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José Evrard
Question N° 9026 au Ministère de la culture


Question soumise le 5 juin 2018

M. José Evrard attire l'attention de Mme la ministre de la culture sur la situation de la presse écrite. La presse écrite française vit depuis de nombreuses années sous la perfusion du financement public. Elle est dépendante de l'État. Les aides publiques sont distribuées au prétexte d'un besoin des Français de pluralisme démocratique. Or la baisse régulière des ventes prouve que les journaux peinent de plus en plus à satisfaire ce besoin du lectorat. Ils sont donc édités pour alimenter une démocratie d'apparence grâce à des subsides. À l'opposé, la diffusion d'une presse numérique par internet est en pleine croissance. La jeunesse qui a abandonné les réseaux traditionnels de diffusion de l'information s'informe auprès des nouveaux canaux. Paradoxalement pèsent sur ceux-ci l'éventualité de censure et la réalité de sanctions. Il lui demande ce qu'elle compte envisager pour établir davantage d'égalité entre les deux modes de diffusion de l'information et de son traitement pluraliste.

Réponse émise le 9 octobre 2018

La presse écrite en France fait face à une crise depuis de nombreuses années en raison du recul de sa diffusion et de l'attrition des recettes de publicité et d'annonces. Cependant, la presse écrite est plus que jamais nécessaire au dynamisme de la vie démocratique, en particulier face à l'essor des fausses nouvelles qui se propagent à une vitesse et dans des proportions considérables par la voie d'Internet, notamment des réseaux sociaux. L'État a donc développé un ensemble cohérent de dispositifs de soutien à la presse écrite, de la production de l'information jusqu'à sa diffusion, à travers des aides directes et indirectes. Celles-ci poursuivent trois objectifs : d'abord, l'allègement des coûts de diffusion sur le territoire pour faciliter la circulation des idées ; ensuite, le soutien à la modernisation pour encourager l'innovation et la transition numérique ; enfin, le soutien au pluralisme pour accompagner les titres les plus fragiles. Le soutien direct au pluralisme de la presse apparaît d'autant plus indispensable que le secteur connaît des mouvements de concentration et que des titres de presse dépourvus à la fois du soutien de grands actionnaires et d'importantes recettes publicitaires peuvent être menacés de disparition. Le Conseil constitutionnel a d'ailleurs reconnu que le pluralisme de la presse d'information politique et générale constituait un objectif de valeur constitutionnelle (décision n° 84-181 DC des 10 et 11 octobre 1984, loi visant à limiter la concentration et à assurer la transparence financière et le pluralisme des entreprises de presse). L'ensemble de ces soutiens budgétaires représente 231 M€ en 2018, soit 3 % du chiffre d'affaires de la presse. Il n'est donc pas justifié de parler de « perfusion ». Les dispositifs ont fait l'objet de nombreuses réformes, qui se sont accélérées ces dernières années, afin notamment de les adapter aux évolutions indispensables du secteur, en particulier sa transformation numérique. En effet, la diffusion numérique est en pleine croissance, tandis que la diffusion imprimée recule. Il convient cependant de noter que la diffusion imprimée continue de représenter l'essentiel du chiffre d'affaires des éditeurs de presse, en raison d'une part de son volume encore très important, associé à des prix de vente en hausse, d'autre part de la difficulté pour les éditeurs de monétiser l'audience numérique, notamment par la voie des recettes publicitaires dont une part croissante revient aux géants du numérique. À cela s'ajoute que la structure des coûts de la presse imprimée est bien plus lourde que celle de la presse numérique. C'est pourquoi l'État continue de consacrer une part importante de son effort en direction de la presse imprimée. La part des aides en faveur du développement numérique est toutefois en croissance, en particulier grâce à l'action du fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP) et du fonds de soutien à l'émergence et à l'innovation dans la presse (FSEIP). Le FSDP permet par exemple de financer des applications mobiles, des logiciels d'édition des sites, etc. ; deux tiers de ses crédits en 2017 ont été accordés à des services de presse en ligne. Le FSEIP soutient de son côté l'émergence de nouveaux services de presse en ligne mais également la recherche, le développement et l'innovation dans le secteur de la presse ainsi que des programmes d'incubation dédiés aux médias émergents, souvent numériques. Les dispositifs d'aides indirectes qui profitaient à la presse imprimée ont progressivement été étendus à la presse numérique, en particulier le bénéfice du taux super-réduit (2,1 %) de taxe sur la valeur ajoutée depuis 2014. Par ailleurs, le projet de loi PACTE a notamment pour objet d'ouvrir aux services de presse en ligne l'accès à l'habilitation pour la publication des annonces judiciaires et légales qui représentent un marché d'environ 240 M€ par an. Ainsi, c'est en soutenant le pluralisme de l'information véhiculée par la presse imprimée ou numérique et en continuant de consacrer une part croissante de son effort pour accompagner les innovations des éditeurs que l'État soutient la presse écrite sans porter atteinte à son indépendance.

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