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François Ruffin
Question N° 7775 au Ministère de la justice


Question soumise le 24 avril 2018

M. François Ruffin interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les répercussions du conflit social qui s'est déroulé entre les gardiens de prison et le ministère de la justice. Les gardiens de prisons se sont plaints à maintes reprises de leurs conditions de travail nettement détériorées, dues entre autres à la surpopulation carcérale et aux manques de moyens et d'effectifs. En apparence, ce conflit d'une ampleur inégalée depuis 1995, a été résolu lors de la signature de l'accord entre le Gouvernement et le syndicat majoritaire, l'Ufap-Unsa, après 12 jours de grève. Les gardiens en arrêt maladies ont étés mis en demeure de retourner au travail, malgré les certificats médicaux attestant de leur non-aptitude à reprendre le travail. Le personnel pénitentiaire n'ayant pas le droit de grève, ces arrêts de travail sont, la seule manière pour le personnel en souffrance psychologique de se faire entendre. La direction a ainsi fait fi de l'expertise médicale. À la prison de Lannemezan, la direction a de plus décidé d'une retenue des jours d'arrêts maladie pris pendant le mouvement social sur la paie du mois de mars 2018. Le personnel concerné se verra donc amputé jusqu'à la moitié de son salaire. Il semblerait que cette sanction ait été généralisée à tous les établissements pénitentiaires ayant connu un mouvement de grève, par une note de service du ministère de la justice. Le député s'interroge sur la gestion du conflit par Mme la ministre. Il lui demande comment peut-elle à la fois prétendre écouter les revendications des gardiens et en même temps sanctionner les grévistes.

Réponse émise le 17 juillet 2018

L'article 1er de l'ordonnance no 58-696 du 6 août 1958 relative au statut spécial des fonctionnaires des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire prévoit que « en raison des sujétions et des devoirs exceptionnels attachés à leurs fonctions les personnels des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire […] sont régis par un statut spécial ». L'article 3 de la même ordonnance précise que "toute cessation concertée du service, tout acte collectif d'indiscipline caractérisée de la part des personnels des services extérieurs de l'administration pénitentiaire est interdit. Ces faits, lorsqu'ils sont susceptibles de porter atteinte à l'ordre public, pourront être sanctionnés en dehors des garanties disciplinaires ». L'article 86 al.1 du décretn° 66-874 du 21 novembre 1966 portant règlement d'administration publique relatif au statut spécial des fonctionnaires des services déconcentrés de l'administrationpénitentiaire dispose que « l'autorité investie du pouvoir de nomination peut, sans consulter le conseil de discipline, prononcer toutes sanctions disciplinaires dans le cas d'acte collectif d'indiscipline caractérisée ou de cessation concertée du service, lorsque ces faits sont susceptibles de porter atteinte à l'ordre public. » Il ressort ainsi des textes en vigueur, mais également de la jurisprudence administrative récente (TA d'Amiens, jugement du 24/04/2015, et TA de Lyon, ordonnance du 28/11/2017) qu'en présence de certificats médicaux prescrivant à de nombreux agents pénitentiaires des arrêts de travail sur la même période que celle où se déroule un mouvement de cessation concertée de service, et en l'absence d'un évènement de nature sanitaire, l'administration est fondée à considérer que les absences de ces agents ne sont pas justifiées par un motif médical et peut opérer une retenue sur le traitement de l'agent pour service non fait (TA d'Amiens, 24 avril 2015, no 1302763). La direction de l'administration pénitentiaire considère que les agents concernés ne sont pas en position régulière mais en absence injustifiée liée à un mouvement de cessation concertée de service : en application de l'article 64 de la loi du 11 janvier 1984, elle est donc tenue de suspendre jusqu'à la reprise effective de leur service par les intéressés le versement de leur traitement qui, de leur fait, n'ont pas accompli leur service (cf. CE, 15 janvier 1997, no 135693, Institut de recherche en informatique). Plus précisément, l'article 4 de la loi de finances rectificative du 29 juillet 1961 dispose que « le traitement exigible après service fait, est liquidé selon les modalités édictées par la réglementation sur la comptabilité publique. L'absence de service fait pendant une fraction quelconque de la journée donne lieu à une retenue dont le montant total est égal à la fraction du traitement frappée d'indivisibilité en vertu de la réglementation prévue à l'alinéa précédent. (…) ». Ainsi, en procédant aux retraits de trentièmes, la direction de l'administration pénitentiaire n'a fait que se conformer à la réglementation en vigueur et prendre les mesures nécessaires afin d'assurer la sécurité et l'ordre de ses établissements et services, la bonne exécution de ses missions, et partant, la continuité du service public pénitentiaire. Pour autant, le ministère de la Justice n'est pas resté sourd aux revendications des personnels de surveillance. En effet, le relevé de conclusions signé à l'issue du conflit contient de nombreuses mesures de nature à répondre aux attentes des personnels pénitentiaires : augmentation des recrutements pour combler les vacances de postes en détention, amélioration des conditions de travail et de sécurité des personnels (équipements, dotations, moyens de communication), prise en charge des détenus violents et radicalisés. Un important effort indemnitaire a également été mis en œuvre par le Gouvernement par une série d'arrêtés du 13 février 2018 : alignement de la prime de sujétion spéciale (PSS) sur la police nationale, revalorisation de 400 € du montant de référence de l'indemnité pour charges pénitentiaires (ICP), revalorisation de l'indemnité forfaitaire pour travail du dimanche et des jours fériés. Ainsi, l'ensemble des mesures décidées à l'issue du mouvement social du début de l'année témoigne de la prise en compte des revendications des personnels de surveillance par le ministère de la Justice, et de sa volonté de reconnaître davantage encore la spécificité de leurs missions et des contraintes qui y sont liées.

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