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Typhanie Degois
Question N° 7818 au Ministère des solidarités


Question soumise le 24 avril 2018

Mme Typhanie Degois appelle l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur l'enjeu de l'antibiorésistance. La stratégie nationale de santé 2018-2022, résultant d'un processus de concertation avec les acteurs de la santé et les autres ministères concernés, a permis d'aboutir à un ensemble de propositions. À cet effet, la préservation de l'efficacité des antibiotiques est une des mesures proposées afin de répondre à l'émergence des résistances bactériennes identifiée par l'Organisation mondiale de la santé comme l'une des menaces globales majeures des prochaines décennies. L'étude « Tous ensemble, sauvons les antibiotiques » présentée par le docteur Jean Carlet et M. Pierre Le Coz en juin 2015 a révélé que 150 000 patients français développent une infection liée à une bactérie multirésistante, et que plus de 12 500 personnes en décèdent chaque année. Cette analyse a également permis de révéler que 30 % des antibiothérapies étaient prescrites inutilement, et que la France demeurait un pays sur-consommateur d'antibiotiques à l'échelle européenne. À titre de comparaison, la consommation nationale d'antibiotiques est supérieure de 30 % à la moyenne continentale, et certains pays européens voisins, à l'image des Pays-Bas ou de la Suède, consomment jusqu'à trois fois moins d'antibiotiques que la France. Un rapport datant d'octobre 2017 produit par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a permis de relever que si la consommation d'antibiotiques a globalement diminué de 11,4 % entre 2000 et 2015, celle-ci est en hausse de 5,4 % sur les cinq dernières années de l'étude. Il est donc urgent que des mesures soient prises tant au niveau environnemental que sanitaire, et ce dans le cadre d'une approche « Un monde, Une santé » défendue par l'Organisation mondiale de la santé. En effet, le développement de l'antibiorésistance est lié à une consommation d'antibiotiques non maîtrisée, aussi bien chez l'être humain que chez l'animal, mais également à une contamination secondaire de l'environnement. Selon les données publiées par l'Organisation mondiale de la santé, plus de la moitié des antibiotiques produits dans le monde sont destinés aux animaux, dont une très grande majorité est utilisée dans le cadre d'élevage industriel. Cette surconsommation d'antibiotiques sur les animaux destinés à la consommation humaine a un impact immédiat sur l'environnement par le rejet de certains produits dans les sols et cours d'eau. Afin d'y faire face, la France a lancé un plan gouvernemental en 2012 qui a déjà permis de réduire de 37 % l'utilisation des antibiotiques en santé animale au niveau national. Toutefois, les efforts en la matière doivent être poursuivis. La stratégie nationale de santé humaine se doit donc nécessairement d'être accompagnée par un renforcement des mesures déjà prises en matière de santé animale, mais également par un développement de la lutte contre la contamination environnementale, afin de diminuer la prescription et consommation excessive d'antibiotiques et ainsi conserver leur efficacité. Tandis qu'en novembre 2018 se tiendra la semaine mondiale pour un bon usage des antibiotiques, elle lui demande quelle est la feuille de route établie en matière d'antibiorésistance pour les années à venir et quelles sont les mesures concrètes qui seront prises afin de lutter contre l'antibiorésistance chez l'être humain mais aussi chez l'animal.

