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Christian Hutin
Question N° 8677 au Ministère de la transition écologique et solidaire


Question soumise le 29 mai 2018

M. Christian Hutin attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur les questions liées à « l'énergie fatale » qui représente l'énergie produite par un processus dont la finalité n'est pas la production de cette énergie, c'est une énergie souvent perdue si elle n'est pas récupérée ou valorisée. Elle est issue de process, d'utilités ou de déchets : cogénération, fours, tours aéroréfrigérantes, compresseurs, fumées, incinération, biogaz, réacteurs, ventilation des locaux, des eaux usées. Le potentiel est important et présent dans toutes les régions de France, en particulier les Hauts-de-France en lien avec son historique industriel. L'ADEME note que l'industrie présente un potentiel de chaleur fatale de 109,5 TWh, soit 36 % de sa consommation de combustibles, dont 52,9 TWh sont perdus à plus de 100. À ce gisement s'ajoutent 8,4 TWh de chaleur rejetés au niveau des UIOM, STEP et data center. Par ailleurs, 16,7 TWh de chaleur fatale à plus de 60 sont identifiés à proximité d'un réseau de chaleur existant. Ce potentiel représente un peu plus de 1,66 millions équivalents logements. La « chaleur fatale » présente de nombreux avantages, intéressants pour l'ensemble des parties prenantes : pour l'État c'est une réduction de la facture d'énergie du pays, réduction de la dépendance aux importations. Pour les industries c'est une recette financière supplémentaire, insertion dans le paysage de la collectivité avec bénéfice direct et visible pour les citoyens, participation à la dynamique d'écologie industrielle. Pour les collectivités c'est le maintien d'un tissu industriel sur le territoire, la création d'emplois, la lutte contre la précarité énergétique, et une avancée écologique. Pour les citoyens, c'est un accès à une chaleur à coût stable. C'est une pièce importante du dispositif de la transition énergétique française, les réseaux de chaleur permettent une massification du développement de la chaleur renouvelable et de récupération, et ont des objectifs ambitieux de multiplication par 5 de la chaleur EnR et R livrée d'ici 2030. Par ailleurs, l'ADEME recommande en priorité l'utilisation de la chaleur de récupération, avant la mobilisation des autres EnR territoriales (géothermie, biomasse, solaire). Par ailleurs, l'ensemble des textes réglementaires, à tout niveau (package énergie-climat européen en cours de discussion, analyse coût-bénéfice dans la réglementation française), vont dans la logique d'une valorisation de la « chaleur fatale ». Cependant, pour être valorisée, cette « chaleur fatale » nécessite un accord équilibré entre le producteur de « chaleur fatale » et le client. Or une difficulté apparaît entre : d'un côté, l'exploitant d'un réseau de chaleur et la collectivité, qui vont faire d'importants investissements avec un amortissement allant jusqu'à 15 à 20 ans, et de l'autre, des industriels ayant de la chaleur fatale à valoriser, mais dont la durée d'engagement de livraison ne peut excéder 2 à 3 ans, dans la logique de leur visibilité d'industriels. Il serait donc nécessaire de créer un outil faisant ce lien, qui permettrait de palier toute défection ou baisse de livraison temporaire ou non durable par un industriel, du fait de conditions économiques, qui difficiles à anticiper, sans pour autant remettre en question la pérennité du réseau et des usagers qui y sont raccordés. Une étude a été menée dans les Hauts- de-France par le pôle d'excellence régional Energie 2020 et l'ADEME Hauts-de-France, à laquelle a participé la FNCCR, sur la quantification d'un fonds de garantie, venant en complément des aides à l'investissement. Ce fonds de garantie pourrait être abondé par l'ensemble des acteurs et permettrait de financer une solution évitant l'interruption de la distribution de chaleur, par exemple via des chaufferies bois mobiles ou gaz temporaires, avant de lancer des investissements plus structurants par la suite. Un excellent parallèle peut être fait avec le fonds SAF Géothermie, porté par la Caisse des dépôts, qui a été mis en place dans les années 80 pour dé-risquer le secteur de la géothermie, ayant entraîné la réalisation de nombreuses opérations. Une étude d'évaluation de ce fonds, conduite en 2017 après 30 ans d'existence de celui-ci, a permis de montrer un effet levier impressionnant, un euro de garantie publique ayant permis la mobilisation d'environ 30 euros d'investissement. La structuration de ce fonds pourrait être la suivante, en étant porté par exemple par la Caisse des dépôts, dans une bonne logique de partenariat public-privé : la cotisation à ce fonds de garantie pourrait être en lien avec une diminution d'une taxe appliquée aux entreprises, permettant la mise en place d'une logique vertueuses, analogue à la logique de la TGAP. La TGAP est en effet dégressive selon la valorisation énergétique (chaleur ou électricité) qui est faite de la « chaleur fatale » des usines d'incinération des ordures ménagères. Dès lors, au regard des éléments présentés et qui montrent l'intérêt de la structuration d'un tel fonds, il souhaite savoir où en est la réflexion de l'État à ce sujet.

