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Éric Diard
Question N° 7902 au Ministère auprès de la ministre de la transition écologique


Question soumise le 24 avril 2018

M. Éric Diard attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur le fait que dans le contentieux de l'urbanisme commercial, il existe une règle de contentieux administratif qui peut retarder gravement les projets : celle selon laquelle une demande de substitution de motifs n'est recevable que si elle émane de l'auteur de l'acte. En effet, la commission nationale de l'aménagement commercial émet un avis global et prend parfois une décision défavorable pour des motifs non invoqués dans le recours administratif préalable obligatoire formé devant elle. Si les motifs retenus par cette commission sont considérés comme infondés par la cour administrative d'appel, cette dernière ne peut pas vérifier si les motifs invoqués dans le RAPO justifient néanmoins le maintien de la décision défavorable, faute d'avoir été invoqués par l'auteur de l'acte. La cour administrative d'appel de Marseille l'a jugé récemment et cela est conforme à la jurisprudence du Conseil d'État. Ainsi, pour que le bien-fondé des motifs du RAPO soient tranchés par le juge, il faut attendre la nouvelle décision que rendra la CNAC pour l'exécution de la décision de la cour administrative d'appel, puis introduire une nouvelle instance devant cette cour. Le cas n'est pas simplement théorique et nombre de projets ont été gravement retardés pour cette raison, ce à quoi il pourrait être remédié par l'aménagement des règles de recevabilité de la substitution de motifs. Enfin, les retards de projets de construction ne sont pas uniquement le fait des recours, mais parfois aussi de refus d'autorisation qui n'ont pas lieu d'être. Il paraît opportun d'améliorer l'efficacité de l'article L. 424-3 alinéa 2 du code de l'urbanisme en prévoyant l'injonction par le juge de délivrer l'autorisation en cas d'illégalité des motifs de refus, et plus largement de traiter les refus abusifs, dont l'existence ne peut être niée, avec la même sévérité que les recours abusifs. Il souhaite donc connaître la position du Gouvernement sur ce sujet et les mesures qu'il entend prendre en ce sens le cas échéant.

Réponse émise le 20 octobre 2020

La saisine de la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) constitue un recours administratif préalable obligatoire (RAPO) pour quiconque (maire de la commune d'implantation et préfet du département exceptés) entend contester l'avis ou la décision rendu (e) par la Commission départementale d'aménagement commercial (CDAC). Dans les faits, les RAPO émanent soit du pétitionnaire dont l'autorisation a été refusée en CDAC, soit quasi exclusivement de tiers concurrents, afin d'empêcher ou de ralentir la réalisation des projets. Ces recours doivent être motivés les requérants doivent expliquer en quoi, selon eux, la CDAC s'est trompée, en particulier dans son appréciation des effets du projet d'aménagement commercial, mais la CNAC n'est pas liée par les motifs d'annulation ainsi évoqués. En effet en droit de l'aménagement commercial, le principe demeure l'autorisation, laquelle, ne peut, comme l'a consacré le Conseil d'Etat, être refusée que si les effets du projet compromettent la réalisation des objectifs prévus à l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 et à l'article L. 750-1 du Code de commerce (CE, 12 décembre 2012, no 353496). Ces objectifs sont notamment la liberté d'entreprendre, la concurrence claire et loyale, et la satisfaction des besoins des consommateurs ainsi que le respect et des exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. C'est pourquoi la CNAC vise, dans ses avis défavorables et décisions de refus, tous les effets négatifs qu'elle a identifiés et qui, selon elle, compromettent la réalisation des objectifs précités et motivent donc son avis ou sa décision défavorable. La CNAC n'est donc pas limitée aux motifs invoqués par le RAPO. De plus lorsque la CNAC confirme le refus ou l'avis défavorable de la CDAC, c'est qu'elle a été saisie par le pétitionnaire, susceptible de saisir ensuite la Cour administrative d'appel (CAA). Dans ce cas, les motifs invoqués dans le RAPO (saisine de la CNAC) se retrouvent dans le dossier contentieux, recours administratif et recours contentieux ayant le même auteur (c'est-à-dire le porteur du projet). La même identité de requérant et de moyens se retrouve quand la CNAC confirme l'autorisation ou l'avis favorable de la CDAC. En revanche si la CNAC annule l'avis ou la décision de la CDAC pour statuer dans le sens opposé, c'est qu'elle statue dans le sens souhaité par l'auteur du RAPO dans ce cas, l'auteur du recours contentieux sera différent de l'auteur du RAPO, et soutiendra des moyens contraires à ceux qui ont motivé la saisine de la CNAC. Il n'y a donc pas de situation où la règle selon laquelle une demande de substitution de motifs n'est recevable que si elle émane de l'auteur de l'acte serait bloquante. Par ailleurs les avis et décisions de la CNAC ne sont pas systématiquement déférés à la censure des juridictions. Le taux de recours ne cesse même de diminuer depuis 2015, pour passer sous la barre des 40 % en 2017. Les juges n'annulent pas tous les refus de la CNAC (41 % en 2017) et, quand bien même un refus est annulé, il n'est pas pour autant jugé abusif : l'abus suppose une volonté de nuire qui ne peut être attribuée à la CNAC, dont le rôle régulateur et pédagogique a été souligné à l'occasion des débats sur la loi de l'évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN). Enfin en ce qui concerne les refus abusifs des autorisations de construire généralement nécessaires, si le juge ne possède pas la faculté d'accorder une autorisation de construire suite à l'annulation d'un refus, il doit néanmoins, dans cette hypothèse, aller au-delà d'une simple injonction à l'administration de réinstruire l'autorisation, pour lui enjoindre de délivrer cette dernière, et ce sauf si la situation de fait a changé depuis la décision de l'administration ou si celle-ci a omis un motif d'illégalité dans sa décision initiale (CE, 25 mai 2018, Préfet des Yvelines, req. n° 417350).

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