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Fabien Di Filippo
Question N° 8845 au Secrétariat d'état Secrétariat d'État


Question soumise le 5 juin 2018

M. Fabien Di Filippo attire l'attention de Mme la secrétaire d'État, auprès de la ministre des armées, sur la situation des personnels civils et militaires qui ont participé aux programmes d'essais nucléaires français sur les sites du Sahara et de Polynésie française depuis le 13 février 1960 jusqu'au 27 janvier 1996 et sur celle de leurs descendants. De nombreux vétérans des essais nucléaires se tournent vers l'État et réclament : que soient recensés les personnels civils et militaires ayant travaillé sur les sites d'expérimentation nucléaire ; que soient accessibles les dossiers médicaux des personnels militaires présents sur les sites ; que soit établie une présomption de lien entre le service dans une zone contaminée et la maladie radio-induite ; que soit mis en place un fonds d'indemnisation des victimes civiles et militaires et un droit à la pension ; que leur soit attribué un titre de reconnaissance de la Nation. Ils demandent surtout qu'un suivi médical soit mis en place pour eux et leurs descendants (enfants et petits-enfants), victimes également, et souffrant de malformations de cancers et de maladies qui apparaissent être liés à la contamination radioactive et à l'irradiation. Par la passé l'État a déjà reconnu sa part de responsabilité à l'égard des personnes ayant travaillé sur des sites contaminés par l'amiante et a agi en conséquence. Il semble cohérent qu'il fasse preuve aujourd'hui d'une égale sollicitude pour répondre aux questions et aux attentes des victimes des essais nucléaires. Il lui demande donc quelles mesures le Gouvernement compte entreprendre pour le suivi médical de ces vétérans et de leurs descendants lorsque ceux-ci sont susceptibles de souffrir des répercussions des essais nucléaires de la France au Sahara et en Polynésie française.

