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Philippe Berta
Question N° 7819 au Ministère des solidarités


Question soumise le 24 avril 2018

M. Philippe Berta attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur le constat dressé par l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) d'une hausse préoccupante du nombre de signalements de rupture de stock de médicaments d'intérêt thérapeutique majeur (MITM) et sur les conséquences que cette situation engendre pour les patients dont le pronostic vital peut être mis en jeu par une interruption de traitement. En 2017, près de 530 médicaments d'intérêt thérapeutique majeur ont été signalés en pénurie, soit une augmentation de 30 % par rapport aux 438 cas signalés en 2016 et une multiplication par 10 du nombre de signalements depuis 2008. Le terme de « rupture » est employé lorsqu'une pharmacie de ville ou d'hôpital est dans l'incapacité de délivrer un médicament dans un délai de 72 heures. Parmi les médicaments concernés, des anti-infectieux généraux (dont certains vaccins) et des médicaments ciblant le système nerveux (dont certains traitements de l'épilepsie ou de la maladie de Parkinson) comptent chacun pour 20 % des signalements. Suivent des médicaments ciblant le système cardio-vasculaire, des pathologies sanguines, musculo-squelettiques et digestives. Plusieurs raisons sont avancées pour expliquer ce phénomène de pénuries : le faible nombre de fabricants en France et la fragmentation de la chaîne de production, les délais d'approbation et de contrôle, les défaillances des outils de production ou de la logistique, les stratégies industrielles de production en flux tendu, les défauts de qualité, les durées de péremptions qui limitent les capacités de stockage, le différentiel de prix des médicaments en Europe qui incite les distributeurs à l'exportation, l'augmentation du volume des ventes ou encore les difficultés d'approvisionnement en matière première. Le législateur a confié à l'ANSM un rôle d'anticipation, d'information et de coordination lorsqu'une situation de rupture de stock se produit. Chargée du calcul des risques, l'Agence peut également provisionner des stocks de sécurité. Il incombe à l'industriel de tenir informer l'ANSM, les professionnels de santé et les associations de patients des risques de rupture et de formuler des propositions. En conséquence, il souhaite savoir si une concertation est menée par le ministère avec l'Agence nationale de sécurité du médicament et les professionnels du médicament afin de remédier à cette situation, et si l'objectif de mettre un terme à cette situation pénalisante pour les patients sera inscrit parmi les priorités du 8ème Conseil stratégique des industries de santé (CSIS) programmé en juillet 2018.

