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M'jid El Guerrab
Question N° 8391 au Ministère de la justice


Question soumise le 15 mai 2018

M. M'jid El Guerrab interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, au sujet de la reconnaissance au Maroc du contrat à durée indéterminée pour un ressortissant français travaillant comme tel sur le territoire marocain. Des conventions, comme l'accord d'association UE-Maroc de 1996, ou encore la Convention n° 143 de l'ONU sur les travailleurs migrants (art. 8 et 12), publiée au BO n° 6493 du 22 août 2016, promulguée au terme du Dahir n° 1-16-115 du 10 août 2016, prévoient expressément l'égalité de traitement entre les travailleurs nationaux et les travailleurs étrangers. Or la plus récente jurisprudence de la Cour de cassation du Royaume du Maroc va à l'encontre de ce principe (cf. notamment les arrêts 1015, dossier n° 1474/5/1/2008 du 30/09/2009 et n° 1016, dossier n° 1256/5/1/2008 du 23/09/2009), en faisant prévaloir la durée du visa de travail, dénommé « contrat de travail d'étranger » (issu du chapitre V du code de travail marocain, tel qu'il ressort de l'article 517 de la loi n° 65-99), autorisation administrative obligatoire pour tout salarié étranger, afin notamment de s'affranchir des indemnités prévues dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée. Les travailleurs français subissent, donc, des discriminations persistantes. Un infléchissement de la jurisprudence de la Cour de cassation marocaine ou même une évolution législative sont nécessaires, afin que les ressortissants français établis au Maroc puissent, le cas échéant, se prévaloir avec succès du bénéfice d'un contrat à durée indéterminée. Après que Mme la ministre ait rencontré M. le ministre de la justice du Royaume du Maroc en mars 2018, il souhaiterait savoir ce que le Gouvernement entend faire, en vue de remédier à cette asymétrie entre travailleurs marocains et français.

Réponse émise le 8 janvier 2019

A l'instar de la France, la législation marocaine conditionne l'accès des salariés étrangers au marché du travail à un certain nombre de conditions. C'est à ce titre que les articles 516 et 517 de la loi n° 65-99 relative au code du travail, combinés à l'arrêté du 9 février 2005 fixant le modèle du contrat de travail marocain, fondent un régime d'ordre public qui réunit en un seul support le contrat lui-même et le visa administratif valant autorisation de travail. Ainsi, le contrat de travail est automatiquement rompu lorsque le salarié étranger est dépourvu de visa, et se trouve en conséquence en situation irrégulière. Dans ce cas, en l'absence de demande de renouvellement du contrat, le salarié ne peut prétendre au versement d'une indemnité de licenciement, la cause de la rupture du contrat ne pouvant être imputé à l'employeur. Cette situation présente des similitudes avec les conditions d'emploi des travailleurs étrangers en France. L'article L. 8251-1 du code de travail dispose ainsi que « nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni d'un titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France ». L'irrégularité de la situation du travailleur étranger constitue une cause objective justifiant la rupture de son contrat de travail exclusive de l'application des dispositions de droit commun relatives au licenciement, la rupture du contrat de travail ne pouvant donner lieu qu'au paiement d'une indemnité forfaitaire égale à trois mois de salaire ou à des indemnités de rupture si la solution est plus favorable, ce sans préjudice toutefois d'une indemnisation supplémentaire si le salarié est en mesure d'établir l'existence d'un préjudice non réparé. Il demeure que différents régimes de titres de séjour et d'autorisation de travail, couvrant des périodes variables, permettent au salarié étranger de travailler en France dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, ce contrairement à ce qui résulte du modèle-type de CET, qui se présente exclusivement sous la forme d'un contrat à durée déterminée. Des échanges ont d'ores et déjà été noués entre les ministères des affaires étrangères de nos deux Etats au sujet d'une évolution éventuelle de la législation marocaine du travail. Il convient toutefois de rappeler que chaque Etat établit souverainement sa législation du travail, sans que d'autres Etats aient à intervenir dans leurs affaires internes. A cet égard, il n'y a pas lieu de faire mention de traitements discriminatoires dont l'origine résulterait directement de divergences pouvant apparaître entre deux législations. Néanmoins, les autorités françaises gardent bien en vue le but d'obtenir le respect de l'accord d'association UE-Maroc de 1996 et notamment sur les dispositions concernant les travailleurs étrangers.

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