Réponse émise le 5 juin 2018

Depuis le début des années 2000, la France mène une politique de maîtrise de l'antibiorésistance. Plusieurs plans antibiotiques ont été mis en œuvre en santé humaine, animale et dans l'environnement. Ces actions ont été accentuées depuis 2015. Si l'antibiorésistance s'est hissée au rang des priorités parmi les menaces sanitaires au niveau mondial, elle demeure cependant un danger sous-évalué par le grand public et les professionnels eux-mêmes (médecins, professionnels de santé, vétérinaires, éleveurs, agronomes, écologues, évolutionnistes, hydrologues, …). Le phénomène reste encore peu visible, alors que l'image traditionnelle de « toute puissance » des antibiotiques perdure. En conséquence, les antimicrobiens sont encore insuffisamment perçus comme un bien commun, fragile et menacé, qu'il faut préserver. Pour ces raisons, le premier Comité Interministériel pour la Santé (CIS) a été consacré à la préparation et à l'adoption, en novembre 2016, d'une feuille de route interministérielle visant à maîtriser l'antibiorésistance, construite sur les bases du rapport Carlet-LeCoz. Celle-ci se compose de 40 actions réparties en 13 mesures phare, regroupées en 5 axes. Elle a pour objectif de réduire l'antibiorésistance et ses conséquences sanitaires, notamment en diminuant la consommation d'antibiotiques de 25 % d'ici 2020. Pour orchestrer l'élaboration et la mise en œuvre de cette feuille de route, un délégué ministériel a été placé sous l'autorité de la ministre chargée de la santé. Compte tenu de l'importance d'actions conjointes entre santé humaine, animale et environnementale pour maitriser le problème, la feuille de route est interministérielle et aborde donc des actions aussi bien en santé humaine, en santé animale et en santé des écosystèmes. Elle intègre les plans sectoriels spécifiques à savoir le programme national d'actions de prévention des infections associées aux soins (Propias) et le plan EcoAntibio2 consacré à l'utilisation des antibiotiques dans le secteur vétérinaire. Son suivi est assuré par un comité interministériel qui se réunit régulièrement. Concrètement,  il s'agit de mettre en œuvre des actions de : - Sensibilisation et de communication auprès du grand public et des professionnels de santé : lancement d'un programme de sensibilisation à la prévention de l'antibiorésistance. A ce jour, une identité visuelle interministérielle est en cours de préparation. L'accent est notamment porté sur l'éducation pour la santé des jeunes et l'information des propriétaires d'animaux via par exemple des logiciels éducatifs ; - Formation des professionnels de santé et incitations au bon usage des antibiotiques en médecine humaine et vétérinaire : amélioration de la formation des professionnels de santé au bon usage des anti-infectieux ; renforcement de l'encadrement de la prescription des antibiotiques lié à l'évolution des logiciels d'aide à la prescription ; amélioration de la pertinence des traitements, notamment grâce à l'usage accru des tests rapides d'orientation diagnostique ; modification des conditionnements de certains antibiotiques afin de mieux les adapter aux durées de traitement ; développement des mesures de prévention, en particulier la vaccination. - Recherche et innovation en matière de maîtrise de l'antibiorésistance : Structuration et coordination des efforts de recherche, de développement et d'innovation sur l'antibiorésistance et ses conséquences ; mise en œuvre d'une politique proactive de partenariats public-privé et d'accompagnement de l'innovation ; Valorisation et préservation des produits contribuant à la maîtrise de l'antibiorésistance. Dans ce cadre, plusieurs projets relatifs à la lutte contre l'antibiorésistance ont été sélectionnés par la Banque publique d'investissement (Bpifrance) lors du récent concours national à l'innovation. - Mesure et surveillance de l'antibiorésistance : renforcement de la surveillance de l'antibiorésistance et de la consommation d'antibiotiques ; diffusion plus large et plus accessible des données de surveillance avec une publication annuelle des résultats synthétiques. Développement au niveau européen et national de nouveaux indicateurs (globaux et spécifiques) visant à mesurer l'antibiorésistance et l'exposition aux antibiotiques conjointement chez l'homme, l'animal et dans l'environnement, travail dont une partie est en cours de réalisation dans le cadre de l'Action conjointe européenne sur la résistance aux antibiotiques et les infections associées aux soins (EU-JAMRA), lancée en septembre 2017 et que la France coordonne. Parallèlement, les positions de la France seront portées au niveau européen et international par le ministère en charge des affaires étrangères, afin notamment d'interdire universellement l'usage des antibiotiques en tant que promoteurs de croissance en élevage, et de porter au niveau européen un projet de mécanisme d'encadrement spécifique, associé à un modèle économique soutenable, pour permettre le développement de nouveaux produits ainsi que la préservation des anciens antibiotiques qu'il est indispensable de maintenir disponibles dans l'arsenal thérapeutique. En santé animale, les résultats des actions menées notamment au cours du plan Ecoantibio, ont été très positifs : sur les cinq dernières années, l'exposition globale des animaux aux antibiotiques a ainsi diminué de 36,6 %. Le recours aux antibiotiques dits « critiques » a également baissé. Ces bons résultats témoignent d'un engagement efficace de toutes les parties prenantes qui doivent rester mobilisées, et poursuivre les efforts pour préserver l'efficacité des antibiotiques, en améliorant notamment la biosécurité en élevage et en favorisant les alternatives aux antibiotiques et la vaccination. Les mesures citées précédemment devraient permettre de déclencher une réelle prise de conscience ; l'objectif partagé est de réduire les prescriptions superflues d'antibiotiques, qui représentent encore une part trop importante de la consommation globale d'antibiotiques, et ainsi réduire les résistances.

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