucun cycle ne peut être retenu sans l'avis conforme de la direction ou service central concerné ». Dans certains cas, l'administration centrale a ainsi été conduite à émettre des avis négatifs pour certains projets de « vacation forte », au regard des impératifs précités et notamment du volume d'effectifs disponibles. A ce jour, plus de 90 comités techniques départementaux ont validé la réforme horaire pour les unités de voie publique des services territoriaux de la direction centrale de la sécurité publique, qui sont les principaux services concernés par la réforme. Le cycle de la "vacation forte" n'a à cet égard été retenu, après validation par l'administration centrale, que pour 15 % des unités de voie publique. Il est important à cet égard de souligner qu'en tout état de cause l'ensemble des nouveaux cycles de travail respecte aujourd'hui le droit communautaire. Par ailleurs, il doit être souligné que le directeur général de la police nationale (DGPN) a demandé une évaluation complète du dispositif de la "vacation forte" sur l'année 2018. Dans le département de l'Hérault, la mise en place de la "vacation forte" n'est à ce jour pas soutenable compte tenu des possibilités d'organisation des services et de leurs capacités opérationnelles, hormis pour l'unité canine légère et le groupe de sécurité de proximité de la circonscription de sécurité publique de Montpellier. Le préfet et le directeur départemental de la sécurité publique ont expliqué dans le détail les contraintes opérationnelles qui s'y opposent et en particulier les conséquences concrètes qu'un tel système emporterait tant pour le service rendu à la population que pour la sécurité des policiers. Dans l'Hérault comme ailleurs, la question de l'éventuelle extension à de nouvelles unités du cycle de la "vacation forte" pourra cependant être examinée lorsque les conditions le justifieront, mais toujours dans le respect des impératifs de service public précités, notamment en matière de "faisabilité opérationnelle". Il convient à cet égard de noter que le volume des effectifs ne peut être la seule variable prise en considération, les renforts de policiers décidés par le précédent Gouvernement comme par l'actuel visant avant tout à renforcer les capacités opérationnelles de lutte contre la délinquance. De ce point de vue, les arrivées prochaines de gardiens de la paix supplémentaires dans l'Hérault dans le cadre des mouvements de mutation, dans des volumes qui d'ailleurs ne sont pas ceux indiqués par l'auteur de la question écrite, ne constituent pas en elles-mêmes une réponse définitive, sachant de surcroît que la situation de chaque circonscription de police, avec leurs caractéristiques propres, doit être examinée individuellement. Il y a lieu également de souligner que la réforme des cycles horaires n'épuise pas la question des conditions de travail des policiers, et notamment du malaise qui a pu se manifester ces derniers mois dans certains de leurs rangs. Cette question est au cœur des préoccupations du ministère de l'intérieur. Les efforts déjà engagés pour moderniser leurs équipements, accroître leurs moyens et renforcer leur protection vont ainsi se poursuivre. Mais des réponses autres que matérielles ou techniques sont aussi indispensables. A cet égard, les mesures qui seront prises prochainement pour renouveler les modes d'action et le rapport à la population (police de la sécurité quotidienne…) et pour alléger les charges procédurales et les tâches indues - qui non seulement pèsent sur les policiers mais les éloignent aussi de leur métier - apporteront aussi des réponses aux très fortes attentes des policiers concernant le sens de leur mission, de leur vocation, et les conditions de son exercice sur le terrain. Le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, est déterminé à défendre et à soutenir les policiers. Au-delà des moyens et des modes d'action renouvelés, le dialogue social, la concertation et l'écoute sont donc nécessairement des exigences auxquelles il est particulièrement attentif.

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