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Béatrice Descamps
Question N° 7362 au Ministère de l'intérieur


Question soumise le 10 avril 2018

Mme Béatrice Descamps interroge M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur l'opportunité de communiquer aux maires de France l'identité des « fichés S » présents sur leur commune, et souligner la pertinence d'un tel procédé dans l'effort national commun et solidaire de lutte contre la radicalisation et contre le terrorisme. Les différents actes de barbarie perpétrés ces dernières années sur le territoire ont mis en exergue la justesse des « fiches S », puisque les terroristes passant à l'acte sont généralement détectés et fichés, mais également le défaut de surveillance, bien compréhensible au vu des moyens et des effectifs des forces de l'ordre et des services de renseignement, dont le travail absolument remarquable au quotidien n'est pas à remettre en cause. Parce qu'ils ne peuvent pas être partout, ces services ont besoin de relais, sur le terrain, par des vecteurs d'informations fiables et proches des individus. Utiliser les informations recueillies chaque jour par les services communaux (médiateurs, agents des CCAS, éducateurs, personnels des écoles, etc.), qui ont une connaissance fine des habitants, permettrait de constater les évolutions quotidiennes des « fichés S » et de leurs proches. Si les maires disposaient de la liste des « fichés S », ils pourraient être relais occasionnels de précieuses informations, et pourraient également éloigner ces « fichés S » des lieux-cibles et des publics-cibles privilégiés. À l'heure actuelle, une commune peut, en toute ignorance de cause, embaucher un « fiché S » pour surveiller une école, ouvrir une bibliothèque, ou encadrer une manifestation regroupant du public. Elle alerte le Gouvernement sur ce risque du quotidien non-négligeable et sur l'apport inestimable des élus locaux dans la prévention des actes terroristes, s'il était décidé de transmettre aux maires la liste des « fichés S ». Elle lui demande quelle est la position du Gouvernement sur cette question.

Réponse émise le 15 janvier 2019

Les fiches S sont émises par les services de renseignement pour diffusion au sein du fichier des personnes recherchées (FPR) et au système d'information Schengen (SIS) au titre de la sûreté de l'Etat. Elles constituent un outil de surveillance, et d'aide à l'investigation administrative, sans aucun caractère coercitif. Elles permettent aux services de recueillir, en toute discrétion, des données sur un individu (entourage déplacement, moyens de transport) lors de son passage frontière ou d'un contrôle sur le territoire national ou dans un des Etats Schengen. Dans la mesure où les fiches S sont émises dans le cadre d'une enquête administrative, celles-ci ne constituent en aucun cas une évaluation ou un indice de la dangerosité d'un individu, ni a fortiori de sa supposée implication dans une infraction pénale. Il n'est dès lors par envisageable de les communiquer aux élus dans la mesure où le secret, gage de l'efficacité du travail de renseignement, conditionne directement l'utilité des fiches S. De même, la transmission de telles informations nuirait directement à la confidentialité des enquêtes de renseignement en cours. Enfin, la compromission de cette confidentialité, outre la responsabilité personnelle qu'elle ferait peser sur les auteurs de toutes diffusions incontrôlées, serait de nature à obérer l'aboutissement des investigations en renseignement et donc, in fine leurs chances d'être prises en compte par l'autorité judiciaire. Pour autant, il convient de souligner que le Gouvernement n'est pas demeuré inactif face à la nécessité de promouvoir une meilleure complémentarité entre les politiques locales des collectivités territoriales et l'action engagée par l'Etat en ce domaine. En effet, à l'issue du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR) le 23 février 2018 à Lille, le Premier ministre a présenté les 60 mesures prévues par le plan national de prévention de la radicalisation. Parmi les principaux axes de travail présentés par le Gouvernement dans ce plan figurent l'objectif de « compléter le maillage détection/prévention  » ainsi que celui « d'impliquerles collectivités territoriales dans les prises en charge » des personnes présentant des signes de radicalisation, et l'accompagnement de leur famille.  Pour la mise en œuvre du premier objectif, les collectivités territoriales sont ainsi invitées à nommer des « référents », élus et/ou coordonnateurs du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance et du conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD/CISPD), afin de renforcer et sécuriser l'échange d'information avec les cellules de prévention de la radicalisation et d'accompagnement des familles (CPRAF) et améliorer les dispositifs de détection, de signalement et de prise en charge des personnes radicalisées. Est également prévu par le gouvernement l'élaboration d'un cadre national de formation en direction des élus « destiné à être décliné au niveau territorial en vue d'intensifier les actions de formations des agents territoriaux » en lien notamment avec le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et le Conseil national de la formation des élus locaux (CNFEL). Conformément aux annonces du Président de la République en mai 2018, Christophe CASTANER, ministre de l'intérieur, a signé le 13 novembre 2018 une circulaire renforçant les échanges entre les préfets et les maires en matière de radicalisation. Répondant à une attente exprimée de longue date par les maires, cette circulaire prévoit que les préfets informeront les maires qui en font la demande sur l'état général de la menace sur le territoire de leur commune. Elle prévoit en outre la désignation, au sein des services de l'Etat, d'interlocuteurs de proximité pour permettre aux maires de signaler, en temps réel, une situation de radicalisation présumée, et garantit aux maires un retour systématique sur les signalements qu'ils effectuent. Enfin, elle autorise le préfet, dans certaines situations, à transmettre personnellement au maire des informations confidentielles nominatives, par exemple pour attirer son attention sur le profil d'un employé municipal présentant un risque de radicalisation, ou encore sur les risques associés au subventionnement d'une association ou d'un commerce. Pour garantir la confidentialité des échanges ainsi que celle du travail des services de police, de gendarmerie et de renseignement, une charte sera signée entre le préfet, le maire et le procureur de la République. Pour la mise en œuvre du second objectif, le plan prévoit de s'appuyer sur les sous-préfets d'arrondissement et les délégués du préfet pour développer les actions de coopération entre les collectivités territoriales et les services de l'Etat en lien avec les CPRAF et les opérateurs sociaux de proximité (CAF, missions locales, etc.). Sont également prévus dans ce cadre, le renforcement de l'action des conseils départementaux dans le suivi des enfants de familles de retour des zones d'opérations de groupement terroristes en lien avec les CPRAF au niveau local et le SG-CIPDR au niveau national, ainsi que la généralisation des plans de prévention de la radicalisation dans les contrats de ville.

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