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Christophe Blanchet
Question N° 8814 au Ministère du travail


Question soumise le 29 mai 2018

M. Christophe Blanchet attire l'attention de M. le ministre de la cohésion des territoires sur une problématique particulière et propre aux gérants-mandataires de l'hôtellerie : une profession assimilée à des prestataires de service, celle de leur remplacement pendant leurs congés. Ce sont des personnes qui vivent dans des conditions difficiles ; ils travaillent durement et avec des revenus très limités : à savoir qu'ils sont 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 sur leur lieu de travail et que leurs temps de repos sont très rares. De plus, ils touchent le plus souvent moins de 20 % du chiffre d'affaires de l'établissement, alors qu'ils gèrent pourtant l'hôtel en famille toute l'année. Pendant de nombreuses années, dans le Calvados, lorsque les gérants-mandataires de l'hôtellerie voulaient s'absenter de leur établissement pour prendre des jours de congés, ils disposaient d'assistants conseils agréés (ACA) ; dispositif parfaitement adapté à la situation et à leurs besoins. Les ACA ayant été supprimés, ils ont aujourd'hui recours à l'emploi d'autoentrepreneurs qu'ils rémunèrent à la journée. Compte tenu de la nécessité de souplesse et de flexibilité inhérente au travail de gérants-mandataires, ce modèle de recrutement répond parfaitement au besoin de remplacement exprimé par ces derniers lors de leur absence pour congés. En effet, il est difficile de recruter trois à quatre personnes, disponibles et compétentes en tant que salarié(e)s pour remplacer un seul gérant mandataire. Le recours à un travailleur disposant du statut « autoentrepreneur » est donc le moyen le plus adéquat. Or l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) du Calvados refuse désormais que les gérants-mandataires aient recourt à des travailleurs sous le statut d'autoentrepreneurs pour les remplacer pendant leur absence. Cette obligation cause de nombreuses difficultés aux gérants-mandataires qui, sous peine de redressement et de sanctions financières, sont contraints à l'emploi de travailleurs salariés. Cette situation paraît injuste à l'égard des gérants-mandataires du Calvados puisque dans le même temps, les URSSAF d'autres départements autorisent quant à elles le recours à l'emploi d'autoentrepreneurs. Afin qu'il n'y ait pas d'asymétrie dans les droits et les devoirs des gérants-mandataires de France pouvant conduire à des déséquilibres économiques et sociaux, il conviendrait de permettre officiellement, et ce sur l'ensemble du territoire, le remplacement des gérants mandataires de l'hôtellerie en cas d'absence par des autoentrepreneurs. Il lui demande ainsi de bien vouloir indiquer sa position sur cette proposition.

Réponse émise le 22 janvier 2019

Le dispositif de l'auto-entrepreneur a été créé par la loi n° 2008-776 de modernisation de l'économie du 4 août 2008 pour simplifier la création et les déclarations sociales et fiscales d'entreprises individuelles relevant du régime fiscal de la micro-entreprise. Ce régime, désormais qualifié de micro-entreprise, constitue un dispositif de simplification du calcul et du paiement des prélèvements obligatoires applicables à une activité indépendante. Une activité indépendante se caractérise essentiellement par le fait que son auteur a pris librement l'initiative de créer ou de reprendre une activité et qu'il conserve, pour son exercice, la maîtrise de l'organisation des tâches à effectuer et du matériel nécessaire, ainsi que la recherche de sa clientèle. En application des articles L. 8221-6 du code du travail et L. 311-11 du code de la sécurité sociale, il existe un principe juridique de présomption simple de travail indépendant et d'absence de contrat de travail, lorsqu'une personne est inscrite au répertoire des métiers, au registre du commerce et des sociétés ou, pour les professions libérales, immatriculées auprès de l'Union de Recouvrement des cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales (URSSAF) au titre de leur activité. Toutefois, et selon une jurisprudence abondante et constante de la Cour de cassation, l'existence d'un lien de subordination ne dépend ni de la volonté des parties ni de la qualification donnée à la prestation effectuée mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur. Est ainsi considéré comme travailleur salarié celui qui accomplit un travail pour un employeur dans un lien de subordination juridique permanente, défini comme « l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ». Les services de contrôle comme le juge, lorsqu'il est saisi, analysent de manière concrète la relation qui lie les parties selon la méthode dite du faisceau d'indices. Parmi les indices d'une relation salariée, peuvent être cités, sans que cela soit exhaustif : l'initiative même de la déclaration en travailleur indépendant (démarche non spontanée, a priori incompatible avec le travail indépendant), l'absence ou une limitation forte d'initiatives dans le déroulement du travail, l'intégration à une équipe de travail salariée, le respect d'horaires, le respect de consignes autres que celles strictement nécessaires aux exigences de sécurité sur le lieu d'exercice, pour les personnes intervenantes, une facturation au nombre d'heures ou en jours, la fourniture de matériels ou d'équipements (sauf équipements importants ou de sécurité). Aussi, le recours à un micro entrepreneur ne peut être dicté par la difficulté des gérants mandataires de l'hôtellerie de recruter plusieurs personnes, disponibles et compétentes sur une même période, en tant que salarié (e) s pour remplacer un seul gérant mandataire. Seules les conditions dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur sont prises en compte. Dans le cas évoqué du remplacement du gérant mandataire d'hôtel, le recours à un micro-entrepreneur n'est pas approprié puisque les critères de la subordination juridique sont en pratique réunis. Par ailleurs, le fait de recourir sciemment à un travailleur indépendant en lieu et place d'un travailleur salarié pour échapper à ses obligations d'employeur caractérise une fraude constitutive du délit de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié. Eu égard aux positions divergentes des URSSAF évoquées, les services du ministère du travail se rapprocheront de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale afin que celle-ci veille à l'uniformité des pratiques sur le territoire.

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