Réponse émise le 11 septembre 2018

Il importe en premier lieu de souligner que les dossiers à caractère professionnel des personnels ayant servi sur les sites des essais nucléaires réalisés par la France entre 1960 et 1996, au Sahara et en Polynésie française, ont été dispersés et conservés au sein de nombreux services d'archives. En l'absence d'un système d'information permettant d'identifier et de distinguer cette population, il ne peut en conséquence être envisagé de recenser de manière exhaustive l'ensemble de ces personnes. En outre, il est précisé que la loi no 2010-2 du 5 janvier 2010 modifiée relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français a d'ores et déjà créé un régime de réparation intégrale des préjudices subis par les victimes des essais nucléaires français, quel que soit leur statut (civils ou militaires, travailleurs sur les sites d'expérimentations et population civile, ressortissants français ou étrangers). Ce cadre juridique offre la possibilité à toute personne atteinte d'une pathologie radio-induite figurant parmi les maladies listées en annexe du décret no 2014-1049 du 15 septembre 2014 relatif à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français, ayant séjourné ou résidé, au cours des périodes déterminées, dans l'une des zones géographiques énumérées par la loi et le décret précités, de constituer un dossier de demande d'indemnisation. Dès l'origine de ce dispositif, la présomption de causalité ne pouvait être écartée que si le risque attribuable aux essais nucléaires pouvait être considéré comme négligeable au regard de la nature de la maladie et des conditions de l'exposition aux rayonnements ionisants. La loi no 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique a cependant encore amélioré les possibilités d'indemnisation des victimes des essais nucléaires en supprimant cette notion de risque négligeable et en créant une présomption de causalité irréfragable entre l'exposition aux rayons ionisants due aux essais et la survenue de la maladie. Il est également rappelé que la loi no 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale a élevé le comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN) au rang d'autorité administrative indépendante, dotée d'un rôle décisionnel en matière d'indemnisation. Par conséquent, il n'appartient plus au ministre chargé de la défense de décider d'attribuer ou non les indemnisations aux demandeurs sur le fondement des recommandations du comité. La commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires, chargée d'examiner les mesures tendant à faire évoluer le processus d'indemnisation, est pour sa part présidée par la ministre chargée de la santé. Concernant le suivi médical individualisé des vétérans des essais nucléaires, il est précisé que les anciens militaires et personnels civils de la défense ayant travaillé sur les sites ou à proximité des centres d'essais nucléaires français peuvent bénéficier, à leur demande, depuis le 25 janvier 2008, d'une consultation médicale gratuite au sein des centres médicaux des armées (CMA), structures locales de soins du service de santé des armées (SSA). Depuis juillet 2009, cette consultation est également ouverte auprès des services de médecine du personnel des hôpitaux d'instruction des armées (HIA). De plus, depuis 2003, les ouvriers de l'État et les personnels contractuels exposés à un agent cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction, à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions au sein du ministère chargé de la défense, ont droit à un suivi médical post-professionnel, conformément aux dispositions du code de la sécurité sociale et du code du travail. Ce suivi médical a été étendu, fin 2009, à tous les agents publics de l'État ou d'un de ses établissements publics, puis, par le décret no 2013-513 du 18 juin 2013, aux militaires ayant été confrontés, au cours de leur carrière, à l'un ou à plusieurs de ces facteurs à risque. Enfin, dans le cadre d'une convention signée le 30 août 2007 entre l'État et la Polynésie française, un bilan médical initial et un suivi médical annuel sont proposés aux anciens travailleurs polynésiens des sites d'essais nucléaires français. Les consultations sont assurées par deux praticiens du SSA au sein d'une structure médicale dédiée, dénommée centre médical de suivi (CMS), implantée à Papeete. Le CMS assure un suivi sanitaire et une aide à la constitution des dossiers de demande d'indemnisation formulée au titre des dispositions de la loi no 2010-2 du 5 janvier 2010. En revanche, en l'absence d'un effet transgénérationnel démontré par les nombreuses études scientifiques internationales qui ont concerné ce sujet, la mise en place d'un suivi médical spécifique concernant les descendants des victimes des essais nucléaires n'est pas prévue. L'accès aux dossiers médicaux des personnels présents sur les sites d'expérimentation nucléaires est quant à lui régi par une procédure spécifique impliquant le SSA. Cette procédure permet à toute personne ayant participé aux programmes d'essais nucléaires français de demander une copie de son dossier médical, sous réserve de pouvoir justifier de son identité. Par ailleurs, il est souligné que le titre de reconnaissance de la Nation (TRN) a été créé par la loi no 67-1114 du 21 décembre 1967 pour les militaires ayant pris part pendant 90 jours aux opérations d'Afrique du Nord, à une époque où ces opérations n'ouvraient pas droit à la carte du combattant. Les conditions d'attribution de ce titre sont codifiées aux articles D. 331-1 à R* 331-5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG). L'article D. 331-1 du CPMIVG précise en particulier que le TRN est délivré aux militaires des forces armées françaises et aux personnes civiles ayant servi pendant au moins 90 jours dans une formation ayant participé aux opérations et missions mentionnées aux articles R. 311-1 à R. 311-20 du même code ou ayant séjourné en Indochine entre le 12 août 1954 et le 1er octobre 1957 ou en Algérie entre le 2 juillet 1962 et le 1er juillet 1964. Les services accomplis en Algérie entre le 31 octobre 1954 et le 1er juillet 1964 étant ainsi susceptibles d'ouvrir droit à l'attribution du TRN, les militaires et les personnels civils ayant participé aux essais nucléaires menés au Sahara, à Reggane, dès février 1960 et à In Ecker, dès novembre 1961, et répondant aux critères susvisés, dans le cadre de la période considérée, peuvent donc prétendre au titre en cause et à la médaille de reconnaissance de la Nation, dont le port est de droit pour tout titulaire du TRN. A compter du 2 juillet 1964, les troupes présentes en Algérie jusqu'en 1967 n'ont pas pris part à un conflit, mais ont été déployées dans le cadre de l'application des accords d'Évian, qui prévoyaient la conservation par la France d'un certain nombre d'installations militaires pendant une durée limitée. Les personnels concernés, parmi lesquels ceux ayant servi sur les sites des essais nucléaires après le 1er juillet 1964, n'ont en conséquence pas vocation au TRN qui repose sur une notion d'opérations ou de conflits. De la même façon, les personnes ayant pris part aux campagnes d'expérimentations nucléaires au Centre d'expérimentation du Pacifique, en Polynésie française, n'ont à aucun moment participé, sur ce territoire, à une opération ou à un conflit les exposant à un risque d'ordre militaire. Le TRN ne peut en conséquence leur être délivré. Le Gouvernement n'envisage pas de modifier la réglementation dans ce domaine. Cependant, les civils et les militaires ayant œuvré sur les sites des essais nucléaires ont pu voir leurs missions prises en compte pour l'attribution éventuelle des ordres nationaux, et de la médaille militaire s'agissant uniquement des personnels militaires. En outre, l'acquisition de mérites par ces vétérans fait toujours l'objet d'un signalement particulier à l'attention du conseil de l'ordre concerné (grande chancellerie), afin que cette particularité soit prise en compte dans l'appréciation portée sur l'ensemble de la carrière des intéressés, sans qu'il puisse être préjugé de la suite qui lui sera réservée. Par ailleurs, les personnels ayant servi dans le Sahara pendant 90 jours, entre le 28 juin 1961 et le 1er juillet 1964, ont pu obtenir la médaille commémorative des opérations de sécurité et de maintien de l'ordre en Afrique du Nord avec agrafe « Sahara ». Les militaires affectés à compter de 1981 sur le site de Mururoa en Polynésie ont quant à eux pu se voir décerner la médaille de la défense nationale, instituée par le décret no 82-358 du 21 avril 1982 [1], avec l'agrafe « Mururoa Hao ». [1] Décret abrogé et remplacé par le décret no 2014-389 du 29 mars 2014 relatif à la médaille de la défense nationale.

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