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Marie-France Lorho
Question N° 8027 au Ministère de l'europe


Question soumise le 1er mai 2018

Mme Marie-France Lorho interroge M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la légalité des frappes commises en Syrie le 14 avril 2018. Garant du maintien de la paix, c'est le Conseil de sécurité des Nations unies qui se doit de prendre les décisions d'ordre non procédural ; l'article 27 de la Charte des Nations unies dispose que ces décisions requièrent la voix de la majorité, soit l'aval de neuf membres sur les quinze que compte le Conseil. L'intervention militaire en Syrie viole ledit article puisque seuls trois membres sur quinze ont décidé de cette action. En se prévalant d'une adhésion supposée, cette coalition française, britannique et américaine a également violé le vote au sein du Conseil de sécurité qu'exige toute intervention de ce type. Le recours du Président de la République à la résolution 2118 est invalide en ce que cette disposition du Conseil de sécurité relève du vote des membres de cette autorité ; en somme, pour intervenir au nom de ladite résolution, il fallait recourir au vote du Conseil. Les seules exceptions au recours à la force sont les décisions prononcées par le Conseil, au titre des articles 39 à 50 de la Charte, ou la légitime défense, au titre de l'article 51 de la Charte des Nations unies. « Le droit international ne prévoit pas qu'un ou plusieurs États, tout membre permanent du Conseil de sécurité soit-il, puissent faire un usage discrétionnaire de la force armée s'ils constatent qu'un État rompt la paix ou en agresse un autre », note à juste titre l'avocat spécialisé en droit international, M. Daniel Soulez Larivière. Selon lui, l'intervention militaire ne serait donc pas « juridiquement légale ». De telles violations du droit international risquent d'engendrer un grand nombre de plaintes légitimes à l'encontre de la France. Elle lui demande quelles mesures de réparation il va prendre à l'égard de cette intervention reconnue illégale dans le cadre du droit international.

Réponse émise le 19 juin 2018

Les critiques à l'égard de la licéité des actions menées par la France en Syrie le 14 avril 2018 sont infondées. En premier lieu, les actions menées par la France en Syrie le 14 avril 2018 étaient indispensables pour faire cesser les violations flagrantes de principes fondamentaux du droit international commises par le régime syrien, susceptibles de constituer des crimes d'une exceptionnelle gravité. L'utilisation d'armes chimiques par le régime syrien contre sa population constituait en effet une triple violation de règles du droit international : - elle violait les obligations internationales de la Syrie en matière d'interdiction d'emploi des armes chimiques, en particulier au titre du Protocole concernant la prohibition d'emploi à la guerre de gaz asphyxiants, toxiques ou similaires et de moyens bactériologiques de 1925 et de la Convention sur l'interdiction des armes chimiques (CIAC), auxquels la Syrie est partie ; - elle constituait en outre une violation des règles fondamentales du droit international humanitaire, à savoir les principes de distinction, de précaution et de proportionnalité ; - enfin, elle violait les résolutions adoptées par le Conseil de sécurité des Nations unies – en particulier des résolutions 2118, 2209 et 2335 – interdisant tout usage d'armes chimiques en Syrie et exigeant du régime le démantèlement de son arsenal. En deuxième lieu, les actions menées par la France en Syrie le 14 avril s'inscrivaient dans le cadre des initiatives prises par le Conseil de sécurité pour répondre à une situation constitutive d'une menace à la paix et à la sécurité internationales. Dès 2013, le Conseil de sécurité avait en effet qualifié l'emploi d'armes chimiques en Syrie de menace contre la paix et la sécurité internationales. Le Conseil de sécurité avait également décidé par sa résolution 2118 que, si les obligations imposées en vertu des résolutions adoptées à propos de la situation en Syrie n'étaient pas respectées, il imposerait des mesures au titre du chapitre VII de la Charte, c'est-à-dire des mesures coercitives, pouvant aller jusqu'à l'emploi de la force. Le Conseil de sécurité s'est cependant trouvé dans l'incapacité de prendre ces mesures en raison des multiples vetos opposés par la Russie. La licéité de cette action n'a toutefois pas été mise en cause par le Conseil de sécurité. Saisi par la Russie, le 14 avril 2018, d'un projet de résolution condamnant les frappes menées la veille en Syrie par la France, les Etats-Unis et le Royaume-Uni, le Conseil de sécurité a en effet refusé, à une très large majorité, de qualifier ces actions de violation du droit international. Le texte russe n'a recueilli que trois voix pour, le pire résultat pour un texte soumis au Conseil depuis 20 ans. En troisième lieu, l'opération du 14 avril, menée dans le respect des conditions de nécessité et de proportionnalité en matière d'emploi de la force, était conforme aux règles du droit international humanitaire. Les actions menées par la France le 14 avril 2018, conformes aux buts et valeurs de la Charte des Nations unies, étaient ainsi pleinement licites et légitimes.

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