Réponse émise le 5 juin 2018

Les ruptures de stock de médicaments et les tensions d'approvisionnement ont des origines multifactorielles susceptibles d'intervenir tout au long de la chaîne de production et de distribution. Dans ce cadre, les laboratoires pharmaceutiques sont tenus de prévenir et de gérer les ruptures de stocks des médicaments qu'ils commercialisent. Ils doivent assurer un approvisionnement approprié et continu du marché national et prennent toute mesure utile pour prévenir et pallier toute difficulté d'approvisionnement. Pour autant, compte tenu de l'augmentation des signalements de ruptures et risques de ruptures de stock constatée ces dernières années, la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé et son décret d'application du 20 juillet 2016 relatif à la lutte contre les ruptures d'approvisionnement de médicaments ont apporté de nouvelles mesures de prévention et de gestion des ruptures de stock au niveau national afin de redéfinir les instruments à la disposition des pouvoirs publics et de renforcer les obligations qui pèsent sur les acteurs du circuit de fabrication et de distribution. En ce sens, pour les médicaments d'intérêt thérapeutique majeur (MITM) mentionnés à l'article L. 5111-4 du code de la santé publique et pour certains vaccins mentionnés par l'arrêté du 26 juillet 2016 pour lesquels du fait de leurs caractéristiques, la rupture ou le risque de rupture de stock présente pour les patients un risque grave et immédiat, les entreprises exploitant ces médicaments, sont désormais contraintes d'élaborer et de mettre en place des plans de gestion des pénuries (PGP) dont l'objet est de prévenir et de pallier toute rupture de stock. Ces plans prévoient ainsi par anticipation notamment la création de stocks de sécurité, le recours à d'autres sites alternatifs de fabrication des matières premières et des spécialités pharmaceutiques, l'identification de spécialités équivalentes à l'étranger en vue d'une éventuelle importation, etc. Ces dispositions sont entrées en vigueur en janvier 2017 et font l'objet d'une mise en œuvre progressive par les industriels concernés. L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) prend progressivement connaissance des documents et des PGP ainsi élaborés afin de questionner, au cas par cas, s'il y a lieu, les mesures proposées si elles s'avèrent insuffisantes. De plus, les laboratoires pharmaceutiques sont également tenus d'informer sans délai l'ANSM de toute rupture ou risque de rupture de stock sur ces médicaments en précisant les délais de survenue, les stocks disponibles, les modalités de disponibilité et les délais prévisionnels de remise à disposition et l'identification de spécialités pouvant se substituer à la spécialité pharmaceutique en défaut. Ils sont également tenus, pour les MITM, de mettre en place, après accord de l'ANSM, les solutions alternatives prévues dans le PGP, permettant de faire face à cette situation, ainsi que des mesures d'accompagnement et d'information des professionnels de santé et des patients. Dans ce cadre, l'ANSM intervient lorsqu'une rupture de stocks ou un risque de rupture lui est signalé, afin d'assurer au mieux la sécurisation, au plan national, de l'accès des patients aux MITM ne disposant pas d'alternatives thérapeutiques, par l'accompagnement des laboratoires dans la gestion de telles difficultés (notamment par le biais de contingentement des stocks et de l'information des professionnels de santé et des patients). Pour autant, à ce jour elle ne peut se substituer aux industriels en ce qui concerne la production ou le stockage de médicaments, ni imposer de contraintes précises en la matière. De plus, il appartient à l'ANSM de publier, sur son site internet (www.ansm.sante.fr), la liste des MTIM ne disposant pas d'alternatives thérapeutiques appropriées ou disponibles en quantité suffisante pour lesquels une rupture ou un risque de rupture de stock est mis en évidence, et de décider si ces médicaments peuvent être vendus au détail par les pharmacies à usage intérieur des hôpitaux ou si les spécialités importées, le cas échéant, peuvent être délivrées en officine. L'ANSM tient également à jour sur son site internet, une rubrique qui recense ces médicaments faisant l'objet de difficultés d'approvisionnement en France, accompagnée d'un certain nombre de documents d'information à l'attention des professionnels de santé et des patients, sur la situation relative à l'approvisionnement de la spécialité concernée ainsi que sur les mesures mises en œuvre pour assurer le traitement des patients. Par ailleurs, la loi du 26 janvier 2016 impose désormais aux grossistes-répartiteurs qu'ils participent à la prévention et à la gestion des ruptures de médicaments, au titre des obligations de service public qui leur incombent. Dans ce contexte, elle prévoit également qu'ils peuvent vendre en dehors du territoire national ou aux distributeurs en gros à l'exportation des médicaments lorsqu'ils ont rempli leurs obligations de service public. Et en cas de rupture ou de risque de rupture de MTIM, ils ne peuvent pas vendre ces derniers en dehors du territoire national ou aux distributeurs en gros à l'exportation des médicaments. Enfin, le fait pour un laboratoire pharmaceutique de ne pas respecter l'obligation d'information de tout risque de rupture de stock ou de toute rupture de stock qui lui incombe ou le fait de ne pas respecter son obligation de mettre en place des solutions alternatives ou des mesures prévues par les PGP et des mesures d'accompagnement des professionnels de santé et des patients s'expose à des sanctions financières prononcées par l'ANSM, pouvant aller jusqu'à 30% du chiffre d'affaires réalisé en France par le produit concerné. Dans le même sens, la méconnaissance pour un grossiste-répartiteur de ses obligations de service public est également passible de sanction financière. En parallèle, l'ANSM continue d'échanger avec ses homologues européens afin de faire des propositions d'actions au niveau européen, le phénomène n'étant pas limité au seul territoire français.

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