Réponse émise le 14 août 2018

Les énergies de récupération sont l'un des enjeux importants de la politique énergétique. La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte a fixé un objectif de multiplication par 5 de la quantité de chaleur et de froid renouvelable et de récupération livrée par les réseaux d'ici 2030. La programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) qui est en cours de révision aborde ces différentes sources de chaleur renouvelable et de récupération (qu'il s'agisse de la chaleur fatale des unités d'incinération, de l'industrie, des data centers, ou encore des eaux usées ou de la chaleur des bâtiments) et va décliner des objectifs spécifiques pour la récupération de chaleur fatale à travers les réseaux de chaleur et de froid. L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) a réalisé une étude sur le potentiel de récupération de la chaleur fatale industrielle et évalue à 109 TWh le gisement national, dont 16,7 TWh à proximité de réseaux de chaleur existants. Si certaines régions comme l'Île-de-France ont développé une étude poussée du potentiel régional de valorisation de la chaleur fatale, une déclinaison au plan local est également essentielle pour concrétiser les projets. C'est la raison pour laquelle la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) vient d'éditer avec l'ADEME un cahier des charges pour la réalisation d'études territoriales de connaissance des potentiels de récupération de chaleur (http://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/cahier_des_charges_etude_territoriale_chaleur_fatale_fnccr_v4.pdf). Par ailleurs, la réglementation des installations classées impose une analyse coûts-avantages pour toute installation de plus de 20 MW émettrice de chaleur fatale afin d'étudier la possibilité de récupérer et valoriser sa chaleur fatale dans un réseau de chaleur existant. Cette disposition s'applique à toutes les installations nouvelles ou lourdement rénovées de plus de 20 MW, telles que les fours dans l'industrie, les unités d'incinération, ou encore les installations de production d'énergie (y compris renouvelable), selon des modalités précisées par l'arrêté du 9 décembre 2014 indiquant le contenu de l'analyse coûts-avantages pour évaluer l'opportunité de valoriser de la chaleur fatale à travers un réseau de chaleur ou de froid ainsi que les catégories d'installations visées. La question de l'engagement contractuel entre le site émetteur de chaleur fatale et le réseau de chaleur urbain est en effet souvent cruciale pour développer davantage de projets, ainsi que celle du renforcement du Fonds chaleur. Le Fonds chaleur accompagne depuis 2015 les projets de récupération de chaleur fatale. Ainsi, plus de 70 projets ont été accompagnés pour une production totale de 1,25 TWh/an et un montant d'aide de 16,7 M€. À l'occasion de la révision de la PPE qui est en cours, il a été annoncé la revalorisation du Fonds chaleur en 2018 à hauteur de 245 M€. La question du budget du Fonds chaleur pour 2019 et au-delà est en cours d'arbitrage, pour atteindre les objectifs de la PPE et de la France au regard de la directive relative aux énergies renouvelables. Par ailleurs, l'ADEME a lancé en 2018 une étude sur le financement des investissements pour les projets de chaleur fatale. Dans le cadre de cette étude, une analyse des risques de chaque étape du projet est réalisée (en particulier les risques financiers, économiques, juridiques et techniques) et une analyse des dispositifs les plus efficaces pour répondre à chacun des enjeux est conduite. Les résultats de cette étude sont attendus pour septembre 2018. Une déclinaison dans le Fonds chaleur en fonction des résultats de l'étude et des budgets alloués sera ensuite envisagée.

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