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Romain Grau
Question N° 7352 au Ministère de l'action


Question soumise le 10 avril 2018

M. Romain Grau attire l'attention de M. le ministre de l'action et des comptes publics sur les incidences de la procédure en cours devant les juridictions européennes concernant les recours en manquement à l'encontre de la France concernant l'avoir fiscal pour les sociétés en fonction de leur lieu de résidence. Dans son arrêt « Manninen », la Cour de justice des communautés européennes a implicitement condamné un dispositif finlandais d'avoir fiscal. Cette législation, autorisant l'imputation d'un avoir fiscal lorsque la société distributrice est résidente nationale mais s'y opposant lorsque cette société n'est pas résidente, constitue selon la Cour une entrave à la liberté de circulation des capitaux garantie par le traité CE à ses articles 56 et 58. Il en a été tenu compte en France concernant le dispositif d'avoir fiscal français ainsi que celui du précompte, considérant les nombreuses similitudes du dispositif national avec celui qui avait cours en Finlande jusqu'à l'arrêt « Manninen ». Le régime fiscal des distributions a ainsi été modifié et l'avoir fiscal et le précompte adossé à ce dernier pour les personnes morales ont ainsi été supprimés à compter du 1er janvier 2005. Par la suite, une vingtaine de sociétés mères françaises ont alors introduit des recours contentieux, afin de bénéficier d'un avoir fiscal à raison des dividendes reçus de leurs filiales résidentes d'un État membre de l'Union européenne et d'ainsi obtenir le remboursement du précompte mobilier payé lors de la redistribution de ces dividendes invoquant la libre circulation des capitaux et la liberté d'établissement. Les premières décisions rendues sur ce contentieux l'ont été par le tribunal administratif et la Cour administrative d'appel de Versailles respectivement en décembre 2006 et en mai 2008, concernant les sociétés Accor et Rhodia, dossiers devenus « pilotes ». Les deux juridictions ont jugé que le dispositif de l'avoir fiscal et du précompte mobilier désavantageait les sociétés mères françaises ayant des filiales établies dans un autre État membre de l'Union européenne par rapport à celles qui avaient des filiales établies en France et était donc constitutif d'une restriction à la liberté de circulation des capitaux prohibée par l'article 56 du traité CE. Le Conseil d'État, saisi de deux pourvois en cassation de l'administration dirigés contre les arrêts de la Cour administrative d'appel de Versailles de mai 2008, a adressé plusieurs questions préjudicielles à la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) par une première décision Accor. Le Conseil d'État a demandé dans le même temps aux juridictions saisies d'affaires de ce type d'en geler l'instruction dans l'attente de la réponse de la Cour de justice puis de ses propres décisions. L'arrêt de la Cour de justice a été prononcé le 15 septembre 2011. Dans celui-ci, la Cour a invalidé dans sa décision le régime français ancien des distributions, dès lors qu'il réservait le bénéfice de l'avoir fiscal aux seuls dividendes de source française. Elle a cependant posé le principe selon lequel la France n'était pas tenue d'accorder un avoir fiscal sans tenir compte du niveau d'imposition réel des bénéfices de source communautaire appréhendés par les sociétés mères françaises, et a laissé au Conseil d'État le soin de trancher un certain nombre de questions relatives au quantum du litige. Les décisions de principe du Conseil d'État suivant l'arrêt de la Cour de justice ont été rendues publiques le 10 décembre 2012. Cependant, à sa connaissance, six sociétés ont déposé une plainte en juillet 2013 devant la Commission européenne à l'encontre des décisions du Conseil d'État du 10 décembre 2012, en vue d'obtenir une nouvelle saisine de la Cour de justice. L'instruction de cette procédure par les services de la Commission européenne est toujours en cours. Celle-ci a donné suite à ladite plainte et a engagé une procédure de recours en manquement à l'encontre de la France. Si une saisine de la Cour de justice de l'Union européenne aurait pour effet, selon le ministère de reporter l'issue définitive de l'ensemble du litige à un horizon beaucoup plus lointain. L'issue définitive de ce contentieux demeure donc incertaine. Dans ce contexte, il souhaiterait connaître la position du Gouvernement sur ce contentieux et les modalités de calcul de la provision pour litige afférente à la dernière partie de ce contentieux datant de plus de 13 ans.

Réponse émise le 9 octobre 2018

Après que la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a répondu le 15 septembre 2011 aux questions préjudicielles renvoyées par le Conseil d'Etat et jugé non conforme au droit de l'Union européenne (UE) le régime du précompte, la Haute Assemblée en a tiré les conséquences par ses décisions Accor et Rhodia du 10 décembre 2012. La CJUE a laissé le soin au Conseil d'État de déterminer, selon les principes contenus dans cette décision, le montant des restitutions auxquelles les sociétés requérantes pouvaient prétendre. Des sociétés françaises ont néanmoins soumis une plainte en 2013 auprès de la Commission européenne afin de remettre en cause la méthode retenue par le Conseil d'État pour calculer le montant du précompte mobilier devant être restitué. A la suite de cette démarche, la Commission a engagé une procédure en manquement contre le gouvernement français et saisi la CJUE le 10 juillet 2017. Les autorités françaises défendent que les griefs de la Commission à l'encontre de la jurisprudence du Conseil d'Etat ne sont pas fondés. Dans l'attente de la décision de la Cour, cette procédure fait peser un risque financier inscrit au passif du bilan de l'État dans la rubrique des provisions pour risques et charges. En effet, à la suite d'un éventuel arrêt en manquement de la CJUE, l'État pourrait être condamné par la juridiction administrative à des dommages et intérêts, pour un montant provisionné à 1 157 M€ au titre de l'exercice 2017 sur la base des prétentions indemnitaires déjà déposées par les sociétés. Le montant des conséquences financières d'une telle décision de la CJUE pourrait comprendre, en outre, celui des impositions contestées en droit interne et qui ont été définitivement jugées selon les principes fixés dans les décisions du Conseil d'État de 2012 pour lesquelles de nouvelles entreprises pourraient réclamer des dommages et intérêts dans les limites permises par les règles de prescription. Enfin, il est rappelé que les affaires encore pendantes devant les juridictions françaises relatives à des sociétés demandant le remboursement du précompte sur le fondement de l'arrêt de la CJUE de 2011, sur lesquelles un arrêt en manquement pourrait aussi avoir des conséquences, représentent un enjeu financier de 2 944 M€ pris en compte au titre des provisions pour risques sur litiges fiscaux.

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